Initiative | Ile-de-France | 30/08/2022
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Du Kremlin-Bicêtre à la Porte de la Villette, l’Un Est l’Autre nourrit les corps et réchauffe les cœurs

Du Kremlin-Bicêtre à la Porte de la Villette, l’Un Est l’Autre nourrit les corps et réchauffe les cœurs © Simon Guichard

Depuis sa cuisine du Kremlin-Bicêtre, L’Un Est l’Autre mitonne chaque année plus de 120 000 repas par an pour les plus démunis, alliant solidarité et qualité dans l’assiette. Alors que l’inflation sévit, l’association cherche de nouveaux donateurs. Reportage.

“Tout le monde en place ! Durant les deux prochaines heures, on est là pour les autres, on tient son poste” rappelle Dominique, la coordinatrice de la distribution à la dizaine de bénévoles présents ce jeudi soir d’août. Arrivés au fil de l’après-midi, ils emballent des couverts dans du papier, composent des plateaux avec un morceau de baguette et un yaourt en attendant de remplir les assiettes en carton empilées le long des norvégiennes fumantes. “On sert les plateaux repas, si les gens demandent du café ou du thé on les sert, en bref : on est attentif. Les gens qui arrivent ont besoin de nous, et nous sommes là pour eux. Vous êtes prêts ? C’est parti !”

Il est 18 heures. Une fois passé les grilles du centre situé aux confins de la porte de Villette, un flot ininterrompu de bénéficiaires rallie l’entrée des algecos décatis qui font office de cantine. Dans ce lieu partagé avec les Restos du cœur et l’association la Chorba, l’Un Est l’Autre accueille des précaires de tous horizons. Sans domiciles fixes, migrants, personnes âgées… l’association offre ses repas de manière inconditionnelle. En deux heures, ils sont près de 600 à venir bénéficier d’un repas chaud cuisiné par l’association. Au menu ce soir, des arancinis, ces boulettes de risotto farcies et panées, ainsi qu’un ragoût de pommes de terre à la tomate avec une purée de banane et un yaourt en guise de dessert. “Aujourd’hui c’est fait maison, on sent la qualité” observe Hélène, 54 ans, qui vient ici tous les soirs pour manger. “On mange assis, au chaud, dans un endroit propre, note la quinquagénaire, c’est très important pour tenir le coup et garder le moral.” Un moment salutaire pour Tarik, 42 ans, qui vient souvent le jeudi “car la nourriture est meilleure.” Lui aussi salue le sentiment de sécurité que procure cette initiative : “manger à l’intérieur ça permet de se sentir en sécurité, parfois de faire des rencontres, c’est convivial.”

127 000 repas servis l’an dernier

Solidarité et convivialité, c’est ce que cherche à créer l’Un Est l’Autre. Pour Jean-Christophe, le responsable de l’association “nous venons en aide à des personnes isolées, fragiles psychologiquement. Notre rôle, c’est de leur donner à manger mais surtout de leur donner un sentiment de dignité.” C’est dans cette optique que l’association a été fondée en 2003 sous l’impulsion de Michel Dubois, 75 ans, aumônier bouddhiste à la prison de Fresnes. Après avoir voyagé à travers l’Afrique puis arpenté les Etats-Unis, il rentre en France au tournant des années 2000 et fonde l’Un Est l’Autre trois ans plus tard, bien décidé à venir en aide aux plus démunis qui arpentent le nord-est parisien avec une idée : en aidant les autres, c’est nous mêmes que nous aidons.

“Près de 20 ans plus tard, ce mantra demeure au centre de notre activité” assure Jean-Christophe. “Aujourd’hui, nous faisons trois services par semaine, soit 127 000 repas en 2021, pourtant nous avons gardé un véritable souci de qualité dans la cuisine : il faut que ce soit bon et goûtu.” Des standards de qualités qui ont pu se maintenir au fil du temps, bien que l’association ait beaucoup grandi depuis. “Notre action repose sur le travail des bénévoles : des personnes issues d’entreprises, des gens condamnés à des Travaux d’Intérêt Généraux mais aussi certains qui bénéficient ou ont bénéficié de l’association… Cela représente environ 350 personnes par an, réparties entre la cuisine du Kremlin-Bicêtre et les distributions à la porte de la Villette. Nous conjuguons bénévolat et réinsertion pour arriver à nourrir les gens qui en ont besoin.”

En plus des distributions dans le nord de Paris, l’Un Est l’Autre prépare des paniers repas chaque vendredi pour une cinquantaine de familles du Val de Marne et du Sud de la capitale. Pour mener ces missions à bien, l’association a aussi choisi d’embaucher deux salariés à plein temps, un chef cuisinier et un chauffeur. “Nous avons eu la volonté d’augmenter les salaires et le temps de travail pour ne pas créer de la pauvreté au sein même de notre structure. L’objectif c’est de pouvoir vivre dignement de son travail” certifie Jean-Christophe. 

