Plus de 20% des actifs en Ile-de-France sont des travailleurs immigrés, qui occupent massivement des emplois “difficiles” mais “essentiels” dans le BTP ou les services aux particuliers, selon une étude statistique de l’Insee qui offre une radiographie de cette main d’œuvre d’origine étrangère.
“L’Ile-de-France occupe une place particulière en matière d’emploi des travailleurs immigrés, ne serait-ce qu’en termes de volumes, puisqu’ils représentent 22% de la population active de la région”, soit deux fois plus que dans le reste de la France métropolitaine, résume pour l’AFP Mustapha Touahir, chef du service régional de l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Au total, 1,25 million d’immigrés travaillaient dans la région en 2018, soit plus d’un actif sur cinq (22,1%), selon l’étude parue jeudi. Un taux stable sur une décennie: les travailleurs immigrés représentaient 21,4% de la population active en Ile-de-France en 2008, 23% en 2013.
En proportion, c’est bien plus que le taux d’emploi de cette population dans d’autres régions, qui oscille entre 4% en Bretagne ou en Normandie et 12% en Corse.
Ces travailleurs, qui se concentrent surtout en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de métropole, sont pour moitié originaires d’Afrique, essentiellement d’Algérie, du Maroc, d’Afrique centrale et subsaharienne, détaille l’Insee.
Ils sont “sur-représentés dans les emplois peu qualifiés, très difficiles, mais indispensables au bon fonctionnement d’un territoire”, observe Mustapha Touahir.
Selon l’étude, plus de six aides à domicile, aides ménagères ou employés de maison sur dix (61,4%) étaient immigrés, en 2018. Ces derniers représentaient également près de deux-tiers de la main d’oeuvre totale (60,8%) des ouvriers du gros oeuvre du bâtiment et des travaux publics.
Un cuisinier francilien sur deux était immigré et plus de quatre sur dix exerçaient comme agents de gardiennage et de sécurité (47%), agents d’entretien (45%) ou assistantes maternelles (43%).
Pénurie de main d’oeuvre
Des métiers qui se caractérisent “par des conditions de travail plus contraignantes que la moyenne”, en termes d’efforts physiques, de tâches répétitives ou d’horaires et pour lesquels “les employeurs sont confrontés à des difficultés de recrutement”, relève l’institut statistique.
“La tension de recrutement est source d’enjeux d’autant plus forts qu’il s’agit là, pour partie, de métiers-clés, dits ‘essentiels’ (…). Certains ont même été en ‘première ligne’ lors de la crise sanitaire”, période pendant laquelle 76% des agents de propreté étaient immigrés, souligne encore l’Insee.
A l’inverse, cette main d’oeuvre est largement sous-représentée parmi les cadres ou professions intermédiaires administratives (9%).
“On ne les retrouve pas dans tous les emplois et il n’y a aucun emploi très qualifié dans lesquels ils seraient sur-représentés”, relève Mustapha Touahir.
Et il ne s’agit pas nécessairement d’une question de compétences, selon l’Insee.
“On mesure des situations de déclassement, avec des immigrés qui n’occupent pas des emplois à la hauteur du diplôme qu’ils ont obtenu”, poursuit M. Touahir. Une situation dont les explications sont “multiples” mais dont “les phénomènes de discrimination” sont un “élément d’explication”, estime-t-il. Tout comme l’obligation de disposer d’un diplôme européen ou reconnu par l’Etat pour exercer certaines professions, notamment médicales.
En Ile-de-France, près de 40 000 travailleurs immigrés détenteurs d’un diplôme attestant d’au moins cinq années d’études supérieures occupent un emploi d’ouvrier ou d’employé, note l’Insee. Et seuls 56% des immigrés détenteurs d’une licence accèdent aux professions intermédiaires ou supérieures. Pour les non-immigrés, ce taux est de 80%.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.