Difficile aujourd’hui d’imaginer les parcs à la symétrie impeccable qui prolongeaient les nombreux châteaux de la banlieue parisienne, massivement lotis au XIXᵉ siècle. Dès lors, le jardin se partage, en potager comme en bois d’agrément. Laissez-vous raconter cette histoire au musée de Nogent-sur-Marne.
Envie de se mettre au vert en restant au chaud ? Direction Nogent-sur-Marne, au musée intercommunal de Paris Est Marne et Bois. Jusqu’au 30 mai 2023, quelques pièces rarement exposées donnent à voir l’histoire des jardins à l’est de la capitale.
Le ton est donné dès l’entrée avec un plan de 1740, conservé au musée départemental de Sceaux et encore jamais exposé. Entièrement dessiné à l’aquarelle, il détaille avec minutie le jardin du château de Plaisance qui se situait à l’arrière de l’actuelle mairie de Nogent. Un parc d’agrément qui recelait aussi de beaux fruitiers et où Voltaire aimait porter ses pas. Comme la plupart des châteaux de la banlieue, Plaisance a disparu, loti dès 1818.
Quand de petits Versailles jalonnaient la banlieue Est
À proximité de la Marne comme de la Seine, les petits palais se succèdent, entourés de jardins tracés au cordeau. Parmi les plus ambitieux, le domaine de Claude Le Peletier, ministre de Louis XIV, à Villeneuve-le-Roi, offrait une perspective magistrale dessinée par André Le Nôtre, le fameux concepteur des jardins de Versailles et de Vaux-le-Vicomte. “Louis XIV adorait ce lieu car il lui rappelait Versailles”, commente François Scaglia, commissaire de l’exposition (photo de une). (Voir les perspectives reconstituées de ces jardins sur Wikipedia) Racheté par Louis XV pour y prolonger ses terres de Choisy-le-Roi, il fut, comme ce dernier, progressivement urbanisé.
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Près de l’actuelle porte de Bercy, les jardins des châteaux de Conflans, à Charenton-le-Pont, Bercy n’avaient rien à envier à leurs voisins du sud, déployés jusqu’au fleuve dans une géométrie parfaite, alternant parterres fleuris, jeux d’eau et larges allées.
De ces domaines, il ne reste en Val-de-Marne, dans leur intégrité, que le château de Grosbois, à Boissy-Saint-Léger, dont les 400 hectares sont désormais dévolus à la préparation des trotteurs de l’hippodrome de Vincennes, et celui d’Ormesson-sur-Marne.
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Le temps du lotissement
À partir du XIXᵉ siècle, l’urbanisation crée la banlieue. Les industries gagnent les bords de fleuve tandis que les grands domaines, souvent partis en friche, se lotissent par pans entiers. En témoigne la superbe lithographie de Gustave Fraipont (photo de une), réalisée en 1897 pour mettre en vente les 250 000 m2 du parc du château de Bry-sur-Marne “à 5 minutes de la station de tramway Le Perreux Bry”. Déjà à l’époque, les transports conditionnent le développement de la ville. Dans l’est parisien, la ligne de Vincennes relie la Bastille à Verneuil l’Etang. De nombreux tramways se relaient ensuite, comme celui qui traverse la passerelle de Bry, mis en avant sur l’affiche de Gustave Fraipont. À noter que le château de Bry existe toujours. Il accueille désormais l’Institut Saint-Thomas de Villeneuve.
Cités jardins : quand la nature d’agrément se démocratise
À côté des lotissements pavillonnaires, se développent aussi les ensembles collectifs, avec parfois une vraie place pour la verdure. C’est le cas des cités jardins, dont Champigny-sur-Marne offre un exemple accompli, encore visible aujourd’hui. Démarrée en 1928 et achevée en 1949 sous l’égide des architectes Arthur-Pierre Teisseire et Paul Pelletier pour le compte d’un office HLM, la Cité jardins de Champigny partage ses 12 hectares entre un millier de logements collectifs, quelques individuels, des équipements collectifs et un dédale de jardins.
Au pied des forts : les jardins ouvriers pour cultiver ses légumes au lieu de claquer sa paie au bistrot
Populaires et partagés, les jardins ouvriers se développent aussi. “C’était une idée de l’abbé Lemire pour que les hommes aillent au jardin plutôt qu’au bistrot”, explique Jacques Hennequin, passionné de jardins impliqué dans de nombreuses associations et notamment président de l’Association des parcs et jardins du Val-de-Marne. Artisan d’art, il a maquetté les plus beaux jardins de France, du Grand Trianon à la Roseraie départementale. Mais, pour l’exposition, c’est une reconstitution du jardin ouvrier germé au pied du fort d’Ivry qu’il a apportée, y détaillant les parcelles, cabanons, et même la placette pour faire la fête.
Le Bois de Vincennes : du grand art paysager pour le peuple
Réserve de chasse sous l’ancien régime, avec déjà ses allées en étoile bien tracées, le bois de Vincennes, à l’époque emmuré, se transforme en véritable base militaire après la révolution, dans le prolongement du donjon du Moyen Âge. À côté de celui-ci, un nouveau fort est construit dans les années 1840, dans le cadre de la première ceinture de forts qui vise à protéger la capitale. Cela n’empêche pas sa vocation paysagère de se développer, à l’initiative de Napoléon III, “qui souhaitait que les ouvriers puissent venir se promener”, indique François Scaglia. Des travaux gigantesques sont entrepris entre 1855 et 1866, pour créer des lacs, des îles, agrandir la zone de boisement, sous la houlette de l’ingénieur Adolphe Alphand et du paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps.
Le Tremblay : du château au parc sportif en passant par l’hippodrome
Dans les méandres de la Marne, le domaine du Tremblay, superbement illustré par Alexis-Eugène Guigné, a des airs bucoliques. À l’époque, deux châteaux dominent les rives de la Marne en cet endroit.
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Loué à la Société des sports, le domaine du Tremblay va connaître une destinée sportive, d’abord transformé en hippodrome. D’abord très couru, il attire les foules, comme l’illustre la photo des tribunes de 1907, présentée dans l’exposition. Devenu non rentable, il arrête son activité en 1967, pour se transformer en stade. Moment historique de cette transition, une photo dénichée aux archives départementales montre les maires, préfet et président du département de l’époque sur place, observant le plan des futures installations.
Au fil de l’exposition, vous plongerez aussi dans l’histoire du parc des artistes de Nogent, qui dévalait depuis deux châteaux jusqu’à la Marne. Cette rétrospective est aussi l’occasion de présenter quelques belles œuvres autour du jardin, comme la toile monumentale de James Rassiat (ci-dessous), artiste nogentais du XXe siècle, pour orner un salon. Côté métier, l’expo fait aussi place à l’école d’horticulture du Breuil, sise dans le bois de Vincennes, et aux outils de jardinier d’antan, mis à disposition par Yannick Cadet, le jardinier en chef de l’Elysée.
Le clou du spectacle : le nain de jardin de l’accordéoniste Yvette Horner, qui résida longtemps à Nogent, près du bois. Ce dernier connût de grandes aventures puisqu’il fut un temps capturé par le Front de libération des nains de jardin !
Infos pratiques : La banlieue côté jardin
Jusqu’au 30 mai 2023
Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne 36 boulevard Galliéni
Mardi, mercredi, jeudi, dimanche de 14h00 à 18h00,
Samedi de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00
Fermé les jours fériés
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