La mythique halle du pavillon Baltard de Nogent-sur-Marne était remplie ce mardi soir, pour annoncer le lauréat de la future Cité de gastronomie de Paris Rungis, dix ans après le lancement du projet. Plus qu’une cité, c’est un véritable quartier de la gastronomie qui s’apprête à sortir de terre à bientôt 20 minutes en métro de Paris. Avec des promoteurs, investisseurs et collectivités au rendez-vous. Présentation.
L’équipe est désormais bien en place avec du financement et de vrais modèles économiques et pédagogiques en perspective. La future Cité de la gastronomie (Cig) ouvrira en 2027, ont annoncé hier ses protagonistes. Elle sera située en bordure du Min de Rungis, face au centre commercial de Thiais Belle Epine auquel elle sera connectée par une passerelle directe, au-dessus de la RD7. Elle jouxtera également la future station de métro de la ligne 14 Sud. La Cig sera déployée sur 53 000 m2 (dont 12 000 m2 au sol) répartis en cinq bâtiments mixant culture gastronomique à destination du grand public et espaces professionnels et de formation, sur un site de 7 hectares.
Ci-dessous le plan d’ensemble pour situer chaque composante
Un groupement de promoteurs et investisseurs
Pour développer le projet, le groupement retenu est composé des promoteurs Pitch Immo, marque du groupe Altarea, Gaïa Promotion et des foncières Hibrid et Ametis group. Gaïa Promotion et la foncière Hibrid, qui font partie du même groupe montpelliérain dirigé par Alexandre Teissier, apporteront leur expertise en matière de halles, marché et tiers-lieux, d’abord développée sur le Marché de Lez (Montpellier) puis dans plusieurs villes de France. Le groupe est notamment aux commandes au marché Valbon à Dugny (93) mais aussi à Deauville, Lilles, Angoulême, Agde, pour des projets de halles alimentaires et tiers-lieux en cours de développement. La foncière Ametis, également montpelliéraine, est davantage spécialisée dans le résidentiel. Altaréa est pour sa part présent dans l’immobilier résidentiel mais aussi commercial. Il a notamment développé Bercy Village, à l’époque assez novateur. Le groupe est déjà bien implanté dans le Val-de-Marne et a été actionnaire de la Semmaris, la société d’économie mixte qui gère le Min de Rungis, durant 11 ans avant de revendre sa participation au Crédit Agricole. Ce mardi soir, son président, Alain Taravella, n’a pas feint son enthousiasme à réaliser ce projet, le résumant par des mots clefs : “créer du lien, ville bas-carbone, végétalisation, réemploi des matériaux...”
Construction écologique et paysagère
L’ensemble de 12 000 m2, dessiné par les architectes Carmen Santana (Archikubik), Michel Guthmann (MG-AU) et Marc Mimram, ainsi que le paysagiste Mugo, apportera une couche de verdure dans l’espace très minéral du Min et du centre commercial voisin. À la fois dans la végétalisation des bâtiments, mais aussi grâce aux jardins de pleine terre autour des allées.
Le chantier, lui, devra s’appuyer sur des matériaux réemployés, recyclés et biosourcés, et valoriser à 80% les déchets de construction.
Pour la dimension artistique, la future cité a confié les opérations au producteur d’art urbain Quai 36, basé à Romainville.
Stéphanie Daumin passe le témoin à Bruno Marcillaud
Ce mardi soir, l’annonce du groupement lauréat a marqué la fin d’un cycle. Stéphanie Daumin, maire PCF de Chevilly-Larue et présidente du syndicat mixte d’études qui porte le projet, en a profité pour passer le relais au maire de Rungis, Bruno Marcillaud (SE), alors que la future cité sera implantée sur son territoire communal.
Un projet qui s’était transformé en serpent de mer
Tout a commencé en 2010 avec l’entrée du repas gastronomique français au patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco. Deux ans plus tard, était lancé un appel à projets de Cités de la gastronomie pour donner corps à cette reconnaissance. C’est là que le Val-de-Marne a rejoint l’aventure, lorsque la candidature de Rungis-Chevilly a été sélectionnée aux côtés de Tours, Dijon et Lyon. Restait à mettre en musique. Le label de l’État ne s’est pas assorti, en effet, d’un financement ni d’un mode d’emploi, laissant à chaque territoire le soin d’inventer son concept et de le rendre viable.
