Le Louvre, Aéroports de Paris, la fondation Cartier, l’Élysée… les clients de la menuiserie Giffard d’Orly sont prestigieux et l’entreprise familiale tourne à plein régime. Son problème : trouver des professionnels formés. Pour attirer les talents, l’entreprise ouvrait ses portes aux élèves en ébénisterie du lycée Jacques Brel de Choisy-le-Roi, à l’occasion de la semaine de l’Industrie.
“Nous avons besoin de 13 personnes, si l’entreprise ne croît pas”, chiffre d’emblée Zoé Toussaint, en charge des ressources humaines. Dans le détail, il faut 5 conducteurs de travaux pour superviser, 2 économistes de la construction pour chiffrer et établir les devis, un dessinateur pour le bureau d’études et 5 personnes chargées de la pose des réalisations sur les chantiers. “Et cela, c’est juste pour que les gars arrêtent de tirer la langue”, insiste Zoé Toussaint.
À l’entrée des ateliers, les bancs des jardins du château de Versailles stationnent, attendant leur restauration. De belles pièces de nature à donner du cœur à l’ouvrage.
Dans cette entreprise qui a fêté ses cent ans en 2020, les artisans s’ancrent pour longtemps, à l’instar de Marc Fleury, entré dans l’entreprise à 17 ans avec un CAP en menuiserie et charpente, et resté quarante ans, jusqu’à sa retraite, devenu directeur de travaux après avoir passé son brevet d’agent de maîtrise. “Ces derniers temps, les travaux manuels ont été négligés. On en manque : dans votre époque, on en cherche de plus en plus” constate le retraité revenu pour l’occasion, échanger avec la jeunesse. Le métier évolue bien sûr. Désormais, les outils numériques permettent de mieux ajuster les commandes ou de réaliser des pièces en 3D, ce qui est très utile lors de la restauration des pièces anciennes.
Stigmatisation du métier
Une entreprise familiale, qui restaure de belles pièces, propose du travail de long terme, payé correctement… Alors pourquoi est-il difficile de recruter ? Pour Zoé Toussaint, la menuiserie ne semble plus avoir le vent en poupe chez les étudiants. Un phénomène chiffré par l’Observatoire des métiers du BTP qui fait état d’une moyenne d’âge en hausse chez les menuisiers, combinée à une baisse de leurs effectifs totaux. Entre les années scolaires 2008-2009 et 2014-2015, le nombre d’inscrits dans les formations d’accès aux métiers de la menuiserie a ainsi chuté de 29%.
C’est que le métier peine encore à se défaire de son image rugueuse. “On voit encore un peu les menuisiers comme des gros balourds. L’autre jour, une maman m’a dit que son fils était trop bon pour faire ce métier. Pourtant, mettre une porte cochère du château de Versailles aux normes de sécurité actuelles tout en vérifiant qu’elle garde son allure de l’époque, cela demande de la réflexion !”, défend Zoé Toussaint. À cette diminution des ressources disponibles, s’ajoute la forte concurrence du secteur.
En visite, les élèves regardent, attentifs. Malwen, 17 ans, sait déjà ce qu’il veut faire après son CAP de menuiserie. Le travail du bois le passionne, mais ce ne sera pas la restauration. Il souhaite de venir luthier et a déjà essayé de faire des stages dans ce domaine, mais sans succès. “Les entreprises me disaient qu’elles ne prenaient pas de CAP et cherchaient quelqu’un avec déjà un peu de qualification. Sinon, cela leur faisait trop de formation.”
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