Tous les lundis, un nouveau groupe d’adolescents exclus temporairement de leur collège est accueilli en classe citoyenne pour une semaine, dans une salle mise à disposition par la ville de Créteil du quartier de la Brèche. Cette remédiation, lancée en 2010, a déjà permis à plus d’un millier de jeunes du territoire de reprendre les cours après une sanction disciplinaire. Reportage.
Assis autour de confortables canapés dans une grande salle de classe aménagée, une élève de sixième et deux camarades un peu plus âgés échangent avec Delphine Robin, sophrologue (association Sophrologie 94). “Derrière chaque émotion, il y a un besoin auquel il faut pouvoir répondre. Qu’est-ce que vous connaissez comme émotions ?”, demande la professionnelle. “La colère“, “la joie”, “la tristesse”, “le dégoût”, répondent les ados. “Oui, et votre corps est le réceptacle de ces émotions. Comment est-ce que vous ressentez la colère par exemple ?”, poursuit la sophrologue. Pour l’un, c’est la tête qui chauffe. Pour l’autre, ça se passe dans le ventre. Après l’échange, les trois collégiens enchaînent avec des exercices de concentration et tentent de mettre des mots sur leur humeur.
Telle est l’une des activités proposées au cours de la semaine à ces groupes qui n’excèdent pas huit élèves. Au programme également : du sport au centre Dassibat, des ateliers informatique, des visites thématiques avec la ville de Créteil. L’association Justice et ville vient pour sa part faire une présentation sur le droit et emmène les élèves au tribunal pour assister à des audiences. Deux entretiens sont aussi prévus avec Gabriela Ducaud, psychologue-clinicienne de l’association Espace Droit Famille, en présence des parents.
Apprendre à gérer ses émotions
Pour ne pas rompre le suivi scolaire de ces collégiens, la classe est encadrée tout au long de ces cinq jours par une enseignante et un assistant d’éducation. Les élèves poursuivent ainsi leur apprentissage en lecture, expression écrite, calcul mental, histoire, culture générale, et travaillent même sur leur orientation. Cela n’empêche pas les deux garants de la continuité pédagogique d’agir eux-aussi sur la gestion des émotions. “Nous commençons la journée par le rituel de l’humeur du jour où l’on demande aux jeunes de dire comment ils vont. A travers des exercices ou des activités, nous travaillons également sur l’identification des comportements, la compréhension de soi, l’empathie. Un des exercices que nous leur proposons est d’écrire l’histoire qui a mené à leur sanction, mais de leur faire changer la fin pour qu’ils trouvent une autre issue”, explique Sophie Nicolini, l’enseignante. En résumé, il s’agit pour ces jeunes d’être capable de discerner une frustration, une peur, une colère et de pouvoir la désamorcer par eux-mêmes ou en demandant de l’aide à un adulte.
Un suivi qui se prolonge après le retour en classe
Cette classe citoyenne vise tout particulièrement les jeunes de la quinzaine de collèges d’Alfortville, Boissy-Saint-Léger, Bonneuil-sur-Marne, Créteil et Limeil-Brévannes. Ils doivent avoir été exclus de manière temporaire de leur établissement pendant une semaine.
“Il peut y avoir des jeunes qui se sont laissés déborder par la colère une fois, et qui ont posé un acte grave qui a appelé une sanction. D’autre fois, ce sont des élèves qui ont accumulé les mots dans le carnet, des convocations de parents, des colles, jusqu’à arriver à l’acte grave. L’idée de cette classe, c’est d’éviter à ces adolescents de passer une semaine chez eux à ne rien faire, autrement, la sanction n’a pas d’utilité. Il faut au contraire qu’ils réfléchissent à ce qu’ils ont fait, qu’ils puissent l’assumer pour ne pas récidiver”, explique Christophe Bonnet, le principal du collège Clément Guyard à Créteil, établissement de rattachement de la classe citoyenne.
La participation à cette classe est basée sur le volontariat de l’élève et de ses parents. Une fois la semaine terminée, le référent de la classe citoyenne adressent un bilan au collège. Puis, deux semaines après le retour du jeune dans son établissement, il vient faire une visite de suivi, avant une deuxième plusieurs mois après.
Une occasion de se faire aider sur du long terme
Au-delà de remédier au comportement dans l’urgence, la classe citoyenne peut également orienter l’élève et sa famille vers des partenaires locaux en santé et prévention spécialisée, comme le centre hospitalier intercommunal de Créteil (Chic), l’association Pluriel 94 ou encore la maison de l’adolescent. Sur le plan pédagogique, des programmes de réussite éducative des municipalités peuvent être proposés.
La classe citoyenne en quelques chiffres
“Depuis 2010, nous avons reçus un peu plus de 1000 élèves, avec un proportion de 80% de garçons même si de plus en plus de filles sont accueillies depuis ces 5 dernières années. Au départ, nous comptions surtout des élèves de quatrième et de troisième, à présent, les sixième et cinquième montent en puissance. Nous relevons une baisse des faits de vie scolaire, de la provocation de ces élèves. Moins de 1% des adolescents pris en charge par cette classe sont exclus définitivement de leur collège”, explique Virginie Salvan, conseillère technique à la direction des services de l’éducation nationale du Val-de-Marne. A noter qu’il existe une classe citoyenne à Ivry-Vitry mais qu’il s’agit d’un dispositif non pas à l’origine des pouvoirs publics locaux comme à Créteil mais des enseignants, et que son mode de fonctionnement est un peu différent. De même, à Villeneuve-Saint-Georges, un dispositif similaire d’accueil des élèves exclus existe également.
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