Depuis la fin février, l’artiste plasticienne Caroline Vaillant organise régulièrement des ateliers tricot en bas des immeubles dans le quartier des Mordacs à Champigny-sur-Marne, invitant les habitants qui passent à venir pratiquer. Et ça marche! Reportage.
“J’attendais un ami qui jouait au foot et j’ai vu des personnes en train de tricoter alors je me suis lancé. C’est la première fois que je tricote et vraiment j’adore ça !”, confie Oman, un jeune habitant du sixième étage, enthousiaste. Intrigué par la bande de tricoteurs, un autre jeune s’installe, invité par la plasticienne. “C’est ma première fois. Je n’aurais jamais pensé tricoter un jour. Surtout en face de chez moi. Je trouve que l’idée de tricoter tous ensemble est vraiment top !” témoigne-t-il, concentré sur son ouvrage. “C’est très bien comme initiative ! C’est bien que les garçons s’y mettent car souvent ce ne sont que des filles qui tricotent”, lance une habitante en passant devant l’atelier.
C’est en bas d’une résidence sociale Toit et Joie, partenaire avec la ville de ce projet baptisé Pop réseau, que Caroline Vaillant (association Les Ricochets sur les pavés) a commencé à dérouler sa pelote, au 768 avenue Maurice Thorez. Une semaine auparavant, elle est déjà venue en reconnaissance et a tapissé le hall de photographies grand format mettant en scène des habitants d’autres quartiers dans leur environnement urbain. Des photos prises lors d’ateliers précédents, qui illustrent l’approche de la plasticienne.
“Nous n’avons eu aucun mouvement de rejet de la part des habitants. Les images que nous avions affichées quelques jours avant n’ont subi aucune dégradation. C’est un bon signe que notre initiative est appréciée. Depuis ce matin, on a eu des super retours. Le projet a parlé aux gens. On va pouvoir bientôt constituer un petit groupe”, espère Isabelle Pirès, qui participe à l’initiative.
Tisser du lien
Au-delà de l’apprentissage du tricot, c’est surtout le lien entre les habitants que l’artiste s’attelle à tisser avec sa laine. Et cela, depuis 20 ans, par delà les frontières. “J’ai commencé lors d’une traversée des Balkans en 2001. Il y avait avec moi trois reporters de guerre et un désigner. On m’a demandé d’avoir une démarche un peu différente des autres. La guerre en Yougoslavie était terminée depuis cinq ans et j’ai essayé de penser à quelque chose qui pourrait réunir les gens. L’idée du tricot permettait de faire quelque chose avec eux. On allait dans des petits villages et les habitants qui le souhaitaient me rejoignaient pour tricoter. Nous étions placés devant un appareil photographique afin de consigner chaque nouvelle rencontre. Après avoir développé les photos dans un camion équipé, nous les donnions aux participants”, développe Caroline Vaillant.
Après cette série à travers la Slovénie, la Bosnie, la Serbie et même la Norvège, la plasticienne prolonge la démarche en France. “Je voulais inviter des gens issus de différents horizons à venir tricoter avec moi. J’ai tricoté avec un militaire, des jeunes faisant du cosplay, des religieux…” Comme une histoire sans fin, ce-sont de nouvelles pelotes géantes qui naissent de ce tricotage de longues écharpes, commencées par l’un, achevée par l’autre. Des œuvres collectives qui donnent lieu à des expositions.
Une exposition en fin d’année
“Rencontrer des gens, les convaincre de faire du tricot et d’être ensuite exposé dans la rue est un pari. Tout le monde a le droit de tricoter. Avec la forme en réseau qu’a pris la pelote, les participants sentent qu’ils sont intégrés à un foyer”, développe Caroline Vaillant. Aux Mordacs, les rendez-vous vont se poursuivre à la résidence Toit et Joie mais aussi à la Maison pour tous Youri Gagarine ((les 11 et 22 avril). L’artiste Gwennaëlle Roulleau y organisera en parallèle des captations sonores pour ajouter une dimension au projet.
Ancré dans le quartier des Mordacs, ce tricotage donnera lieu à une exposition à la galerie de la Maison des arts plastiques (Map) de l’École municipale Claude Poli du 14 novembre au 10 décembre. “Nous sommes déjà en train de réfléchir à la manière dont nous mettrons en place la restitution finale. En plus de l’exposition en galerie, on voudrait mettre en place un dispositif interactif en plein air”.
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