“On est obligés de passer par 1 001 chemins”: ajoutée aux ratés des RER et autres Transiliens, la grève des bus Keolis Meyer contraint depuis plus d’une semaine les habitants du sud de l’Essonne à des itinéraires bis alambiqués, avec un sentiment de “galère” et de “fatigue” partagé.
“Le trafic est perturbé suite à un mouvement social (…) Prévoyez un train sur trois”, avertissent les haut-parleurs de la gare de Saint-Michel-sur-Orge, à une trentaine de kilomètres au sud de Paris, en ce beau week-end d’automne.
A quelques encablures de là, le panneau d’affichage des bus Keolis Meyer des abords de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois n’est guère plus réjouissant: “Mouvement social. Aucun bus en circulation actuellement”. Double peine pour les usagers désorientés, qui cherchent frénétiquement des solutions alternatives.
Sous l’abribus, Nadège-Amandine, une vendeuse de 29 ans, appelle sa sœur pour profiter de sa voiture. Un homme se lance dans “une heure de marche à pied”, vraiment “pressé”.
Lewis commande un VTC “à 15 euros” pour rallier une autre gare. L’étudiant en BTS comptabilité de 21 ans, qui a déjà “attendu (son) RER 45 minutes”, peste contre la situation qui lui “fait perdre de l’argent”.
Ousmane Djibril s’épanche. Depuis le début de la grève, il emprunte “1 001 chemins” pour rejoindre Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), où il travaille comme technicien en génie civil. “Je suis obligé de marcher 700 à 800 mètres, je prends le bus 107 qui m’emmène au RER à Epinay-sur-Orge”. Temps de trajet: “1h45 au lieu de 1h15”.
Pourtant, comme la plupart des Essonniens interrogés, il dit “comprendre” les revendications des grévistes.
Ces derniers exigent une revalorisation salariale, avant la fusion de leur entreprise, Keolis Meyer, avec Transdev.
Les employés de Transdev “ont une rémunération horaire de 15,01 euros et nous de 13,23 euros. On va se retrouver à travailler ensemble, à faire les mêmes lignes, les mêmes horaires, avec une différence à l’heure de 2 euros”, proteste Michaël Alexandre, conducteur de bus à Keolis Meyer et délégué syndical CFTC.
En grève depuis le 13 octobre dernier, une partie des salariés a bloqué jeudi le dépôt, provoquant la paralysie complète du réseau.
Celui-ci dessert une vaste zone en Essonne, s’étendant du nord au sud sur environ 25 kilomètres, de Massy à Avrainville, et de l’ouest à l’est sur une vingtaine de kilomètres, des Ulis à Grigny. Une ligne emmène les voyageurs jusqu’à Paris (Porte d’Orléans).
Avant le blocage du dépôt, “entre 50 et 60%” des bus circulaient, a indiqué la direction.
Cette dernière estimait vendredi à 50% la part des grévistes. La CFTC, par la voix de Michaël Alexandre, évaluait, elle, la participation au mouvement à 95%.
“Un gars avec huit ans d’ancienneté a un salaire de 1 700 euros (mensuels)”, dénonce M. Alexandre. “On a des horaires décalés, on subit des incivilités au quotidien”.
“Compte tenu des difficultés de dialogue rencontrées, Keolis envisage le recours à une médiation”, précise la direction, qui rejoint sur ce point les syndicats pour qui le dialogue social est “carrément au point mort”.
Dans ce bras de fer, les habitants sont des “dommages collatéraux”, déplore Sylla, étudiante en prépa économique. La semaine dernière, elle a pris “peur” lors d’un trajet en “pleine nuit”, contrainte d’alterner longue marche à pied, VTC et Noctilien pour arriver à 02H00 du matin chez elle à Paris.
Priscilla M. doit “se marier aujourd’hui” et, assise sur les marches de la gare de Saint-Michel-sur-Orge, exprime son soulagement: “heureusement que notre propriétaire a accepté de nous emmener en voiture jusqu’à la gare”.
L’étudiante en communication à l’université d’Evry “galère” depuis le début du mouvement social et avoue être “fatiguée”. “Dans une ville pas très bien desservie, dès qu’il y a un transport impacté, ça complique tout pour nous”, résume-t-elle.
par Ornella LAMBERTI et Antoine GUY
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