Un trafic de stupéfiants “d’ampleur” dans toute l’Ile-de-France avec un “effort de marketing” exceptionnel : le procès dit “Caliweed“, du nom du réseau qui, via WhatsApp et Snapchat, vendait résine et herbe de cannabis, se tient au tribunal de Créteil dans une ambiance d’omerta.
Dans la salle d’audience, le champ lexical surprend: on y parle “marketing”, “goodies”, “publicité”, “menus” et “commandes”. Et la présidente note d’autres “particularités” dans ce dossier, jugé près de deux ans après le démantèlement du réseau dans lequel 20 personnes sont impliquées.
D’abord l’usage systématique des réseaux sociaux pour “diffuser des publicités“, prendre les commandes, recruter livreurs et guetteurs. Ensuite, “une ampleur” notable, avec deux branches, une d’approvisionnement dans le Val-de-Marne et une autre de livraison dans toute l’Ile-de-France. Enfin, “un effort de marketing” dans la promotion des produits et leur
conditionnement: de “jolies boîtes“, des étiquettes griffées Caliweed et des “goodies” offerts (T-shirts, space cakes, sucettes, etc.).
A la barre, Sonia C., a expliqué comment elle confectionnait ses space cakes, qu’elle agrémentait de colorants “Oréo” ou “Kit Kat“, faisant “de la décoration comme Cyril Lignac”. “Pour toutes les livraisons, on fera toujours en sorte de vous mettre des cadeaux“, promet le réseau à ses clients.
Selon la présidente, les enquêteurs de la sûreté territoriale ont mis à jour un réseau “très bien organisé” : des comptes WhatsApp et Snapchat avec plus de 10.000 abonnés, de la drogue provenant en partie des Etats-Unis et du matériel de conditionnement de Chine, de nombreux coordinateurs, préparateurs, livreurs et nourrices dans quatre lieux de stockage en Ile-de-France. Ils avaient bénéficié de la publicité du rappeur Mister You sur les réseaux sociaux.
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Lors d’une vague d’interpellations en juin 2019, 13 personnes sont arrêtées, plus de 100.000 euros saisis ainsi que 4 kg d’herbe, plus de 4.000 boîtes et des milliers d’étiquettes. Parmi les onze prévenus présents (certains ne se sont pas présentés, d’autres sont sous mandat d’arrêt), des hommes soupçonnés d’avoir détenu des armes, notamment un fusil à pompe et des cartouches. La plupart sont libres mais deux sont dans le box, dont “Zinzin”, chemisette noire et cheveux rasés sur le côté. Sous ce surnom, celui que les enquêteurs soupçonnent d’être la tête de réseau, dirigeant d’une main de fer ses ouailles depuis …sa cellule de prison.
“Je ne donnerai pas de noms”
Si les prévenus répondent avec plus ou moins de diligence sur les questions relatives à la logistique du trafic, une véritable omerta verrouille leur discours dès lors qu’il s’agit d’évoquer d’autres protagonistes et surtout “Zinzin”. “Qui vous payait ?”, “Qui +aidiez-vous+ dans la préparation des commandes ?”, “A qui donniez-vous l’argent ?”, “Vous faisiez ça avec qui ?” “Pour vous, Zinzin, c’est qui?”. Sous le feu nourri des interrogations de la procureure, de la présidente et des assesseurs, les mêmes visages fermés et la même obstination à ne pas répondre. Sofiane H. : “Je tairai son nom. Je ne parlerai de personne à part moi”. Un autre prévenu : “Je ne donnerai pas de nom, je ne parlerai que de moi-même”.
La présidente insiste et lit le compte-rendu de ses auditions à Michael L. : “Vous dites : +C’est Zinzin qui m’a demandé de faire une liste des produits+, vous envoyiez donc des messages à Zinzin ?” L’intéressé, à la barre: “J’envoyais les messages à la personne en question dont je tairai le nom.””Pour vous, Zinzin, c’est qui ?””Je souhaite garder le silence.””Est-ce que vous diriez qu’il y a une certaine violence dans ce réseau ?”, tente la présidente auprès de Sofiane H. De nouveau chou blanc : “Je ne retiens pas cette question”, oppose le prévenu. Le délibéré devrait être rendu vendredi prochain.
Par Ornella LAMBERTI
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