Politique | | 13/04/2022
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Déballage politique à Villeneuve-Saint-Georges: la majorité refuse au maire de destituer son adjointe

Déballage politique à Villeneuve-Saint-Georges: la majorité refuse au maire de destituer son adjointe © FB

Après un grand déballage oral et un laborieux vote à bulletin secret, le conseil municipal de Villeneuve-Saint-Georges a rejeté ce mardi soir la proposition du maire Philippe Gaudin (DVD) de destituer sa première adjointe Kristell Niasme. Bien que fracturée, la majorité municipale a néanmoins voté son budget 2022 sans dissonance.

Cinq jour après le report du conseil municipal de Villeneuve-Saint-Georges, ajourné suite au boycott de deux-tiers des élus de la majorité, une nouvelle séance était programmée ce mardi soir. Si les élus étaient cette fois bien au rendez-vous, ils n’en ont pas moins donné du fil à retordre au maire dans le secret des urnes. L’ambiance, elle, fut électrique dès les premières minutes de l’appel, Kristell Niasme reprochant au maire d’avoir écorché son nom. Le maire n’a pas réagi mais le malaise était bien perceptible dans la salle André Malraux. Pendant environ 2h30 pourtant, le conseil a délibéré sur une vingtaine de points essentiellement liés aux finances communales, dont le budget primitif 2022 chiffré à 73,5 millions d’euros, sans augmentation de la fiscalité, présenté par Emmanuelly Gougougnan-Zadigue et voté par l’ensemble de la majorité municipale.

Déballage à cœur ouvert

Le point de crispation, la délibération visant à destituer Kristell Niasme de son statut de première adjointe, a fini par être abordé, loin dans l’ordre du jour. Pour le maire Philippe Gaudin, qui a déjà retiré toutes ses délégations à sa première adjointe – car cela nécessite un simple arrêté sans vote du conseil municipal, cette délibération était la suite logique de ce divorce politique.

“Des désaccords de plus en plus profonds, de plus en plus prégnants se sont manifestés entre nous deux dans la manière de gérer les affaires municipales, le fonctionnement des associations, la dernière en date étant le vote sur le plafonnement des loyers. Je ne peux pas travailler avec une adjointe qui manifestement désapprouve les actions menées par la municipalité. On a le droit d’être d’accord mais nous nous devons une solidarité politique qui n’existe plus ici (…) J’ai besoin d’un adjoint en qui j’ai confiance, qui pourra me seconder, un double. Je proposerai au prochain conseil municipal un nouveau premier adjoint”, a motivé le maire tout en déplorant “un climat épouvantable” et en fustigeant “les gens qui s’érigent en justicier, et de manière anonyme, sur les réseaux sociaux, salissent, cassent, font du mal aux gens avec des propos calomniateurs, injustifiés et déshonorants.”

De son côté, Kristell Niasme s’est ardemment défendue, réglant au passage ses comptes avec le directeur de cabinet du maire, Jean-Christophe Canter. “En tant que première adjointe, j’estime avoir fait ma part pour te protéger en tant que maire, y compris à me mettre en difficulté parfois sur des décisions qui pouvaient être complexe, y compris quand je n’étais pas d’accord. Tu dis que sur le plafonnement des loyers, j’ai dépassé mes fonctions mais tu as proposé que la démocratie s’exerce. Cher Philippe, tu n’ignores pas du tout la situation, pourtant tu laisses faire, tu cautionnes. En juin dernier, tu m’as demandé de ne plus agir dans le cadre de mes délégations au sein de la mairie. Mi-mars, tu as exigé ma démission. Entre temps, ton cabinet a pris soin de me retirer l’accès à tous les moyens permettant de travailler dans le cadre de mes missions et n’a cessé de diffuser des mensonges auprès des différents interlocuteurs qu’ils ont pu avoir. Au cours de cette campagne de démolition qui a cours depuis plus d’un an, mes pneus ont été crevés, j’ai été menacée, insultée, j’ai même été frappée, ma pièce d’identité m’a été volée, une Marianne a disparu et tout laisse à penser qu’on s’est introduit sur mon ordinateur pour me voler des données personnelles. Toutes ces agressions contre ma personne et contre des agents qui ont subi un sort similaire, je te les ai signalées, tu minimises, tu préfères tourner la tête et tu laisses agir ces personnes en ton nom”. La première adjointe s’est ensuite expliquée sur ses premiers désaccords en revenant sur “l’affaire des logos”, reprenant les éléments déjà communiqués dans la ville via des tracts anonymes en septembre dernier, le recours à l’ancien boxeur Christophe Tiozzo pour une académie au lieu de privilégier les associations locales ou encore, la mise au placard du chef de la police municipale. “Nous n’avons eu de cesse de te demander de prendre position contre ces comportements inacceptables. La justice fera son œuvre en temps voulu. Ce soir c’est l’aboutissement d’une campagne de haine. J’ai résisté aussi longtemps que j’ai pu. Tu connais mon opinion sur les orientations qui sont prises et les méthodes qui sont employées au sein de notre collectivité. Elles m’inquiètent gravement car elles ne répondent ni aux attentes des Villeneuvois ni à nos engagements. Les Villeneuvois ne doivent pas être sacrifié sur l’autel des égos et des ambitions personnelles”.

