Polémique | | 25/08/2022
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Epilogue Kohlantess à Fresnes: bilan de l’enquête, nouvelle circulaire et coup de gueule de la contrôleuse générale des prisons

Epilogue Kohlantess à Fresnes: bilan de l’enquête, nouvelle circulaire et coup de gueule de la contrôleuse générale des prisons © Kohlantess

Suite à la déferlante politique autour de l’animation Kohlantess organisée cet été à la prison de Fresnes, le garde des Sceaux a condamné l’initiative et annoncé une nouvelle circulaire pour faire valider tous les projets de réinsertion par la direction nationale de l’administration pénitentiaire. Le président de la République l’a félicité pour sa réactivité tandis que la contrôleuse générale des prisons a dénoncé comme “vrai scandale” l’état lamentable de la prison. L’enquête interne a par ailleurs montré que la direction communication du ministère avait validé la vidéo avant sa publication. Epilogue.

Pour rappel, une vidéo de détenus faisant du karting dans la cour de la prison de Fresnes, publiée mi-août sur Youtube, a pris un tour viral, suscitant des réactions d’indignation politiques sur Twitter à la vue de ce moment d’amusement dans l’enceinte d’une maison d’arrêt. Le contexte : une animation coorganisée par Djibril Dramé, un Fresnois à l’initiative d’une réplique bon enfant du jeu Kohlanta dans les cités de Fresnes, déclinée pour la première fois dans la prison. L’animation qui proposait à la fois des jeux d’adresse, de culture et de sport, mélangeait des équipes de surveillants, de détenus et de jeunes Fresnois.

Lire : Surenchère d’indignation après une animation inspirée de Kohlanta à la prison de Fresnes

Suite à cette polémique démarrée sur les réseaux sociaux, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a condamné cette animation, diligenté une enquête interne et annoncé une nouvelle circulaire pour renforcer le contrôle des animations de réinsertion organisées dans les prisons.

Une vidéo validée par la direction communication du ministère

L’enquête, dont une synthèse a été communiquée à quelques médias dès ce mardi, a permis de confirmer qu’une demande avait été adressée en amont à la délégation à l’information et à la communication (Dicom) de l’administration centrale du ministère, en raison de la présence de deux médias pour couvrir l’événement (Le Parisien et Kombini), mais sans détailler l’ensemble des activités proposées. La Dicom a en revanche eu connaissance de la vidéo avant sa diffusion et donné son feu vert après avoir demandé des coupes. Deux représentants de la Dicom ont du reste assisté à l’animation le 27 juillet. Ce n’est qu’après le début de la polémique que le ministre de la Justice a réagi et condamné l’initiative.

Déroulement de l’animation

Selon le journal Le Monde, qui a eu connaissance de la synthèse de l’enquête, l’animation a réuni trois équipes de respectivement 10 détenus, 10 surveillants et 10 jeunes Fresnois. C’est l’équipe de surveillants qui a gagné. “Le premier prix, de 1 700 euros, est revenu à l’association dont ils portaient les couleurs, Arc-en-ciel, créée en mémoire d’une surveillante qui s’est suicidée. Les associations Relais enfants-parents et Unitess au profit des jeunes, défendus par les deux autres équipes, ont hérité des deuxième et troisième prix (650 euros et 350 euros)”, détaille le journal. L’intégralité du financement a été prise en charge par l’association coorganisatrice, Unitess. Les vidéos de Kohlantess font état de plusieurs sponsors.

Une nouvelle circulaire pour encadrer les initiatives auprès des détenus

En parallèle de demander une enquête interne, Eric Dupond-Moretti a annoncé sur Twitter le 23 août la publication d’une nouvelle circulaire pour “fixer clairement les conditions nécessaires à la tenue de projets de réinsertion en prison. Ils devront désormais tous être soumis à une validation expresse de la direction de l’administration pénitentiaire.”

Ce mercredi 24 août, en préambule du Conseil des ministres, le président de la République a conforté la position de son ministre de la Justice en indiquant qu’il avait “eu raison de rappeler là aussi ce qu’il convient de faire et de ne pas faire”.

Le coup de gueule de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté

De son côté, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, a dénoncé sur BFM TV une polémique “un peu étrange et minable“, puis a décalé la focale vers ce qu’elle considère comme le “vrai scandale”, à savoir la vétusté des prisons, dans une tribune au Monde. La contrôleuse dénonce une “hypocrisie” de la part des responsables politiques. “D’abord parce que cette journée n’a rien coûté aux contribuables, tous les frais ayant été réglés par la société de production.” Ensuite, parce que “ces réquisitoires viennent d’élus et de responsables politiques qui, connaissant l’état honteux de nos prisons et leur surpopulation encore jamais atteinte dans notre histoire, osent, pour des raisons politiciennes, faire croire à nos concitoyens que la vie carcérale se résume à cette journée. Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons”, insiste Dominique Simonnot. “Dans leur mauvaise foi, ces coryphées de la bien-pensance ignorent-ils que beaucoup parmi ces prisonniers renoncent à leur unique promenade quotidienne, laissant y partir leurs codétenus, pour se précipiter aux toilettes afin d’y être enfin tranquilles ? (…) Ignorent-ils que des grabataires, des détenus âgés, gravement handicapés, ont été découverts par l’équipe du contrôleur général des lieux de privation de liberté à l’abandon, faute d’aides-soignantes et d’infirmières, baignant dans leurs excréments, incapables de se relever quand ils tombent ? Ignorent-ils que le médecin de la prison appelait à l’aide depuis des années et a fini, écœuré, par démissionner ? Savent-ils que plus de cent détenus se suicident chaque année en prison ? Ont-ils vu les rats qui grouillent dans les cours de promenade ? Ignorent-ils que ces conditions lamentables rejaillissent sur la mission des surveillants, devenue épouvantable ? C’est donc cela que ces moralistes nomment « colonies de vacances » ou « Club Med » !”

Concernant le caractère récréatif de l’animation, la contrôleuse indique par ailleurs que la loi prévoit que l’administration pénitentiaire offre aux détenus des activités récréatives. “Parce que s’amuser quelques minutes, voire quelques heures, au milieu d’une détention si dégradée, participe de la réinsertion.”

Vétusté et surpopulation carcérale à Fresnes

A la Maison d’arrêt de Fresnes, où 1 918 personnes étaient détenues pour 1 336 places au 1er juillet, les conditions de vétusté ont été documentées par l’ancienne contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, dès 2016. Attaqué en justice par l’Observatoire international des prisons (OIP), l’Etat a été définitivement condamné fin 2021 à rénover l’établissement. Aucune date précise n’a toutefois encore été annoncée concernant la rénovation complète de la Maison d’arrêt, annoncée dès 2018. Concernant la surpopulation chronique, qui n’a connu une trêve que durant la crise sanitaire, le plan de construction de nouvelles prisons doit permettre d’y mettre fin avec notamment un projet de nouvelle Maison d’arrêt de 700 places en Val-de-Marne, à Noiseau, confirmé à plusieurs reprises par le gouvernement, mais qui suscite l’opposition des populations locales. Une pétition contre le projet, lancée par la mairie de Noiseau, a recueilli plus de 4 000 signatures. Cet été, la députée Maud Petit (Modem), a relancé une consultation sur ce sujet.

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