C’est dans une usine de batteries désaffectée, coincée entre la voie ferrée, la RD40 et la RD 933 que l’intercommunalité Est Ensemble a fait venir représentants de promoteurs, bailleurs sociaux et encore l’Agence de l’environnement (Ademe) pour signer une charte de l’économie circulaire et un programme de conversion à la transition écologique. Objectif : reconstruire autrement ce secteur emblématique de la désindustrialisation de l’est parisien.
Avec pas moins de douze projets de renouvellement urbain et un quart de son périmètre compris dans des opérations d’aménagements, le territoire Est Ensemble fait tourner les bétonnières à plein régime. A tel point que le BTP y représente le deuxième poste le plus émetteur de gaz à effet de serre et est le premier producteur de déchets en volume, selon l’intercommunalité. Parler d’avenir vert ici n’a donc de sens qu’en s’attaquant dès à présent à la manière de reconstruire ces vastes friches et c’est tout l’enjeu de la charte, avec un objectif chiffré : valoriser à terme, 70% des déchets issus du BTP.
Réhabilitation plutôt que démolition, réemploi des matériaux, écoconception, urbanisme transitoire
La charte comprend quatre engagements : “préférer la réhabilitation à la démolition , réemployer les matériaux et utiliser des matériaux biosourcés, anticiper les évolutions et la fin de vie dès la conception des constructions, et valoriser le foncier et le bâti inoccupés pendant le temps de développement des futurs projets.” Cela passe par plus d’échanges de matériaux au niveau local, l’installation d’acteurs de la transformation des matériaux et une économie locale plus productive.
L’établissement public territorial Est Ensemble regroupe neuf villes de Seine-Saint-Denis : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Le Pré St-Gervais, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville. Cette intercommunalité fait partie des 12 territoires qui composent la Métropole du Grand Paris.
Le levier : la commande publique
Pour encourager cette dynamique, l’intercommunalité entend peser en tant qu’acteur de la commande publique. “Nous pensons que le rôle des aménageurs et des bâtisseurs c’est de nous faire des propositions dès l’origine des projets qui conduisent à la réutilisation des bâtiments. Et lorsque l’on est confronté à la question de la destruction, il faut donc réutiliser au maximum les ressources. C’est ce que nous voulons promouvoir notamment dans le cadre du PNRU (plan national de rénovation urbaine). Nous vous adressons un objectif de réutilisation des matériaux en série“, a ainsi résumé le président du territoire, Patrice Bessac, à l’attention des groupes signataires de la charte, d’Eiffage à Nexity. “Si demain on veut que les entreprises, notamment de l’économie du réemploi s’installent et se développent, il faut aussi qu’on réaffirme cette stratégie politique auprès de ceux qui font le marché. Il faut aussi que les promoteurs comprennent que tartiner dans le cadre de l’économie linéaire, c’est fini“, appuie François Dechy, maire de Romainville.
Des premières réalisations dans le territoire Est Ensemble
D’ores et déjà, plusieurs projets du territoire témoignent de la mise en pratique de l’économie circulaire comme la rénovation de la bibliothèque Denis Diderot à Bondy, réalisée à partir de matériaux réemployés, y compris son mobilier, mais aussi de plus projets de rénovation urbaine et écoquartiers en cours. Alors que les projets de reconversion s’inscrivent dans un temps long, entre la concertation, la maîtrise du foncier, la dépollution de terrains et les appels à projets, la question de leur occupation transitoire organisée, plutôt que des lieux vides ou squattés sans contrôle des aménageurs, constitue également un enjeu de plus en plus pris en compte. A la place, se multiplient les projets accueillant des petits acteurs économiques, culturels ou associatifs avec des loyers bas. Sur le sujet, le territoire a lancé son propre dispositif d’appels à projets d’occupation des friches en cours, TempO.
Saft, une friche industrielle symbolique de la trajectoire économique et urbaine du territoire
A cheval entre Romainville et Noisy-le-Sec, l’ancienne usine de la Saft fait justement partie de ces lieux appelés à une occupation transitoire. L’ancienne fabrique de batteries, dont le bâtiment historique est toujours sur pied, symbolise à elle seule le parcours industrie florissante- abandon- reconversion de l’ensemble du secteur. C’est en 1918, que la Société des accumulateurs fixes et de traction (Saft) commence sa production dans l’usine de Romainville, créée quatre ans plus tôt par un ingénieur franco-suisse, Victor Herold, persuadé de la supériorité des batteries alcalines, inventées par Thomas Edison, sur celles au plomb.