Dans le Val-de-Marne, s’est ainsi constitué un syndicat mixte d’études et des groupes de travail associant tous les partenaires potentiels, économiques et culturels, fourmillant d’idées. Le tout sous l’égide de l’ancien maire de Chevilly-la-Rue, Christian Hervy. Après le décès de l’initiateur du projet, qui a eu le droit ce mardi soir à un vibrant hommage, c’est la maire actuelle de Chevilly, Stéphanie Daumin, qui reprend le flambeau. Le casse-tête consiste à trouver la bonne équation économique pour financer le projet. Une première consultation est lancée fin 2018 pour accorder la concession et exploitation du projet à un opérateur. Mais les discussions avec les éventuels partenaires, notamment un groupement porté par Vinci et Duval, achoppent sur les conditions financières et le comité syndical finit par jeter l’éponge en janvier 2021.
Le nouveau cahier des charges prévoit une participation plus importante des collectivités, mettant dans la boucle les villes riveraines de Rungis, Chevilly et Thiais, mais également la ville de Paris, la région, l’interco Grand Orly Seine Bièvre et le département. L’objectif est alors qu’elles financent le projet, évalué autour de 60 millions d’euros, à la moitié. C’est dans ce contexte qu’est lancée une nouvelle consultation, en juin 2021.
Cette fois, ce fut la bonne. Trois groupements, menés respectivement par Demathieu Bard, Legendre et Altarea, ont été retenus et ont travaillé autour du projet durant une année complète avant la décision finale du comité syndical, prise à l’unanimité.
70 millions d’euros d’investissement
Au total, le projet représente 70 millions d’euros d’investissement, chiffre Bruno Marcillaud, nouveau président du syndicat mixte d’études. Aux côté des investisseurs, plusieurs collectivités devraient mettre au pot. Selon le montage initial, la ville de Rungis interviendrait à hauteur de 1 million €, le département à 6 millions €, la région à 6 millions €. La Métropole du Grand Paris avait initialement prévu de mettre 8 millions €, mais, son président, Patrick Ollier, a annoncé hier soir être prêt à abonder un peu plus. L’Etat pourrait aussi participer à hauteur de 6 millions d’euros. Reste à préciser dans le cadre de quelle enveloppe cela pourrait se concrétiser.
Un pôle alimentaire professionnel et grand public d’envergure à 20 minutes de Paris
De son côté, la Semmaris n’est pas directement partie prenante dans la gouvernance du syndicat. L’exploitant du Min de Rungis constitue néanmoins un pilier du projet puisque c’est la présence du marché de gros qui a motivé les collectivités à proposer une Cité de la gastronomie. Le président de la Semmaris, Stéphane Layani, a esquissé des complémentarités, évoquant le développement, sur le Min, d’une Halle des saveurs gastronomiques de 3 000 m2 qui proposera de la restauration-vente au grand public, et une Maison des innovations de 4 000 m2 qui accueillera un incubateur de food-tech.
De quoi constituer un grand pôle alimentation autour du Min de Rungis, avec à la fois une forte dimension professionnelle (grossistes, centres de formation, entreprises innovantes en développement, centre de congrès…) et grand public (offre muséale pédagogique et culturelle, dégustations, restauration, vente). Et, surtout, à portée de métro et de T7, permettant d’arriver de Paris en 20 minutes. Un avantage indéniable pour les pros comme les touristes. “Nous avons longtemps été le territoire servant de Paris, a rappelé Richard Dell’Agnola, maire de Thiais, dont la ville est occupée partiellement par un cimetière parisien. Aujourd’hui, c’est nous qui constituons notre pôle d’attractivité, a-t-il insisté, évoquant également le projet de temple de l’e-sport actuellement en développement à Thiais. Le maire de Rungis, lui, a rappelé la proximité de ce quartier alimentaire avec de vraies terres agricoles, 36 hectares rien que dans sa ville, invitant à les cultiver. Pour Olivier Capitanio, président du département, l’aura de ce nouveau projet reflétera aussi la qualité de vie en Val-de-Marne, en plus d’être un moteur de développement économique. Président de l’intercommunalité Grand Orly Seine Bièvre, Michel Leprêtre a pour sa part évoqué des dimensions plus sociétales du projet, notamment la sécurité alimentaire pour que tout le monde mange à sa faim. “L’alimentation est devenue un enjeu social et sociétal auquel nous devons répondre en retrouvant le plaisir de préparer et de partager un bon repas. Penser une gastronomie responsable à la fois goûteuse et économe en ressources, faire vivre la culture culinaire et l’art de la table,
construire ensemble l’avenir autour d’une bonne table, voici les missions de la Cité de la gastronomie Paris-Rungis“, résume Stéphanie Daumin.
Article actualisé le 7/12 19h40 avec montant corrigé de la subvention de la MGP (8 millions € et non 6 millions)
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