Une passerelle au-dessus du canal, pour relier le Stade de France à ceux du Franc-Moisin et de Bel Air, quasiment financée dans le cadre des Jeux Olympiques. Une aubaine de pour la ville de Saint-Denis. La nécessité de se dépêcher a néanmoins fait griller quelques étapes de concertation, au grand dam des habitants qui ont fait remonter leurs attentes fortes lors de la réunion de présentation du projet. Aperçu en images et retour sur un débat animé.
La décision de financer largement cette passerelle a été prise en juillet 2021 par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). L’établissement public prendra en charge 5,5 millions d’euros sur un peu plus de 6 millions. En tant que maître d’ouvrage, l’intercommunalité Plaine Commune* a retenu en octobre le groupement SBP ingénieurs, Explorations architecture, l’agence August et Berim VRD en octobre 2021.
* Plaine Commune est l’un des 12 territoires qui constituent la Métropole du Grand Paris . Cette intercommunalité comprend 9 communes : Aubervilliers, Epinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains, Villetaneuse
Mercredi 29 juin, Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis président de l’intercommunalité, a présenté les contours du projet pour la première fois aux habitants. La promesse : faciliter la vie des habitants du Franc-Moisin qui doivent emprunter la passerelle vétuste en forme d’arc inaugurée en 1998. Un passage inaccessible pour les personnes à mobilité réduite, mais aussi difficile à pratiquer pour les personnes âgés, les poussettes ou même les cyclistes, tous obligés de faire le détour par l’avenue du Pressensé.
Le pont tournant de 2003 : un relatif fiasco
Un pont tournant avait bien été mis en place en 2003, permettant au piétons, voitures et cyclistes une traversée directe au-dessus du canal. Lors du passage d’une péniche, celui-ci pivotait pour libérer le passage. Las, la structure motorisée s’est révélée défaillante et à partir de 2017, les horaires de fonctionnement du pont ont été drastiquement réduits avant une mise hors service l’année dernière.
Une passerelle très attendue
De quoi susciter un peu la méfiance des riverains quant aux futurs ouvrages, même si la nouvelle passerelle est très attendue. “La passerelle est magnifique sur le papier. Mais est-ce que c’est ce projet qui sera vraiment réalisé?“, s’inquiète Diangou Traoré du collectif Franc-Moisin citoyen. “Bien sûr qu’on l’attend, poursuit-elle. Quand on a eu celle qui est là pendant plusieurs années, qu’on a porté les petits, les caddies, quand on eu le verglas, la neige… on a souffert. Il fallait les monter et les descendre ces 99 marches”, témoigne-t-elle, en précisant que la moitié des enfants du Franc-Moisin vont à l’école de l’autre côté du canal Saint-Denis.
Manque de concertation
“C’est encore un projet fait sans dialogue avec les habitants”, pointe quant à elle Pascale, qui s’inquiète également du calendrier de rénovation urbaine du quartier et des démolitions à venir.
La réunion publique organisée à l’école élémentaire René Descartes, au Franc-Moisin, devait justement lancer la phase de concertation. Une cinquantaine d’habitants du quartier, mais aussi de Bel Air et du Stade de France étaient présents. Mais, dans les faits, ils ne pourront pas modifier le projet.
“La concertation concerne les espaces publics autour et nous avons trois mois devant nous jusqu’à septembre-octobre. Pour le reste ça n’a pas été concerté, mais débattu et voté dans des instances élues pour ça”, explique Mathieu Hanotin. L’objectif de la mairie est d’achever la consultation des habitants en septembre pour démarrer les travaux en mars 2023 pour une livraison en avril 2024.
“On a dû prendre cette décision extrêmement vite au mois de juillet dernier parce qu’on avait l’opportunité de récupérer un financement de 5,5 millions d’euros de la Solidéo [Société de livraison des ouvrages olympiques] pour Saint-Denis,” justifie l’édile. C’est moi qui ait pris la décision, c’est ma responsabilité de maire, c’est pour ça que j’ai été élu.”
Plaine commune abondera le reste. “Dans un monde normal, ça nous aurait coûté 6 millions d’euros, mais les chiffres de l’inflation dans le secteur de la construction sont faramineux: on parle de 12-13% alors qu’en moyenne ils sont de 1,7-1,8% depuis 20 ans. Ça nous coûtera donc probablement plus cher“, précise Mathieu Hanotin.
Réutilisation du pont tournant
Pour autant la réutilisation des matériaux de l’ancien pont tournant permettra de limiter le surcoût, avec pour avantage de réduire l’impact environnemental du projet. Son tablier constituera ainsi la structure principale de la future passerelle. Mais pour permettre aux péniches de passer, les Canaux de Paris ont exigé de l’installer à 5,25 mètres de hauteur. Conséquence: pour en faciliter l’utilisation, les architectes d’Explorations Architecture ont tablé sur des escaliers d’accès direct et des rampes dites “PMR” (personnes à mobilité réduite) qui serviront aussi à la circulation des vélos. Celles-ci représentent un parcours de 140 mètres environ de part et d’autre.
Une distance qui refroidit certains habitants. “Une personne en fauteuil roulant non mécanisé va être obligé de monter 140 mètres avec un seul palier, donc elle doit être musclée. Je pense aussi aux mamans qui emmènent leurs enfants à l’école chaque jour“, signale une habitante du quartier du Franc-Moisin qui n’est pas rassurée à l’idée de la cohabitation entre piétons et vélos.
“pour moi c’est un centre de loisirs, ce n’est pas un pont”
La future passerelle, qui mesurera 3,50 mètres de large, prévoit de scinder les types de flux par “un espace de repos“. “Sur la piste PMR, il y aura les personnes handicapées mais aussi les vélos, les trottinettes et les scooters“, observe-t-elle avant de conclure: “pour moi c’est un centre de loisirs, ce n’est pas un pont”.
Police municipale, caméras, intelligence artificielle
Si les choix d’accès à la passerelle ne peuvent être changés, Mathieu Hanotin a tenté de rassurer sur les questions de sécurité. “Si on veut que les vélos cargos puissent circuler pour aller faire des courses, déposer les enfants, on aura du mal empêcher les scooters de passer. Ça devra se faire par la prévention mais aussi par la répression et la vidéo-verbalisation. Lorsque la passerelle sera livrée, notre police municipale sera à plein régime avec ses 120-130 agents, notre réseau de caméra sera très développé, et on aura mis en place nos dispositifs d’intelligence artificielle “, a-t-il souligné.
Pour le quartier, c’est aussi la place qui longe le canal qui est appelée à changer. Deux scénarios d’aménagement sont sur la table dont un voté dans le cadre du budget participatif par le habitants et qui privilégie un parcours d’appareils de fitness et de musculation (street work out).
Pendant les travaux et jusqu’en 2025 l’actuelle passerelle sera maintenue, parallèlement au futur franchissement.
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