Culture | | 16/10/2022
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Dans la cité du Parc aux lièvres, les habitants ne se retrouvent pas vraiment dans l’ambiance guérilla d’Athena

Dans la cité du Parc aux lièvres, les habitants ne se retrouvent pas vraiment dans l’ambiance guérilla d’Athena

Des scènes de guérilla urbaine là où des familles ont vécu “des heures heureuses”: dans la cité du Parc aux Lièvres, à Evry, lieu de tournage d'”Athena” de Romain Gavras, les habitants racontent leur vie sur la dalle, à mille lieux du déchaînement de violence montré dans le film.

En ce début d’automne, la dalle du Parc aux Lièvres à Evry, érigée dans les années 70, émeut par son dépouillement.

Progressivement abandonnée par ses habitants relogés en vertu d’une opération de rénovation urbaine qui aboutira à sa destruction totale en 2024, elle porte les stigmates de la vie des familles, jusqu’à 400, qui se sont succédé dans sa dizaine de tours austères. Seuls une vingtaine d’habitants y résident encore.

Quelques vêtements élimés persistent aux fenêtres, des inscriptions bientôt illisibles (“boucherie populaire”, “taxiphone”) surmontent les rideaux tirés d’anciens commerces. Les portes sont éventrées, les façades taguées; la dalle n’a plus sa fière allure des années 80-90.

L’été dernier, dans un ultime sursaut de vie, elle a accueilli le tournage du film “Athena” et “fourmillait” de nouveau, s’est réjoui Sébastien Le Roy, directeur de la maison de quartier-centre social Evry Sud.

Le dernier long-métrage de Romain Gavras, présenté au festival de Venise et sorti le 22 septembre sur Netflix, raconte la prise en otage de la cité éponyme par ses jeunes habitants, ulcérés par la mort de l’un d’entre eux, a priori victime d’une bavure policière.

“On a l’impression d’être dans un film de guerre”

Longs plans-séquences tournoyant dans les recoins de la cité, tirs de mortiers d’artifice embrasant la nuit, jeunes hurlant leur colère de manière quasiment animale: le film déborde de violence.

L’œuvre s’appuie sur “beaucoup de clichés”, juge sévèrement un de ses jeunes habitants, Mohammed, 14 ans. “On a l’impression d’être dans un film de guerre,(…) c’est surréaliste, ça n’arrivera jamais! (Le réalisateur) adule la violence” et véhicule “une mauvaise image” des banlieues, dénonce le collégien, “déçu”.

Aimanté par cette dalle “qu’il a aimée” pendant 14 ans, Ibrahim Diakité vient rendre visite à ses anciens voisins. “Mes fils, âgés de 10, 15 et 17 ans y ont grandi” et “franchement, tout va bien” sourit l’homme de 48 ans à la petite barbe grisonnante et au visage jovial. “Personne ne voulait en partir”, soupire cet agent de sécurité.

Un sentiment partagé par Toufik Soltani, 52 ans, qui a emménagé à quelques encablures et qui “ne changera pas” de quartier car il le trouve “calme” et “sympa”.

Yildiz Eda tient son “contrat” de relogement à la main, après y avoir habité onze ans. La jeune femme de 23 ans raconte la “bonne ambiance” de la dalle “où tout le monde s’entendait bien”, où “il y avait des enfants partout, dès le matin” et où “pendant le ramadan tout le monde mangeait dehors”. “Athéna”? la jeune femme hausse les épaules : “Ça reste un film, je m’en fous”.

“Le film est une fête d’adieu au quartier”

“Le film est une fête d’adieu au quartier”, se félicite pour sa part le maire d’Évry-Courcouronnes Stéphane Beaudet, “enfant de la ville” qui se souvient “des heures heureuses de la dalle mais aussi de sa dépression”.

Il ne tarit pas d’éloges sur la production, qui a embarqué habitants et commerçants dans une “aventure humaine incroyable” qui a eu “un véritable retentissement” pour la ville, avec “4 500 cachets et près de 3 millions d’euros injectés dans l’économie locale”.

Le film est “un peu caricatural”, reconnaît l’élu qui refuse l’angélisme : “Ne jetons pas un voile pudique sur certains jeunes, certes minoritaires, mais qui existent”. 

Au passage, il rappelle qu’en novembre 2005, un atelier de confection de cocktails Molotov avait été découvert sous les locaux de la police municipale, au Parc aux Lièvres.

Face à l’univers de béton, Sébastien Le Roy résume le sentiment général: “il y a vraiment quelque chose de particulier” sur cette dalle qui a accueilli “les histoires de gens qui y ont vécu 40 ans” et qu'”on ne peut pas effacer d’un revers de main”.

par Ornella LAMBERTI

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