Prix modiques et logique anti-gaspillage

Doté d’un budget de 200 000 € financé à 60 % par la mairie de Paris, l’Un Est l’Autre a trouvé un certain équilibre financier : un repas coûte 1€ à l’association. Un prix imbattable permis par le travail des bénévoles qui viennent donner un peu de leur temps durant l’année, mais aussi l’acquisition de produits à prix modiques (18 centimes le kilo) auprès de la Banque Alimentaire ainsi qu’un réseau de récupération des invendus. “Nous sommes fiers de cette démarche, fait valoir Jean-Christophe, sur les 110 tonnes de nourritures distribuées, 37 tonnes proviennent d’invendus, c’est non négligeable ! Et tous les invendus cuisinés sont du jour.”

Derrière une armée de petites mains qui épluchent des pommes de terre dans la cuisine du Kremlin-Bicêtre, Ony, le chef cuisinier, élabore les repas en fonction des arrivages. “Il n’y a pas de menu prédéfini, on essaie de tirer le meilleur des aliments qu’on récupère”, explique-t-il. Principalement végétariens, les plats sont pensés en termes diététiques et gustatifs : “il faut des protéines, mais aussi du goût. Pour ça, l’ail c’est la base !” dit-il en rigolant. “Mon travail consiste aussi à gérer les bénévoles, être efficace lorsque l’on est en sous-effectif car il faut cuisiner pour 600 personnes quoi qu’il arrive.”

© Sarah Vervisch / l'Un Est l'Autre
Distribution, porte de la Villette

Un budget grignoté par l’inflation

Si l’association a réussi à créer un système pour nourrir autant de monde, elle rencontre néanmoins des difficultés pour boucler ses fins de mois.On voit nos coûts exploser comme tout le monde, du fait de l’inflation”, note Jean Christophe. “la note d’essence a pris 130 € ces derniers mois et notre facture d’électricité est comprise entre 7000 et 10 000 euros par an.”

Une hausse des coûts qui pousse l’association et sa présidente, Zina Ziani, à chercher de nouveaux donateurs. “Nous souffrons d’un déficit de notoriété” pointe l’ancienne directrice financière d’une multinationale. “Nous sommes en recherche permanente de dons des entreprises et des particuliers pour mener notre mission à bien et nourrir les gens qui en ont besoin.” Forcée de se serrer la ceinture, l’Un Est l’Autre a engagé une réflexion afin de faire baisser certaines dépenses. “Nous étudions les différentes alternatives aux consommables en plastique que l’on utilise lors des distributions. Ce poste est notre plus grosse dépense annuelle, près de 17 000 € chaque année. En parallèle, nous souhaitons créer un partenariat avec une école de boulangerie, afin de faire baisser notre facture de pain, qui s’élève aujourd’hui à 8000 € par an.” détaille la présidente. 

Pour maintenir la structure à flot, une seule solution : trouver de nouveaux donateurs. “Nos dépenses augmentent, mais le nombre de bénéficiaires risque d’exploser à l’automne avec la hausse du coût de la vie prévue dans les prochains mois”, alerte Zina Ziani. “Nous avons besoin de dons supplémentaires pour aider tous ces gens dans le besoin à assouvir le besoin vital de manger.”

Une fois la distribution terminée, il reste à nettoyer le sol, faire la vaisselle et ranger la salle. Au milieu des bénévoles, Saïd passe la serpillère. Arrivé du Maroc il y a 5 ans, ce jeune boulanger, aujourd’hui sans emploi, est bénéficiaire des distributions de l’association “Je viens depuis 9 mois. En ce moment, je n’ai rien d’autre à faire, alors je donne un petit coup de main pour aider ceux qui m’aident. Les bénévoles sont des gens biens, ils donnent de leur temps pour nous, et on ne les remercie pas assez pour ce qu’ils font chaque semaine.”

Une fois la nuit tombée, les bénévoles quittent les lieux au compte-goutte. Ils reviendront le weekend pour assurer la même mission, nourrir ceux qui ont faim.

Infos Pratiques : L’association l’Un Est l’Autre

Cuisine et Bureaux : 23-25 Avenue Charles Gide 94270 Le Kremlin-Bicêtre

Site de distribution : 7-15 avenue de la Porte de la Villette 75019 Paris, les jeudi, samedi et dimanche

Contacts : info@lunestlautre.org / 07.49.37.74.56 

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