Pour comprendre le climat délétère qui règne depuis quelques moins au sein de la majorité municipale, lire aussi : Ambiance OK Corral à Villeneuve-Saint-Georges

L’opposition dénonce une majorité basée sur de l’anti

“C’est sur de l’anti que vous avez rassemblé et constitué votre liste aux cinquante nuances de droite et plus, mais cela ne fait pas une politique pour la ville et ses habitants, a pour sa part regretté Alexandre Boyer (PCF). Depuis juillet et même avant, un climat délétère s’est installé dans notre ville, je rappelle les vidéos de mise à mort de mon amie Sylvie Altman, qui n’a pas suscité d’indignation dans vos rangs bien au contraire, ou bien de l’incendie de ma voiture quelques jours après le conseil municipal d’installation. Tag à l’encontre d’élus, de votre directeur de cabinet sur les murs d’immeubles de la ville, vitres cassées de la mairie, de votre permanence, incendie du véhicule d’une adjointe, et maintenant, depuis quelques jours, une vidéo scandaleuse par la violence des propos tenus entre vous, élus de la majorité. Vous prétendez être le garant de l’ordre mais vous ne tenez rien M.le maire, même pas vos troupes.” L’élu a indiqué que son groupe ne prendrait pas part au vote. Le conseiller d’opposition écologiste, Birol Biyik a précisé ensuite que son groupe, voterait en faveur de la destitution de l’adjointe.

“La majorité municipale se retrouve plongée dans une discorde comme jamais nous ne l’avons connue dans notre ville, a renchéri Eric Colson (UDI). C’est dommageable et surtout dans un temps record qui n’a pas d’équivalent. Après avoir écarté l’adjoint à la sécurité, puis celui à la jeunesse, vous vous apprêtez maintenant à écarter la première adjointe, jusqu’où allons-nous aller ? Il est difficile pour nous de bien cerner les éléments de discorde qui vous animent même si l’on voit et on entend des choses ici et là. Néanmoins cela va laisser des traces dans votre majorité et pour les Villeneuvois qui vous ont fait confiance. Les alliances contre-nature chez les excessifs de droite n’ont pas duré très longtemps. Cela ressemble à une véritable farce électorale. A ce rythme là M.Gaudin, vous risquez de terminer tout seul.”

Caméra cachée

Thiaba Bruni, conseillère municipale d’opposition, a demandé au maire des explications sur la diffusion d’un extrait d’une vidéo captée par une caméra cachée dans la permanence du maire où l’on peut voir le directeur de cabinet, Jean-Christophe Canter, prédire la mort politique de Kristell Niasme. “Les propos tenus y sont insupportables, mais il y a aussi le problème de l’installation de cette caméra”. L’élue a par ailleurs indiqué qu’elle ne prendrait pas part au vote, associant son colistier Eric Colson.

Au sujet de la caméra cachée, Philippe Gaudin a répondu qu’une plainte avait déposée. “J’ai été entendu ce matin par la police. Un enregistrement a été fait à l’insu de deux personnes, il a été diffusé sur les réseaux sociaux. Ce ne sont que des parties de la séquence, et quand vous sortez certains mots du contexte dans lequel ils ont été dit, ça change le sens. Je m’exprimerai une fois que l’affaire aura été jugée et vous aurez des surprises”, a-t-il précisé. Le maire a aussi tenu à se défendre sur l’affaire de logos, expliquant qu’une consultation de plusieurs entreprises avait été réalisée, aboutissant au choix de la proposition la moins chère chiffrée à 11 000 euros. Concernant la mise à l’écart du chef de la police municipale, il a argué d’un droit de retrait exercé par 6 agents contre leur supérieur hiérarchique.

La majorité municipale tranche en faveur de Kristell Niasme

Après une quarantaine de minutes d’intervention, c’est par un vote à bulletin secret que s’est dénouée l’affaire, plus du tiers des élus s’étant manifestés en faveur de ce mode de scrutin. La tension est légèrement retombée grâce au cafouillage provoqué par le libellé des deux bulletins “contre le non-maintien” et “pour le non-maintien”. Une expression incompréhensible pour certains conseillers municipaux, et qui a rendu le public hilare. Bilan du scrutin : un score serré avec trois abstentions, quinze voix pour le non-maintien et dix-huit voix pour conserver Kristell Niasme comme première adjointe.

Alors que de nombreux habitants, venus pour cet affrontement, quittaient la salle, les élus ont ensuite expédié les derniers points à l’ordre du jour. A la sortie, nombreux sont ensuite venus manifester leur soutien et leur sympathie auprès de Kristell Niasme. Clairement, ce conseil n’a pas clos la crise politique à Villeneuve-Saint-Georges. Le maire dispose désormais d’un mois et demi avant le prochain conseil municipal pour reformer les rangs.

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