Voilà plus de deux ans que Villejuif attend la dépollution de la gigantesque décharge toxique illégale qui s’est formée sur le fort de la Redoute. La municipalité s’apprête à faire un recours en justice contre l’Etat pour contester son inaction. La préfecture du Val-de-Marne répond avoir fait appel à un cabinet d’expertise pour déterminer la quantité et le type de déchets à évacuer.
Invisible depuis l’Institut Gustave Roussy pourtant voisin, il faut s’aventurer dans le parc départemental des Hautes-Bruyères de Villejuif, contre l’autoroute A6, pour découvrir des montages de gravats, carcasses et autres déblais pointant au dessus des haies d’arbres. Des grilles ceinturent cet espace, propriété de l’Etat et une équipe de gardiennage veille au grain. “Depuis qu’il y a eu l’évacuation, l’an dernier, nous avons déjà du intervenir à plusieurs reprises pour empêcher des gens de squatter les lieux”, explique l’un des vigiles. Une prestation réalisée nuit et jour qui revient à 1 million d’euros par an à l’Etat. La police a également verbalisé des personnes venues pour déposer des déchets.
Localement, les élus ont salué le démantèlement du bidonville et du trafic de déchets qui prospérait au pied du fort de la Redoute depuis le printemps 2020 jusqu’en juin 2021. Mais un an après l’expulsion et la sécurisation du site, la dépollution n’a toujours pas démarré. “Il y avait une situation humaine inadmissible qui a cessé, mais il y a toujours le drame écologique de ces 50 000 mètres cubes de matériaux potentiellement dangereux, avec du plomb, du mercure, du cyanure, de l’amiante. Cela se passe en face d’un institut où l’on soigne les cancers provoqués par ces substances. A chaque fois que nous nous rencontrons avec les services de l’Etat pour parler de la Zac Campus Grand Parc, la dépollution du fort de la Redoute est toujours la zone d’ombre”, déplore Pierre Garzon, maire PCF de Villejuif.
Quelques semaines après l’arrêt de la décharge illégale, un marché public a pourtant été lancé pour dépolluer. Mais un an après, la situation n’a pas bougé et la ville a donc décidé d’attaquer en justice en s’adjoignant les services de l’avocate militant de l’environnement Corinne Lepage. “Pour l’instant, c’est encore un peu tôt pour communiquer exactement ce que nous comptons faire mais il s’agira d’un recours administratif. Cette situation est inadmissible. Un propriétaire privé qui laisserait une telle friche sur son terrain serait poursuivi par l’Etat. Il faut les contraindre à agir”, explique l’ancienne ministre, présente aux côtés des élus ce mercredi pour une conférence de presse.
Le maire de Villejuif a aussi reçu le soutien du président du territoire Grand-Orly Seine Bièvre, Michel Leprêtre (PCF). “Le président de la République, en déplacement à l’Institut Gustave Roussy a confirmé que ce site devait être consacré uniquement à la santé alors que Bercy voulait y faire aussi de l’immobilier. Il faut agir rapidement. L’enjeu est d’offrir un service de grande qualité aux patients, le personnel soignant de l’IGR ne comprendrait pas que nous tardions à le faire”, insiste l’élu. Lors de son point presse, le maire Pierre Garzon a également énuméré les soutiens des maires d’Arcueil, Christian Métairie (EELV), de Cachan, Hélène de Comarmond (PS), de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun (Libres) et de la sénatrice Sophie Taillé-Polian (Generation.S).
Pour se faire une idée de l’étendue des dégâts et marquer le coup avec le lancement de la fête de la nature, la mairie de Villejuif a fait survoler la décharge par un drone.
La dépollution n’a pas démarré, il faut attendre une expertise
Face à ce coup de pression de la mairie de Villejuif, la préfecture du Val-de-Marne explique avoir pris des précautions pour traiter ce problème. “A la suite de l’évacuation, l’État a engagé trois actions en urgence la sécurisation complète du site pour éviter toute nouvelle intrusion (rénovation des grilles et barrières tout autour du site), le gardiennage 24h/24 et 7j/7 par des vigiles, la fermeture de la voie d’accès (chemin des sables) au fort utilisée par ceux qui venaient déposer leurs déchets. En outre, la police nationale a été mobilisée pour verbaliser les conducteurs de plusieurs véhicules pris en flagrant délit d’apport de déchets sur le site. Face au volume de déchets entreposés lors de la période d’occupation illégale du site, l’État a fait appel à un cabinet d’expertise avec pour missions de quantifier le volume des déchets à évacuer, estimer leur nature et leur dangerosité en termes de pollution et d’ esquisser les scénarios d’évacuation. Les conclusions de cette étude sont en cours d’exploitation. Dans l’attente du déblaiement du site, des actions de dératisation mensuelle seront engagées par l’État à partir de ce mois“, détaille la préfecture.
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