Solidarité | | 10/11/2022
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Ivry-sur-Seine : vers une résorption du camp de mineurs étrangers sous les ponts Mandela ?

Ivry-sur-Seine : vers une résorption du camp de mineurs étrangers sous les ponts Mandela ? © Fb

Alors que l’hiver approche, 300 jeunes migrants vivent sous les ponts Mandela à Ivry-sur-Seine. Ce mercredi, une manifestation était organisée devant la préfecture du Val-de-Marne pour réclamer un hébergement plus digne. Une délégation a été reçue. Reportage et explications.

Impossible de détourner le regard. Le quai Jean Compagnon à Ivry-sur-Seine, sous les ponts Mandela, abrite170 tentes installées sur les trottoirs. Près de 300 personnes passent leurs nuits ici, certains depuis cinq mois. En journée, ils se rendent à Paris pour bénéficier de distribution de nourriture, rencontrer des proches, parler à des militants associatifs ou veiller sur leur procédure pour obtenir la protection de l’Etat au titre de leur minorité. Ce mercredi, ils sont venus manifester devant la préfecture de Créteil pour réclamer un accueil digne.

En vérité, la nuit, personne ne dort. Il commence à faire très froid

Pendant quelque temps j’ai pu dormir à l’hôtel puis dans des campements, témoigne Moussa, venu avec plusieurs dizaines de camarades. En vérité, la nuit, personne ne dort. Il commence à faire très froid. Les voitures et les camions passent sans arrêt avec des phares très lumineux. Parfois ils klaxonnent. Il y a des bagarres. Ce n’est pas rassurant. Nous ne voulons pas seulement un lieu où dormir tranquillement, nous sommes nombreux à vouloir poursuivre ici les études que nous avons commencées au pays“, explique-t-il, énumérant les nombreuses nationalités présentes. “En majorité ce sont des personnes qui viennent des pays d’Afrique francophone comme le Mali, la Côte d’Ivoire, la Guinée“. A côté de lui, un homme tient une pancarte en carton sur laquelle il a voulu résumer sa situation. “Je suis mineur, je dors depuis deux mois à la rue. Où est l’égalité et la fraternité si des mineurs se retrouvent à la rue après leur évaluation ?”. Un autre, à bout de nerfs, se lâche. “C’est très difficile à vivre. En France, même les chiens ne dorment pas dehors alors qu’est-ce que l’on fait là ?”. Des associatifs préviennent que des membres du campement ne s’alimentent plus et craignent un drame.

Ils se rendent dans des centres d’évaluation tenus par l’association France Terre d’Asile dans les locaux de la mairie de Paris. Des entretiens sont menés et des grilles d’évaluation de leur minorité sont remplies en fonction des réponses qu’ils donnent. Les évaluateurs ne prennent pas en compte le parcours de vie traumatisant de ces jeunes qui ont quitté leur pays très jeune, explique Annabelle, en service civique chez Utopia 56, une association d’aide aux réfugiés. Ils échouent souvent à obtenir le papier de reconnaissance de la minorité parce que l’on a jugé qu’ils ne donnaient pas suffisamment d’éléments et reçoivent le plus souvent des lettres-types”, témoigne-t-elle en faisant défiler les photos de documents de refus sur son téléphone portable.

D’autres associations se rendent sur le camp, comme le collectif Les midis du MIE qui organise notamment des maraudes. “Nous avons pu récupérer quelques jeunes dans des locaux que nous gérons à Montreuil. Ils étaient détruits par les mois passés ici. Ce n’est pas normal qu’il n’existe pas de solution d’hébergement pour ces mineurs qui sont toujours en recours. Il faut parfois attendre six mois, voire plus, pour qu’un juge des enfants se prononce. Il y a des structures d’accueil pour les adultes mais pas pour les jeunes”, déplore Agathe Nadimi, du collectif.

Coup de pression politique

A Ivry-sur-Seine, le terrain sur lequel s’est installé le campement appartient à Haropa-Port de Paris et une procédure d’expulsion est en cours. “La mairie d’Ivry-sur-Seine a mis à disposition des bacs à poubelle, des toilettes ainsi qu’un réservoir d’eau approvisionné régulièrement pour assurer la dignité la plus élémentaire à ces personnes”, rappelait le maire d’Ivry-sur-Seine, Philippe Bouyssou (PCF) dans une vidéo publiée le 15 septembre dernier, demandant à la préfecture de région, à la préfecture du Val-de-Marne et au conseil départemental du Val-de-Marne, d’organiser l’ouverture de places d’hébergement pour les étrangers sans-abris le temps du traitement de leurs dossiers.

Après deux mois d’attente, la mairie d’Ivry-sur-Seine a organisé la manifestation ce mercredi avec plusieurs dizaines de jeunes du campement mais aussi des élus locaux, parlementaires et militants associatifs. “Il ne faut pas s’habituer à ces situations. Si nous sommes venus ici aujourd’hui, c’est pour leur donner de la visibilité parce que l’ignorance tue. La solidarité seule de notre municipalité ne peut pas suffire. Nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire. Maintenant, il faut des mises à l’abri”, a harangué Philippe Bouyssou, maire PCF de la ville. “Dans quel pays vivons-nous si la sixième puissance du monde n’est pas capable de trouver un toit à des jeunes ? Refuser que ces jeunes vivent dans la rue, c’est une lutte pour la dignité et pour l’intérêt général puisque nous sommes signataires de conventions internationales sur les droits des enfants. Je suis révoltée de lire sur certaines pancarte que ces jeunes veulent étudier et qu’ils ne le peuvent pas“, a enchaîné la députée insoumise Mathilde Panot. Le député Louis Boyard (LFI) et la députée Sabrina Sebaihi (EELV) étaient également présents.

La préfecture lance un diagnostic social

Ce mercredi après-midi, une délégation a finalement été reçue en préfecture. “Un diagnostic sanitaire et social va être diligenté par la préfecture afin de dresser un état des lieux du campement constitué de migrants se revendiquant comme mineurs mais dont la minorité n’a pas été, à notre connaissance, reconnue par les services de l’aide sociale à l’enfance de la ville de Paris et des conseils départementaux sollicités, explique-t-on au cabinet de la préfecture. Pour mémoire, face à une demande forte d’hébergement, l’État finance et gère plus de 11 000 places dans le Val de Marne pour mettre à l’abri jour et nuit des personnes en situation de détresse sociale, avec une priorité pour les publics les plus vulnérables (femmes et enfants).” Les élus et les représentants associatifs saluent pour leur part une avancée mais restent dans l’expectative.

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