Plusieurs centaines d’agents des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et d’Orly se sont mis en grève jeudi 9 juin à l’appel d’une intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CDG, CFTC, FO, Solidaires, Unsa. Ils réclament des augmentations de salaires et des recrutements et menacent une nouvelle grève début juillet, au moment des départs en vacances. Ce mouvement social intervient dans un contexte de pénurie de main d’œuvre aéroportuaire.
Entre 700 et 800 grévistes à Roissy, entre 150 et 300 à Orly. À Roissy, c’est un quart des vols de la matinée qui ont été annulés jeudi 9 juin. Lancé par l’union interprofessionnelle de Roissy, l’appel a aussi été suivi par les agents d’Orly, tant chez les personnels d’Aéroports de Paris (ADP), que chez les sous-traitants chargés du transport de bagages, des repas ou encore de la sécurité.
Revendications salariales
Le mot d’ordre : une augmentation de 300€ minimum pour tous les corps de métier, et des recrutements massifs pour accompagner la reprise du trafic aérien, sévèrement amputé lors de la crise sanitaire. “En cinq mois, on a déjà atteint 65% du trafic de l’année 2019. On est donc parti pour dépasser les chiffres de l’avant pandémie” explique Isabelle, syndicaliste CGT à Orly. Un chiffre contesté par la direction d’ADP, qui estime qu’entre janvier et avril 2022, hors pics saisonniers, le trafic des aéroports du groupe n’atteignait que 65,8% du trafic observé sur la même période en 2019. Raison principale : de nombreux espaces aériens sont restés fermés, notamment à cause de la continuation des restrictions sanitaires en Asie et de la guerre en Ukraine.
Pour les syndicats, la reprise justifie tout de même des augmentations de salaire, alors que le Plan de modification des conditions de travail (Pact), signé en juillet 2021 après un intense conflit social, comprend la suppression des primes de risque, de conduite ou des frais de déplacement. “Certains salariés ont perdu jusqu’à 18% de leurs revenus annuels”, assure Isabelle.
Pénurie de main d’œuvre
Outre les revenus, c’est également la pénurie de main d’oeuvre qui se fait sentir. Après s’être séparé de 1150 salariés sur 6400 (dont 750 postes non remplacés), soit 18% de ses effectifs totaux, dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective en 2021, ADP reconnaît désormais manquer de bras. Au total, sur les sites de Roissy et Orly, ce sont plus de 4000 postes qui seraient à pourvoir chez ADP et ses sous-traitants. Du côté d’ADP, un plan de recrutement de 600 personnes, dont 200 à l’aéroport d’Orly, a été lancé. 270 personnes ont d’ores et déjà été embauchées : le groupe fait état d’un rythme de 50 à 60 recrutements par mois. “Nous avons des emplois à offrir, nous savons qu’il y a les candidats potentiels dans les territoires riverains autour de nos aéroports, mais la question est de faire rencontrer cette offre et cette demande”, explique-t-on chez ADP.
Le manque est tel que, selon la CGT, les employés peuvent toucher une prime pouvant aller jusqu’à 1000€ s’ils parviennent à faire recruter une de leurs connaissances. Le groupe recherche notamment des techniciens, chargés entre autres de la maintenance mécanique ou du tri des bagages, et des auditeurs, responsables du maintien aux normes des infrastructures.
Ce manque de main d’oeuvre touche également les sous-traitants d’ADP. Le secteur de la sécurité aéroportuaire est particulièrement touché, de l’aveu même du président d’ADP, Alexandre de Romanet. Une situation que confirme Oumar Sall, secrétaire général de l’union locale de la CGT d’Orly et délégué syndical central d’ICTS France. Spécialisée dans la sécurité aéroportuaire, la firme emploie plus de 1000 personnes à Roissy et Orly. “Les salariés n’ont plus de vie. Des petits nouveaux qui venaient d’être embauchés avec des contrats de 136h ont fait 190h dès leur arrivée. À Orly, nos 320 employés ont effectué plus de 1000h supplémentaires sur le mois dernier, ce qui correspond à 8 emplois”, insiste le syndicaliste.
“En position de force”
Comme sa camarade d’ADP, le syndicaliste affirme lui aussi que les agents de sécurité peuvent toucher une prime de 150€ s’ils parviennent à ramener des connaissances dans le giron de la firme. “Ils n’arrivent plus à recruter. Maintenant, ils prennent en CDI direct, alors qu’avant il fallait attendre deux ou trois ans avant d’avoir un CDI. Ils prennent même les gens qui arrivent sans formation, ils les forment eux-mêmes sur le tas.” Une situation sensible pour une profession qui doit repasser des examens tous les trois ans pour continuer a effectuer les fouilles des bagages, des passagers et des avions.
Avec les échéances de la Coupe du Monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques de Paris en 2024, la demande de main d’oeuvre devrait continuer à augmenter, ce qui qui met les grévistes “en position de force”, selon Oumar Sall.
Du côté d’ADP, une négociation sur les salaires, dont la tenue avait été prévue avant même la tenue du mouvement social, aura lieu le 14 juin. D’autres négociations sont prévues pour les employés d’autres entreprises, dont ICTS. En attendant, les grévistes maintiennent la pression : un préavis de grève a d’ores et déjà été déposé pour le 2 juillet.
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