Passée dans le giron de la Compagnie générale électrique, puis de sa branche Alcatel, rachetant elle-même des concurrentes ou pousses prometteuses, la Saft prend une dimension internationale et réorganise ses lieux de production. En 1993, l’usine historique de Romainville ferme ses portes au profit d’autres localisations. Depuis 2016, la Saft a rejoint Total Energies. Son siège est désormais basé à Levallois-Perret, dans l’ouest parisien.
Un ensemble de zac pour reconvertir les abords de l’Ourcq
A Romainville, il reste la friche, polluée par pas mal de métaux lourds. Située d’un côté sur la zac de l’Horloge et de l’autre, dans celle du Quartier durable de la plaine de l’Ourcq, l’emprise, d’une surface de 26 000 m2, a été achetée par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France pour porter la mutation. Côté plaine de l’Ourcq, y sont prévus des activités économiques à l’horizon 2025- 2029, pour contribuer au rééquilibrage économique à l’est. Avec la réalisation de 5 zac à proximité, sur pas moins de 500 hectares de chaque côté du canal de l’Ourcq, l’arrivée de deux gares du Grand Paris Express pas très loin et du TZen3 juste à côté, le long du départementale 933 rénovée, le site est promis à une nouvelle vie.
Usine des transitions
En attendant la réalisation du programme, l’ancien site Saft va lui aussi rejoindre la carte de l’urbanisme transitoire. Un appel à candidature a été lancé en janvier par l’Epfif et Est Ensemble, pour occuper près de 15 000 m2, avec
Rebaptisé “Usine des transitions”, l’emprise a été réservée à des activités économiques centrées sur la transition environnementale (alimentation durable, protection de la nature, valorisation des déchets, performance énergétique…) et accueillera 35 entreprises et associations dès septembre, à l’instar de l’Atelier R-are, basé à Romainville.
Émanation d’un projet d’Emmaüs France, cette association travaille sur le réemploi des matériaux via des chantiers d’insertion de personnes éloignées de l’emploi. “On est spécialisé dans la récupération du bois-déchet du bâtiment. Ce lieu va nous permettre de gagner en espace, explique Camille Muret, cofondatrice de la structure avec Rachel Jozefowicz. Nous venons de récupérer environ 330 portes palières! On part d’une matière qui est pourrie qu’on va transformer en 60 mètres carrés de terrasse, deux jardinières, un abri et un banc circulaire.”
Cette occupation temporaire est prévue pour deux ans mais pourra être renouvelée. “Souvent, les occupations temporaires sont pensées de manière cloisonnée, observe François Dechy. Mais ici, c’est tout le contraire, on cherche à faire émerger un écosystème. Le défi est que ce lieu devienne un incubateur pour ces acteurs de la transition économique, écologique, sociale et solidaire, et qu’il se pérennise.“
“Une économie linéaire à bout de souffle“
Ce mercredi 22 juin, au milieu des herbes folles qui ont investi l’ancienne fabrique, le territoire a aussi signé un contrat de “Territoire Engagé Transition Ecologique” à l’échelle de la Métropole du Grand Paris, avec l’Agence de l’environnement (Ademe). Il s’agit d’un programme d’accompagnement par l’agence pour obtenir le label climat – air – énergie (anciennement Cit’ergie) et le label économie circulaire.
“L’économie circulaire, ce n’est pas simplement l’idée de comment on fait pour transformer nos déchets en une nouvelle matière première, c’est aussi transformer cette économie linéaire qui est aujourd’hui à bout de souffle“, enjoint Jérémie Almosni, directeur régional de l’Ademe.
Concrètement, l’accompagnement portera par exemple sur la mise en œuvre de la convention citoyenne locale pour le climat et la biodiversité, la poursuite du dispositif d’aide contre la précarité énergétique qui a concerné près de 450 ménages depuis 2018, ou encore l’aménagement d’une boucle verte de 42 km reliant les 9 villes entre elles, Paris, Rosny-sous-Bois et Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).
à propos de site industriel à Romainville, info Le Parisien : le parc Biocitech (ex-Roussel) site de 22 000 m2, a été bradé 25 millions € par la Caisse des dépôts et consignations (organisme public) à un promoteur privé, qui l’a revendu 2 ans plus tard (en 2022) pour … 117 millions € !!
Encore un exploit de nos hauts-fonctionnaires et politiques nationaux.. Une idée de commission d’enquête parlementaire ?
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.