Au centre d’une allée où presque tous les rideaux sont baissés, le café associatif Le Tilia se bat pour maintenir un esprit de village dans un quartier du Blanc-Mesnil, miné par le deal et l’incertitude du projet de rénovation urbaine. C’est l’un des cinq lauréats de l’appel à projets “Tiers-lieux autonomie dans mon quartier” du département de la Seine-Saint-Denis.
Ce mardi matin, malgré la pluie, Le Tilia affiche complet. Jalalle Essalhi, le jeune président de 24 ans du café associatif accueille le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, venu dévoiler le nom des cinq lauréats du deuxième appel à projet “Tiers-lieux dans mon quartier”.
“Finalement ça nous donne le sentiment d’être considérés, ce qui n’a pas toujours été le cas“, commente Jalalle Essalhi qui a pris il y a deux ans la présidence de l’association. Aujourd’hui, elle compte près de 300 adhérents. Deux salariés la font fonctionner avec la participation d’une dizaine de bénévoles.
À l’initiative en 2011, Absa et quelques autres habitantes du quartier voulaient “créer un lieu de convivialité où l’on peut se retrouver. Il n’y avait plus personne qui passait par ici“, explique-t-elle.
Si les adhérents sont surtout des seniors et des femmes, l’association est ouverte à tous, son objet social étant “de lutter contre l’isolement de tous les publics“. Des enfants qui jouent dans la rue n’hésitent d’ailleurs pas, qui entrent et sortent.
“Ici, c’est un point de deal, il y a cette réalité. L’enjeu est aussi celui de la cohabitation entre les générations, et donc celui du partage de l’espace public”
Avec les années, la programmation s’est enrichie au gré des bonnes volontés et des demandes des habitants: thés philo, ateliers d’initiation à la photographie, à la poésie, à la peinture, plantations, information sur l’accès aux droits. “L’idée est de permettre aux gens d’être bien dans leur quartier. Ce n’est pas toujours simple. Ici, c’est un point de deal, il y a cette réalité. L’enjeu est aussi celui de la cohabitation entre les générations et donc celui du partage de l’espace public“, précise Jalale Essalhi.
Chaque vendredi, le jour du marché, l’association propose un grand repas. “Les gens savent que c’est un lieu à investir. Poulet yassa, tiep de poisson, tajine, couscous… Les repas sont délicieux. Et pour les adhérents c’est 7 euros, sinon c’est 9. C’est comme ça que je suis devenu adhérent, puis j’ai donné des coups de main“, confie Jale en souriant.
Tout n’est pas rose. Le café associatif Le Tilia craint pour son avenir. Selon Jalale Essalhi, le projet de rénovation urbaine fait peser “un risque de destruction de tout le patrimoine du quartier sans possibilité pour les acteurs associatifs historiques d’obtenir de nouveaux locaux parce que les prix du marché sont exorbitants. L’aide du département est une opportunité mais on n’a jamais était aussi précaire, avec un horizon que l’on ne maitrise pas.” À quelques mètres de là, d’autres associations ont du reste déjà dû baisser le rideau.
“Pour nous, cet appel à projets est vraiment une bonne nouvelle, ça va nous permettre de faire venir d’autres publics et de nourrir cette belle énergie qu’il y a ici. Ici, il y a des gens qui ont des diplômes, d’autres pas, mais c’est un espace où l’on partage simplement des émotions comme ce matin, un déjeuner à l’Espagnole“, abonde Véronique, adhérente et bénévole active qui a été puéricultrice pendant 19 ans dans le centre de protection maternelle et infantile (PMI) situé à quelques rues de là.
Comme tous les autres lauréats de l’appel à projet, Le café Tilia bénéficiera d’un apport de 50 000 euros par an sur trois ans pour couvrir ses frais de fonctionnement et recruter un équivalent temps plein (qui est une condition contractuelle). Le département lui alloue également 50 000 euros pour financer un plan d’investissement, auquel l’association réfléchit pour améliorer l’accessibilité du local, mais qui pourrait aussi lui servir à organiser un éventuel déménagement…
En fonction des besoins, cette deuxième enveloppe peut atteindre jusqu’à 100 000 euros comme c’est le cas de l’OPH de Villemomble qui veut un ouvrir un espace d’activités intergénérationnelles dans le quartier de la Fosse-aux-Bergers en septembre 2023.
Beaucoup de jeunes, mais aussi de plus en plus de vieux
“Nous sommes le département le plus jeune de France métropolitaine, mais contrairement à d’autres territoires, la Seine-Saint-Denis va devoir affronter une transition démographique: d’ici 2050, le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus va doubler d’ici 2050“, pointe Stéphane Troussel. “Tout le monde n’ira pas en établissement, sachant qu’aujourd’hui en France l’essentiel des personnes âgées vivent dans leur domicile. Il faut donc développer des services de proximité dans des espaces faciles d’accès et bien identifiés.” C’est le cas notamment de l’association Fasol, avec son atelier menuiserie situé dans le quartier du Pré-Gentil à Rosny-sous-Bois, lauréate de la première édition en 2020. “C’est un appel à projet très encadré avec beaucoup de formations sur l’autonomie et un suivi du département. Ça nous a servi à rendre les toilettes accessibles pour personnes à mobilité réduite et à créer un atelier numérique. Nous allons aussi recruter un médiateur relais“, relate Christelle Dubois, sa directrice. “C’est une véritable reconnaissance que l’on recherchait parce que ça fait 10 ans que l’on est installé au Pré-Gentil, dans un quartier qui est plutôt délaissé, et que l’on anime des activités intergénérationnelles autour de jeux de société en bois mais pas seulement.”
Les 5 lauréats de l’édition 2022
Après six premiers tiers lieux identifiés en 2021, les lauréats de la 2ème édition de l’appel à projet sont:
- Le café associatif Le Tilia 7 allée Viollet Le Duc, Le Blanc Mesnil. Du lundi au samedi de 9h à 18h00
- La Ferme du cœur 31 rue Ladoucette, Drancy. Du lundi au samedi de 9h à 18h
- Le Joli Mai 39 rue Anselme, Saint-Ouen. Le lundi 8h30-12h et 16h-19h et du mardi au vendredi de 8h30 à 18h30 et le samedi de 10h à 18h00
- Le café associatif La Blague 126 rue Danielle Casanova, Aubervilliers. Le mardi et le mercredi de 11h à 18h, le jeudi de 9h à 18h et le vendredi de 11h à 20h30
- OPH de Villemomble 2-4 rue du Commandant Belleux, Villemomble. Ouverture prévue en septembre 2023
Au total, la Seine-Saint-Denis indique avoir accordé 790 000 euros de soutien à des tiers-lieux. Son objectif est de développer un réseau d’une trentaine d’espaces de ce type d’ici 2025.
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