Des téléphones en cellule, moins de fouilles mais plus de douches et de parloirs: ces faveurs valent à l’ex-homme d’affaire Arnaud Mimran, deux autre détenus et un ancien directeur de détention d’être jugés à partir de mardi à Créteil, pour une affaire de corruption à la prison de Fresnes.
Ces trois détenus, dont l’une des figures de l’arnaque à la “taxe carbone” Arnaud Mimran, sont soupçonnés d’avoir bénéficié d’un régime de détention privilégié grâce aux faveurs du directeur de détention de l’aile où ils étaient incarcérés.
Ce chef de la division 3 de Fresnes, Khalid El Khal, 53 ans, est soupçonné d’avoir touché de l’argent en échange d’avantages accordés à ces détenus: des “remises de fonds” et d’enveloppes entre lui et certains détenus ont été “accréditées” par les écoutes et témoins lors de l’enquête.
Ses comptes bancaires présentent des soldes créditeurs élevés et peu de retraits et paiements. L’examen de son train de vie montre qu’il ne dépensait que “très peu d’argent voire pas du tout lors de vacances dans des endroits plutôt huppés”, selon une source proche de l’enquête.
Ses avocats, Philippe Ohayon, Vera Goguidze et Paul Aprile évoquent, eux, des “errements déontologiques” et considèrent qu“‘une accusation se fonde sur des éléments concrets, pas sur des rumeurs et des inepties juridiques”.
Il sera jugé pour corruption passive et association de malfaiteurs pour des faits allant de janvier 2016 à mars 2018.
A ses côtés, trois détenus sont considérés comme “les corrupteurs” et jugés pour corruption active.
Il s’agit d’Arnaud Mimran condamné à plusieurs reprises, Fabrice Touil, autre acteur de l’arnaque au CO2 et Éric Robic, chauffard français ayant écrasé une femme de nationalité israélienne à Tel-Aviv en 2011 avant de prendre la fuite.
Dans le cas d’Arnaud Mimran, le directeur est soupçonné notamment d’avoir joué un rôle dans son transfert à la prison du Havre. Comme l’ensemble des prévenus, Arnaud Mimran conteste les faits, avançant lors de l’instruction: “le jeu, quand on est détenu, c’est d’avoir des choses qu’on ne peut pas avoir”.
“Le procès doit avoir le mérite pour le tribunal de Créteil de prendre la mesure du caractère inhumain et dégradant des conditions de détention à la maison d’arrêt de Fresnes”, a déclaré son avocat Jean-Marc Fedida.
De leurs côtés, les juges d’instruction estiment que “s’il n’est pas ignoré que l’indignité des conditions de détention à Fresnes a plusieurs fois été soulevées (…), il n’en demeure pas moins que les trois détenus ont contribué à rompre l’égalité de traitement dont doivent bénéficier les détenus”, selon la source proche.
Concernant Eric Robic, l’ex-directeur lui aurait accordé “une bienveillance particulière” dans la gestion de plusieurs incidents.
Pour son avocat, Me Samuel Habib, “l’accusation semble confondre, corruption, réalité des conditions carcérales en France, gestion pratique et quotidienne par un directeur de division et ouï-dire, tout cela, doublés de fantasmes et de mythes”.
Le troisième détenu, Fabrice Touil aurait reçu le même type de faveurs. Il est également soupçonné d’avoir remis de l’argent directement à M. El Khal. Lors de ses auditions, l’ancien détenu a reconnu la remise de 5 000 euros à sa sortie de prison, confirmée “de manière indiscutable” par la sonorisation du véhicule du directeur et leurs discussions.
Selon l’accusation, “l’objectif annoncé par ces échanges est de poursuivre le schéma de corruption déjà mis en place”, notamment pour assurer des conditions de détention “favorables” en cas d’incarcération d’un des frères, sous mandat d’arrêt.
“Cette triste affaire ne révèle pas un système de corruption dans la mesure où aucune faveur n’a été demandée et encore moins accordée à mon client”, assure Me David-Olivier Kaminski, défendant Fabrice Touil, actuellement en fuite.
L’enquête avait débuté en février 2017, après un signalement de l’administration pénitentiaire.
Ce signalement faisait suite à une note du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté sur l’existence d’un possible système de corruption et de traitement de faveur à Fresnes.
par Alice LEFEBVRE
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