Absentéisme, difficultés de recrutement, conflits sociaux… rien ne va plus chez les conducteurs de bus en Ile-de-France. A la RATP, le malaise est palpable.
“Je ne connais pas aujourd’hui un machiniste qui est content d’aller au travail”. Jonathan Didier, 42 ans dont 14 à la RATP, résume l’état d’esprit de beaucoup de ses collègues interrogés par l’AFP.
Lui-même est en arrêt maladie pour surmenage depuis le 23 août. “Je ne me vois pas retourner au travail avec tout ce qui se passe”, confie-t-il, assurant envisager une reconversion.
“Ce qui se passe”, c’est une pénurie de personnel doublée d’une forte montée de l’absentéisme depuis la pandémie de Covid-19 avec pour corollaire la dégradation du service. Les temps d’attente sont anormalement longs, jusqu’à 30 à 40 minutes entre chaque bus, et certaines lignes sont carrément interrompues.
Conséquence directe: les conducteurs sont sous pression et confrontés au courroux des usagers, qui se traduit parfois par des agressions.
A cause du manque de personnel, “quand on arrive au terminus, on a à peine deux minutes pour aller aux toilettes ou boire un café” avant de repartir, explique Jonathan David.
Avant son burn-out, il travaillait trois week-ends sur quatre, en horaires décalés. “Me lever le dimanche à 4h00 du matin pour à peine 2 000 euros net par mois et aucune reconnaissance, ce n’est plus possible”, regrette-t-il.
Yann Moinet, machiniste au dépôt des Lilas (Seine-Saint-Denis), dit émarger à environ 1 700 euros net après 11 ans d’ancienneté. Comme beaucoup de ses collègues de la RATP, il a du mal à avaler la pilule de l’adaptation des conditions de travail à l’ouverture à la concurrence.
Depuis le 1er août, tous les machinistes de la Régie doivent travailler 20 heures de plus par an en échange d’une augmentation annuelle de 460 euros brut. L’objectif pour la RATP, qui jouit pour l’instant d’un monopole à Paris et en première couronne, est de se préparer à l’ouverture à la concurrence, prévue le 1er janvier 2025 sur le réseau de surface.
A cette date, 18 000 salariés seront transférés vers un concurrent ou bien une filiale de la RATP (Cap Ile-de-France).
Cette perspective et les incertitudes qui vont avec déroutent les machinistes dont les conditions de travail sont petit à petit modifiées pour gagner en productivité face aux concurrents, Keolis et Transdev.
Certains devront changer de centre bus et verront leur lieu de travail déplacé, parfois jusqu’à 25 km.
“Je fais partie d’une génération qui pensait qu’elle allait faire carrière à la RATP mais aujourd’hui, on ne se projette plus du tout dans l’entreprise”, peste Yann Moinet en fumant sa cigarette pendant une courte pause à Bagnolet.
Grèves de 59 minutes
Depuis début septembre, il fait grève tous les jours à sa prise de service pendant 59 minutes. Une pratique qui a tendance à se répandre et contribue à la désorganisation du service, déplore la direction.
Jeudi prochain, son dépôt des Lilas sera en grève à l’appel d’une intersyndicale avec le soutien de plusieurs associations d’usagers de Montreuil, excédés par la dégradation du service. Des grèves locales qui elles aussi se multiplient.
En septembre, la situation s’est aggravée à la RATP avec un quart de l’offre bus non assurée. La direction blâme les arrêts de travail frauduleux – environ 500 détectés concernant 130 salariés – mais est également consciente de la dégradation de la qualité de vie au travail.
En ce sens, elle a mené une enquête pour “mieux comprendre les contraintes et les attentes des conducteurs et leur permettre d’adapter au mieux leur service” avec leur vie personnelle.
La RATP dit aussi mener des actions comme “l’aménagement d’espaces de vie (…) ou encore la reprise de moments partagés” et “des responsables qualité de vie au travail” ont été nommés dans les centres bus.
Mais pour Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP, “la direction a pensé que les changements allaient passer comme une lettre à la poste. Sauf qu’elle a été un peu trop loin” dans l’évolution des conditions de travail.
par Antoine GUY
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Travail difficile (conduire un bus dans les embouteillages), manque de respect de nombreux usagers, contraintes horaires opposées à la vie de famille, faibles salaires … Cela était compensé par un statut social compensateur, qui créait un esprit d’entreprise.
Mais au nom de la saint “concurrence faussée et totalement imposée” on détruit méthodiquement cela. Ne restent que les contraintes et les faibles salaires, et le sentiment que le personnel est vendu au moins disant avec les meubles.
Madame Valérie Pécresse, quine sait pas ce que signifient des difficultés financières, a laissé en toute connaissance de cause se dégrader les conditions de travail ; on en voit le résultat, et on peut douter que les transports en commun privatisés seront plus performants que gérés par un établissement public.
RATP, SNCF, EDF, GDF, Hôpitaux, Education nationale : la destruction des services publics et des droits sociaux, sous couvert de “décisions européennes” auxquelles participent les états de l’Union, remettent en cause tout ce qui était non marchand.
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