Pour leur deuxième long métrage, Carine May et Hakim Zouhani restent à Aubervilliers, ville de Seine-Saint-Denis où ils ont longtemps vécu. L’école maternelle Jacques Prévert, au cœur du quartier des Quatre Chemins, sert de décor à cette fiction. Une comédie sociale critique au cinéma ce mercredi.
Une nouvelle école doit ouvrir dans une “résidence” en construction. Elle “sera écolo” et à l’image des nouveaux habitants qui arrivent. Face à elle, l’école Jacques Prévert, vieillissante et perdue au pied des barres d’immeuble, ne fait pas le poids. Déjà, des parents se demandent comment changer leur enfant d’établissement. La directrice, Zahia, interprétée par Rachida Brakni, se désespère. Comment éviter la fuite ? Conserver la fragile mixité sociale de son école ? La réponse viendra d’une jeune instit pêchue, Marion. Une école écolo ? Chiche. Reste à convaincre l’équipe.
Un collectif qui ne s’est pas choisi
“On a voulu montrer ce que sont les instits aujourd’hui“, explique Hakim Zouhani. Carine May connait bien le métier puisqu’elle l’a exercé plus de dix ans, notamment à Aubervilliers et à La Courneuve. “Je parle dans ce film de tout ce que j’ai pu vivre, de ce qu’on peut voir dans ces périphéries de France. En banlieue, il n’y a pas de moyens, mais il y a des équipes de choc et des familles qui nous font confiance, ce qui n’est pas le cas forcément dans des quartiers plus huppés.”
Plus qu’au métier d’enseignant, le film s’intéresse surtout au travail collectif qu’il implique. Or, cette équipe est hétéroclite et donne à voir une galerie de personnages très différents, du dépressif au prof écolo-bobo. “Ce sont des gens qui ne se seraient pas forcément rencontrés dans d’autres circonstances, mais qui sont obligés de faire ensemble, comme Jean-Pierre (Gilbert Melki) et Seid (Mourad Boudaoud)”, souligne Carine May. Ce sont aussi pour la plupart des jeunes. Et certains n’ont pas la vocation, comme Fabrice, un rappeur en reconversion interprété par Disiz.
Pas de fatalisme
“Pour moi, aucun personnage n’est fataliste. Les gens savent très bien ce qui se passe. Mais chacun se bat à son échelle pour faire bouger les lignes et ne pas subir le déterminisme social“, reprend la réalisatrice.
C’est le cas de ces parents qui voient une opportunité pour les études de leurs enfants dans l’arrivée d’une nouvelle école. “Dans les villes de banlieues, il y a des parents qui se saignent pour mettre leurs enfant dans le privé. Dans le film, c’est le public qui flingue le public“, souligne Hakim Zouhani.
Ce refus du fatalisme, c’est ce qui va aussi pousser Zahia à se battre pour éviter la fuite des cerveaux et attirer les “futurs petites têtes blondes“, gage de mixité sociale dans son école. “C’est le personnage qui nous ressemble le plus, relève Carine May. Elle peut paraitre agressive parce qu’elle a tellement de colère et de détermination, et en même temps elle est capable de changer les choses, de se mettre à hauteur d’enfant, de les connaitre par leur prénom.”
Ecologie: un autre manière d’enseigner
“La Cour des miracles” est porté par la duo que cette directrice forme avec une nouvelle enseignante, Marion (Anaïde Rozam) qui débarque du Puy-de-Dôme, avec une passion pour la nature et l’envie de la transmettre.
“Dans les premières versions du scénario, l’écologie était moins présente. Et puis, le covid est passé par là et on s’est rendu compte que beaucoup de professeurs des écoles se donnaient l’obligation d’aller à l’extérieur au moins une fois par semaine“, souligne Hakim Zouhani.
Si, dans le film, Marion s’inspire directement des méthodes scandinaves, Carine May fait aussi référence à Célestin Freinet : “c’est une méthode de l’enseignement public qui existe depuis des décennies.“
Au fond “ce qui nous a porté, c’est que tant le bateau n’a pas coulé, les gens continuent à écoper“, résume-t-elle.
Sélectionné à Cannes où il a été présenté en avant-première dans le cadre des projections spéciales du cinéma de la plage, la “Cour des miracles” sort au cinéma ce mercredi 28 septembre.
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