“Ça devient très compliqué à gérer.” A Bry-sur-Marne, les urgences de l’hôpital Saint Camille absorbent “de plus en plus de monde” avec un personnel en “stress permanent”, “à bout”, “impuissant”, qui évoque un système “littéralement en train de craquer”.
“On a l’impression de passer notre temps, semaine après semaine, à faire des rapports, à envoyer des emails pour dire qu’on n’y arrive pas, qu’on est à bout, que les patients sont en danger, que les soignants sont en danger”, confie à l’AFP la docteure Aude Carpentier qui a l’impression de ne pas être écoutée.
“C’est la catastrophe”, abonde son collègue Guillaume Pinelli, pointant du doigt “le stress permanent” auquel les soignants, continuellement en sous-effectif, sont confrontés.
En cette fin de semaine, l’accueil des urgences de cet hôpital de Bry-sur-Marne est bondé. Il y a “de tout”, “tout le temps”, résume Aude Carpentier.
Les malades sont répartis entre trois salles de déchocage où les cas les plus graves sont pris en charge, quinze boxes, des “zones d’attente assises” et des “zones d’attente allongées” équipées de simples brancards, auxquels s’ajoutent des chaises dans le couloir, le service étant “débordé”.
Au milieu de tout ce monde: la salle des soignants. Les médecins de l’équipe de nuit, qui entament une garde de plus de 15 heures, prennent connaissance des constantes et des traitements en cours d’un “homme tombé ce matin”, très agressif, d'”une jeune femme fort charmante de 90 ans” qui “se plaint qu’il n’y ait pas eu Noël“, d’une patiente de 100 ans “qui a chuté” et “va relativement bien”. Mais aussi d’une femme, prise en charge dans le RER “avec 4,18 g d’alcool dans le sang”, d’un homme qui a vomi du sang, d’une femme “Covid depuis hier” mise sous ventoline …
Les téléphones sonnent sans discontinuer, se mêlant aux bips des “scopes”. Les soignants, pyjama bleu et masque de rigueur, récupèrent les résultats d’examens, remplissent les dossiers, signent les ordonnances.
“Les gens sont de plus en plus agressifs parce qu’on a de moins en moins de temps à leur accorder“
“On a déjà 11 patients en attente parce qu’on n’a pas de place de libre”, détaille Sarah Daghsen, infirmière intérimaire depuis quatre mois dans le service qui avoue qu‘”honnêtement”, elle ne se voit pas faire sa carrière aux urgences.
“Ça n’arrête pas. Il y a de plus en plus de monde. Les gens sont de plus en plus en détresse, les gens sont de plus en plus agressifs parce qu’on a de moins en moins de temps à leur accorder. Ça devient très compliqué à gérer”, avoue Aude Carpentier. Et “on ne peut pas dire: ‘on est plein, on arrête !”, argue le docteur Pinelli.
En cause, “la médecine de ville qui n’existe plus ici”, le manque de généralistes de garde ou dans les Ehpad, le vieillissement et la croissance de la population avec “un immeuble qui sort de terre tous les six mois”, la fermeture de lits d’hospitalisation empêchant le transfert des patients qui, “du coup, s’accumulent dans les urgences”. “Il y a des pans entiers de malades qui ne sont plus jamais soignés”, dénonce Aude Carpentier.
“Nous sommes, impuissants, au centre de tout cela”, conclut Abigaëlle Débit, médecin urgentiste, qui voit “le système littéralement en train de craquer de tous les côtés” et pour qui “la crise sanitaire ne fait que révéler des problèmes qui existaient déjà”.
Manque de titulaires
Comme partout, le service doit également faire face à des problèmes d’effectifs. Sur les 21 postes d’infirmières, seuls trois sont encore occupés par des titulaires. Les médecins ne sont pas assez nombreux non plus. La valse des intérimaires, qui ne peuvent pas effectuer les nuits et sont plus difficiles à trouver pour les weekends, alourdit la charge du petit pôle de médecins restant.
Et le Covid-19 complique tout, avec deux ou trois médecins sont testés positifs par semaine. “On est tous malades à la chaîne, à se remplacer mutuellement sur nos jours de repos. Et c’est comme ça depuis trois semaines.”
par Laurence COUSTAL
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