Logements | | 18/07/2022
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En Seine-Saint-Denis, le collectif Copros Libres veut défendre les copropriétaires lésés

En Seine-Saint-Denis, le collectif Copros Libres veut défendre les copropriétaires lésés © Raphaël Bernard

Présent en Seine-Saint-Denis depuis plus d’une dizaine d’années, le collectif Copros Libres propose son aide aux victimes de marchands de sommeil et aux copropriétaires en conflit avec leur syndic ou le promoteur de leur future résidence. Rencontre avec son leader, David Frigge.

Cyril garde le sourire mais la crispation se lit sur son visage. Autour de la table du centre socio-culturel de Saint-Denis, David Frigge, organisateur de la réunion et leader du collectif Copros Libres, et Farida Yahmi, fondatrice d’Allo Copro, une entreprise d’aide aux copropriétaires, l’invitent à dérouler son histoire. Ce soir, ils sont six, comme Cyril, à venir demander de l’aide pour divers problèmes de logement : conflits avec les syndics, retards de livraison d’appartements neufs… 

Les conflits de copropriété : des cas complexes à démêler

Il y a deux ans, le quadragénaire a acheté à Saint-Denis. ”L’appartement avait l’air refait à neuf, c’était idéal pour poser ses valises rapidement.” Très vite toutefois, le logement se révèle insalubre. “En quelques semaines, il y a eu des infiltrations qui ont rendu l’appartement invivable. Au total, j’ai dû y habiter peut-être trois semaines depuis 2020”, raconte Cyril, indiquant au passage que le bien de la Société Civile Immobilière (SCI) que lui avait vendu l’agence appartenait au gérant de l’agence lui-même. Depuis, Cyril a engagé une action judiciaire. Mais en attendant son issue, il vit chez des amis.

Son problème ne s’arrête pas là. Un autre copropriétaire, qui possède environ 25% de la surface de l’immeuble, a laissé une ardoise de 11 000€ de charges impayées. Un manque à gagner qui empêche d’engager les travaux dont l’immeuble aurait besoin d’urgence. Face à ce blocage, le syndic a demandé aux autres copropriétaires d’avancer les impayés du copropriétaire. Mais la demande, appelée “avance de solidarité”, n’est légale que si elle est votée en assemblée générale, ce qui n’a pas été le cas. Cyril a donc refusé de payer même si certains copropriétaires se sont exécutés. “Vous avez bien fait de refuser”, le rassure Farida Yahmi. “Sur ce point là, la loi est mal faite : si un jour le copropriétaire s’acquitte de ses impayés, les autres copropriétaires ne sont pas assurés de recouvrer leur avance.” Cyril risque néanmoins de faire les frais de ce refus d’une autre manière. “Si vous vendez votre bien, vous devrez signaler aux acquéreurs que vous avez une “dette” auprès du syndic. Cela reste un problème”, le prévient Farida Yahmi.

Ces immeubles qui ont pris du retard à la construction

Priyanga, la vingtaine, a elle acheté son premier logement sur plans à Pierrefitte-sur-Seine, et fait face à un retard de construction de plus d’un an. “Dans leur courrier, ils disent que les appartements seront achevés pour le deuxième trimestre 2023. Pourtant, sur leur site, la livraison est annoncée pour le troisième trimestre”, explique la jeune femme, un peu perdue sur la marche à suivre. Pour l’instant, elle n’a pas vraiment entamé de démarches et seulement envoyé au maître d’ouvrage une lettre de mise en demeure, rédigée à l’aide d’une juriste de son entreprise. Mais la missive ne comporte pas de date de délai pour l’exécution des travaux. Du tac au tac, Farida Yahmi lui conseille d’entrer en contact avec les autres acheteurs afin d’intenter une action collective contre le promoteur. “Pour les contrats passés après le premier confinement [c’est le cas de Priyanga, ndlr], le Covid seul ne suffit plus toujours à justifier les retards de livraison car la reprise de l’épidémie et des restrictions sanitaires n’étaient plus imprévisibles”, motive la professionnelle avant de détailler les étapes à suivre.

