Ce mardi à 18 heures, les tentes des jeunes migrants venus du pont Mandela s’alignaient encore en rang serré devant le Conseil d’Etat, dans les beaux quartiers parisiens. Une mise à l’abri a eu lieu en tout début de matinée ce mercredi après qu’ils soient repartis à Ivry.
Installés depuis plusieurs mois sur les quais d’ivry-sur-Seine, sous les ponts Mandela, plusieurs centaines de jeunes migrants avaient posé leur tente en pleine rue Saint-Honoré ce week-end, réclamant une mise à l’abri.
Issus majoritairement de pays d’Afrique, pour certains fraichement arrivés de leur pays d’origine, pour d’autres en recours contre une non-reconnaissance de leur minorité, ces jeunes migrants isolés vivaient jusqu’alors sous les ponts Mandela, ce qui était devenu intenable. Alors que des discussions étaient en cours pour organiser une mise à l’abri dans des gymnases, qui a pris plusieurs jours, les jeunes ont donné à voir leur situation, soutenus par des associations comme Utopia 56.
Réactions contrastées
Un contraste saisissant à quelques minutes des plus cossues boutiques de luxe de la capitale. Parmi les passants, les réactions sont contrastées. D’un côté, affluent des personnes qui veulent aider, comme ces deux dames venues de Vincennes avec d’énormes valises remplies de doudounes et tapis de sol, parce que l’on “ne peut pas laisser des gamins mourir de froid“. De quoi abonder les petits tas de vêtements chauds rangés tant bien que mal à côté ou dans les tentes disponibles. De l’autre côté du spectre des sentiments, une passante s’agace. “Ce n’est pas l’eldorado ici. Faut pas croire. Ce n’est pas la peine de rester”, enjoint-elle. Un message inaudible pour des jeunes qui ont affronté un périple bien plus difficile pour arriver jusque-là, et lui citent des exemples de personnes qui ont pu rester.
Détermination
“Après tout ce qu’ils ont enduré, ils sont déterminés. Ce n’est pas une ou deux nuits de plus dehors qui les effraie, mais si cela les surprend, car c’est leur premier hiver en France“, témoigne un bénévole de Médecins sans frontière. Des cas d’hypothermie, il y en a eu toutefois, dans la nuit de lundi à mardi notamment, qui ont été pris en charge à l’hôpital. Sinon il y a aussi quelques cas de souffrance psychique, consécutives à leur voyage et leur vie dans la rue. “Mais ils sont tous très courageux, et globalement, ils vont plutôt bien. Alors qu’ils sont seuls et isolés, ils se soutiennent entre eux. Le collectif leur donne de la force.” Devant le campement, deux réfugiés tapent dans le ballon, encore repérable dans la nuit grâce à sa couleur blanche.
Alors que l’organisation logistique de mise à l’abri, menée par la préfecture du Val-de-Marne, était fin prête ce mardi soir, les jeunes migrants ont finalement regagné les ponts Mandela dans la matinée pour être pris en charge depuis le Val-de-Marne, indique le maire d’Ivry, Philippe Bouyssou, qui a mis à disposition le gymnase des Epinette spour accueillir 50 à160 personnes. Plusieurs autres gymnases ont été réquisitionnés en Ile-de-France, dont un dans le 20ème arrondissement parisien et un autre en Seine-Saint-Denis.
L’opération a mobilisé 9 camions de gendarmerie mobile et 10 camions de CRS. Selon une source policière, l’intervention s’est déroulée dans le calme, mais a duré un certain temps et provoqué quelques perturbations sur le réseau routier. Le quai Jean-Compagnon a été bloqué.
292 jeunes mis à l’abri
Au total, la préfecture du Val-de-Marne indique avoir mis au chaud 292 jeunes. Un chiffre en deçà de celui qu’indiquait Yann, bénévole d’Utopia 56, ce mardi soir, faisant état de 484 personnes.
“Tous ne se sont pas présentés car ils n’étaient pas au courant. D’autres sont sans doute partis à Calais“, note le bénévole qui se réjouit que cette mise à l’abri ait pu aboutir tout en prévenant que d’ici quelques semaines, de nouveaux jeunes arriveraient avec des refus de minorité et que le problème se reposerait donc rapidement.
Pour les personnes envoyées dans des gymnases, elles seront prises en charge par France Terre d’Asile, qui avait été désigné comme opérateur pour effectuer un diagnostic social dès la mi-novembre (lire notre précédent reportage). “J’espère que beaucoup seront reconnus comme mineurs et pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, car ils ont l’air vraiment très jeunes“, commente le maire d’Ivry. Certains, qui semblaient âgés “d’à peine 14 ans” selon un témoignage de bénévole, ont d’ores et déjà été accueillis dans ce cadre. Pour ceux qui verront leur demande de minorité refusée, ils pourront effectuer une demande d’asile en tant qu’adultes.
Depuis le début de l’année, rappelle la préfecture, 18 mises à l’abri de campements extérieurs ont été organisés en Ile-de-France. “234 000 personnes en situation de précarité bénéficient d’une prise en charge au titre de l’hébergement en Île-de-France et chaque nuit“, ajoute la préfecture.
Et avec quel financement ?.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.