Neuf ans après la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) qui a fait sept morts et en a blessé physiquement ou psychologiquement des centaines d’autres en 2013, le tribunal d’Évry prononce mercredi son jugement à l’encontre de la SNCF, de SNCF Réseau et d’un ex-cheminot.
Retour sur les moments forts des huit semaines d’audience d’un procès très attendu par les plus de 200 parties civiles.
Une ouverture inattendueLe 25 avril, le procès s’est ouvert de façon inattendue, sur les mots graves et empathiques de la présidente du tribunal, Cécile Louis-Loyant.
Depuis la salle d’audience, la magistrate a remonté le temps et a raconté le drame en se mettant dans la peau des passagers de l’Intercités Paris-Limoges 3657.
Au début, il y avait “la poésie des mots au service de la beauté d’un voyage, d’un paysage qui file, des lumières changeantes”, commence-t-elle. Un voyage orchestré par la SNCF, cette “grande dame”, “notre patrimoine à tous”.
“17h10, à l’approche de Brétigny-sur-Orge à 137 km/h, je suis assise à côté de ma petite fille (…) Je lis un roman policier, des lunettes sur le nez”. Survient alors “le fracas des tôles, des linceuls de fumée, puis de poussière”.
“17h11, c’est l’heure qui apparaît sous le cadran brisé de la montre”.
“Là, en une seconde, en une minute, la vie de centaines de personnes quitte l’insouciance (…) pour basculer dans la stupeur, l’horreur, la douleur, insupportable, la vision de l’agonie de la femme de sa vie, le drame ou le néant”.
“17h12, c’est le temps jusque-là suspendu du bonheur, du voyage qui se brise, qui explose”. Des frissons traversent les bancs des parties civiles. Certaines pleurent quand la présidente constate: “ce ne sera jamais plus comme avant ce vendredi 17h10”.
Le drame en détailsCinq semaines d’audience sont consacrées aux débats techniques, notamment à la confrontation des expertises mandatées par la SNCF et celles ordonnées par la justice.
Des échanges houleux allant jusqu’à scruter “‘1,9 millimètre de dégradation” sur une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails. En se retournant, cette éclisse a provoqué le déraillement du train qui roulait à 137 km/h.
A plusieurs reprises, la vingtaine d’avocats se lève pour observer les scellés. La présidente saisit aussi une éclisse, ses mains couvertes de suie, se munit d’une calculatrice pour entrer des formules mathématiques…
Le 5 mai, quand un expert mandaté par la justice explique ne pas “savoir dire quand” exactement les derniers boulons d’une éclisse ont rompu, même s’il peut attester de “leur fatigue depuis plusieurs mois”, la défense s’enthousiasme.
Depuis le début, la SNCF cherche à montrer qu’elle ne pouvait anticiper le moment fatidique.
La présidente a alors modéré cet enthousiasme, évoquant les autres “désordres” observés sur l’appareil de voie.
ColèreUne semaine du procès a été consacrée aux témoignages des parties civiles, qui ont laissé exploser leur colère face à la teneur des audiences.
“Tous ces discours techniques, je les ai ramenés aux corps inanimés de nos proches sur les rails”, souffre Brigitte B., qui a perdu sa fille, en “tournant le dos sciemment” aux prévenus.
“Comment faire confiance à ces entreprises (…) qui ont continué à faire circuler des trains alors qu’elles savaient pertinemment qu’elles mettaient la vie des usagers en danger ?”
Ces récits de vies brisées sont aussi ceux de familles divisées depuis la catastrophe. Comme cette fratrie, en froid depuis le décès de leur mère. Une sœur, absente au procès alors que l’autre y assiste, s’est “construit une forteresse” et s’est isolée des siens pour survivre à sa peine.
“Un jour, Géraldine sortira de cette forteresse”, espère son avocate. “Je m’adresse à sa famille, que je sais présente dans la salle ce jour-là, je leur demande d’accueillir Géraldine”.
par Clara WRIGHT
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