Conflits avec les syndics

Les situations de ce genre, David Frigge en a vu passer par centaines. Il en a lui-même été victime lorsqu’il a déménagé de Paris à Saint-Denis en 2011. “Il n’y avait aucune transparence avec mon ancien syndic. Le calcul des charges n’était pas clair, ils engageaient des frais d’avocat sans informer du contenu des contentieux, les prestataires n’étaient pas payés alors que la majorité des copropriétaires payaient leurs charges…”, témoigne ce grand brun à la voix rauque. C’est dans ce contexte qu’il a rejoint Copros Libres en 2014, un collectif initialement constitué de militants communistes historiques et de retraités, basé sur une approche technique des dossiers, avec notamment une aide sur la comptabilité ou le calcul des charges.

Silvio Lauro, 97 ans et membre du PCF depuis 1944, se rappelle des débuts du collectif, qui visait à essaimer un peu partout. “J’étais d’avis de monter des structures sur chaque commune, qui auraient pu faire office de syndics bénévoles [modèle de syndic permettant aux copropriétaires de se passer de syndic professionnel, ndlr], pour aider les copropriétaires mais aussi agir en partenariat avec les municipalités. Je voulais qu’on puisse être aussi force de proposition”, témoigne l’ancien.

Un cadre un peu trop rangé pour David Frigge, plus enclin aux opérations à impact. “David, c’était du tir tous azimuts. Il tenait beaucoup au côté protestataire et à son rôle de tribun”, estime Silvo Lauro. “Tout pouvait être considéré comme une attaque contre la municipalité communiste. Pourtant, nos actions visaient des syndics spécifiques. Ça ne visait pas la mairie au départ”, se défend David Frigge, lui-même anciennement encarté au PCF. Entre le collectif et la ville, la mayonnaise finit toutefois par tourner quand Copros Libres se met à aiguillonner la ville sur sa gestion de l’insalubrité, donnant lieu à quelques passes d’armes par journal interposé.

Depuis, David Frigge ambitionne toujours de porter la voix des copropriétaires lésés à plus grande échelle, invitant à créer des “groupes d’action”. De distributions de tracts en manifestations, le collectif s’est ainsi étendu à Pierrefitte, Stains, Épinay ou même Paris, sans pour autant gagner en membres. “Ça reste difficile de fidéliser les gens. Beaucoup viennent pour leur situation personnelle, mais ne s’engagent pas ensuite”, déplore le leader qui qualifie lui même son action de “militantisme”.

Animateur de deux pages Facebook qui regroupent près de 1500 personnes au total, il n’hésite pas à y interpeller ceux qu’il considère comme responsables. Il a aussi étendu son aide aux victimes de marchands de sommeil.

Des copropriétaires pauvres

Dans un département où l’on estime que 7,5% des résidences privées sont insalubres (soit deux fois plus qu’ailleurs en Île-de-France), David Frigge a du pain sur la planche, même s’il rappelle que “les gens se font aussi avoir dans les beaux quartiers de Paris !” Parmi les victimes qui viennent demander conseil, “beaucoup de gens de Seine-Saint-Denis mais aussi des personnes venant de Paris ou même d’Essonne”, précise-t-il. Des personnes comme Cyril ou Priyanga, qui trouvent une oreille attentive à leurs problèmes et des conseils de base. Depuis un peu plus d’un an, il fait pour cela appel aux services de Farida Yahmi, elle aussi dionysienne depuis une dizaine d’années, qui prodigue gratuitement les premières recommandations.

S’il ne souhaite pas en faire un problème uniquement séquano-dionysien, le binôme pointe tout de même les spécificités du département en la matière. À commencer par le type de public : “On a plus de copropriétaires pauvres, qui n’ont pas les moyens de payer leurs charges. On a aussi beaucoup de problèmes de logements insalubres”, estime Farida Yahmi qui intervient pour sa part sur toute la région parisienne. “Il y a également une différence de traitement entre les copropriétaires de Seine-Saint-Denis et les autres. Par exemple, j’ai récemment eu à intervenir sur une résidence neuve à Aubervilliers où le digicode ne fonctionnait plus après une semaine. Le prestataire ne voulait plus revenir. Dans les Hauts-de-Seine, je n’aurais pas eu ce problème. Le prestataire serait revenu sur le champ.”

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