Depuis cinq ans, le lycée Maurice Utrillo de Stains accueille des intervenants à l’occasion de la semaine de l’égalité filles-garçons. En sensibilisant sur la pratique de l’excision, mutilation des organes sexuels féminins encore méconnue, la Maison des femmes de Saint-Denis veut aussi déconstruire les stéréotypes sexistes qui restent encore bien ancrés dans les mentalités.
“C’est quoi ça l’excision?” interroge à bâtons rompus Zoumana, 18 ans, sous le regard de Mme Amounne. La professeure principale de la classe de terminale des métiers du commerce et de la vente (TMCV), le rappelle à l’ordre: “Vous avez le droit de vous exprimer, mais levez le doigt!”
L’excision, opération consistant à retirer le clitoris – interdite en France qui condamne cette mutilation – peu d’élèves en avaient entendu parler. Ce-sont pourtant 120 000 filles qui en seraient aujourd’hui victimes en France (200 millions dans le monde).
“Les femmes se victimisent”
“C’est une barbarie!” interrompt une nouvelle fois Zoumana, indigné par ce que lui apprennent Albane et Eléonore, deux intervenantes de la Maison de femmes de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis. L’une est interne et l’autre en service civique.
Si la pratique de l’excision est unanimement rejetée, la séance qui aborde aussi le contexte général des violences faites aux femmes, soulève en creux des clichés encore bien ancrés sur leur liberté à disposer de leur corps.
Pour certains garçons, “il y aurait trop de fausses plaintes pour viol: les femmes se victimisent.” Pour d’autres, l’évolution des droits femmes expliquerait même l’autorité que doivent parfois exercer sur elles leurs proches. “Tu crois que si j’attrape ma sœur en train faire n’importe quoi ça se passe comme ça?”, chuchote quelqu’un. “Nous sommes là justement pour expliquer que les femmes ont aussi le droit de vivre leur vie sexuelle”, rappelle Eléonore.
“Les filles se taisent, les garçons causent“
A la fin de la séance, Gwenaelle confie connaitre l’existence de l’excision. “Mais je croyais que ce n’était qu’en Afrique, en fait il y a d’autres cultures qui la pratiquent (en Amérique du sud notamment).” A ses côtés, Monica a été marquée par autre chose: “Je suis choquée par les garçons, par leurs réactions.”
Albane et Eléonore ne sont pas étonnées par la tournure qu’a pris la séance. “Les filles se taisent, les garçons causent”, résume cette dernière. Un effet amplifié par le nombre plus élevé de garçons: 15 sur la vingtaine d’élèves présents. “Mais c’est compliqué, ça fait des millénaires qu’on instruit le mythe du sexe faible ou que les femmes n’ont pas le droit d’avoir une vie sexuelle épanouie.”
“J’aurais aimé savoir que ce n’était pas normal de se faire appeler de pute. Au début on prend ça à la rigolade”
Alors qu’une classe de première prend place dans la salle pour assister à la même séance, Anicia, se dit favorable à davantage de cours de sexualité, dès le collège. “J’aurais aimé savoir que ce n’était pas normal de se faire appeler de pute. Au début on prend ça à la rigolade.” Sa professeure principale pour sa part que des ateliers devraient être mis en place pour aborder les comportements de type “grand-frère”.
Albane rappelle quant à elle que deux à trois élèves en moyenne par classe seraient victimes de violences sexuelles. “L’intérêt de ce genre d’intervention c’est que ça permet de libérer la parole, de montrer que des structures comme la Maison des femmes existent et accueille les victimes.” “C’est la honte qui empêche de parler”, ajoute Eléonore pour qu’il est aussi important “de rappeler le cadre de loi, de montrer aux jeunes filles que des femmes adultes peuvent tenir tête à des garçons et de remettre en question leur préjugés.”
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