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Santé | | 17/05/2022
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La maternité des Lilas a un an pour trouver des solutions

La maternité des Lilas a un an pour trouver des solutions

Lieu emblématique de l’accouchement naturel et de l’histoire des droits des femmes, la maternité des Lilas, située en Seine-Saint-Denis, était à nouveau menacée de fermeture par l’Agence régionale de santé. Elle a obtenu un sursis d’un an.

On a un an pour trouver une solution“, souffle la directrice Myriam Budan. Ce n’est pas la première fois que la Maternité des Lilas est confrontée à une perspective de fermeture. En cause un déficit de 4,5 millions d’euros.

Sursis

Ça fait dix ans que l’on est en négociation. C’est un éternel recommencement“, explique Myriam Budan, qui est arrivée à la tête de l’établissement en mars l’année dernière. Le prolongement des autorisations d’exercer, fixées jusqu’au 2 juin 2022 par l’Agence régionale de santé, était conditionné à un projet d’adossement à la clinique privée Floréal de Bagnolet. Or, le groupe Almaviva qui l’a rachetée, a abandonné en février ce projet, plongeant à nouveau la structure dans l’incertitude.

L’Agence régionale de santé (ARS) a accordé un sursis d’un an le 29 avril dernier, “grâce à un mesure liée à la crise Covid“, précise la directrice de la maternité. Le sursis est intervenu alors qu’une forte mobilisation avait réuni patients, people, politiques et syndicats sous les fenêtres du ministère de la santé.

Après de multiples demandes, nous avons été reçus et nous avons obtenu ce délais“, explique, pour sa part, Corina Pallais, psychologue à la maternité et représentante du syndicats Sud.

Fusion avec le groupe Avec

Mais les autorités sanitaires ont posé comme condition qu’un projet viable soit trouvé. L’ARS affirme qu’aujourd’hui “qu’il n’y a pas de date butoir – ni en juin ni dans les mois à venir – concernant la situation de la maternité qui continue de fonctionner avec l’autorisation de l’Agence qui met tout en œuvre pour assurer la sécurité et la qualité de la prise en charge des patientes, mais aussi pour que les activités (notamment les accouchements et IVG) soient assurées, alors que des signaux d’alerte ont pu être reçus des professionnels.

Alors qu’une réunion avec toutes les parties prenantes est prévue dans un mois, la recherche d’un repreneur est désormais la priorité de Myriam Budan. “Il y a maintenant une possibilité de fusionner avec le groupe Avec, mais le personnel ne veut pas.”

Cette solution permettrait de redresser la situation financière de la maternité. Mais elle impliquerait son déménagement à la clinique Vauban, située à Livry-Gargan, dont le groupe Avec est propriétaire.

Une perspective que rejette le personnel, à commencer par les sages-femmes. “Nous n’avons aucune confiance à l’égard du groupe Avec. Il est lui-même en grande fragilité financière. On ne peut que s’interroger sur les motivations de Bernard Bensaïd [fondateur et pdg du groupe Avec]”, observe Corina Pallais. “Pour lui se serait une très bonne opération puisqu’il récupérerait le nom de la maternité, les sages-femmes dont tous les établissements manquent, et les 15 millions d’euros prévus pour la reconstruction de la maternité. Nous voulons aussi préserver l’accompagnement des personnes transgenres qui est devenu un de nos combats depuis trois ans.

Bernard Bensaïd met, quant à lui, cartes sur table: “Nous proposons notre projet depuis huit ans. La réalité est que la maternité des Lilas est en sureffectif. C’est en moyenne trois à cinq millions d’euros par an que ça coûte à l’Etat et au final au contributeur.” En cause, pour lui, la baisse de la natalité. Ce qui veut dire que le groupe ne reprendrait pas forcément toutes les sages-femmes au nombre de 25 actuellement en poste. “Mais, signale-t-il, je comprends les inquiétudes. Nous nous engageons à maintenir le même niveau d’accompagnement à l’accouchement physiologique que propose la maternité des Lilas, mais aussi sur la prise en charge des transgenres.

Selon Bernard Bensaïd, l’enjeu serait de rééquilibrer les activités entre les deux sites. “A Vauban, des parturiantes [les femmes qui accouchent selon sa terminologie] voudraient pouvoir bénéficier d’un accompagnement physiologique, que nous pratiquons mais encore trop peu. Et aux Lilas, certaines femmes voudraient pouvoir davantage être accompagnées médicalement.

Reconstruction

Etablissement à but non lucratif installée créé en 1964, la maternité des Lilas est reconnue pour son savoir-faire et le libre-choix laissé aux femmes, prônant l’accouchement naturel. En 2021, 1107 accouchements y ont été accomplis.

La forte mobilisation du collectif de la maternité des Lilas, le 29 avril, devant le ministère des Affaires sociales et de la Santé, a montré l’attachement à ce lieu emblématique. Une pétition en ligne pour la sauvegarde l’établissement a recueilli à ce jour plus de 41 000 signatures.

En dehors de l’enjeu financier, c’est aussi la vétusté des locaux, qui n’ont pas changé depuis 1964, qui pose problème. D’où la nécessité d’une reconstruction. “Mais il faut aussi que le projet inclut la mise en place d’un plateau technique et d’un service de chirurgie“, indique Myriam Budan.

De toute façon, c’est l’ARS qui décidera. Mais la solution la plus raisonnable c’est d’accepter le projet de reprise du groupe Avec, poursuit-elle. A la condition que notre culture soit respectée et préservée, que l’ensemble du personnel soit repris et que l’on obtienne la labellisation de notre maternité“, estime Myriam Budan.

Autant d’arguments que réfute une grande partie du personnel. “La reconstruction s’est un tout autre sujet, avance Corina Pallais. La vraie question s’est celle de la tarification à l’acte. Une maternité de niveau 1, la dernière de Seine-Saint-Denis avec celle de Vauban mais qui pratique peu les naissances physiologique, ne peuvent qu’être déficitaire dans ce système. C’est un déni total du corps de la femme. Nous interpellons directement le futur gouvernement à ce sujet. Si on ferme, les femmes du département n’auront plus le choix d’autres choix que des maternités de niveau 2 et 3.”

En dehors de l’éloignement, qui entrainerait une perte de patientèle, c’est surtout la logique de rentabilité qui suscite la réticence des sages-femmes, aujourd’hui au nombre de 25 sur une centaine de salariés.

Le syndicat Sud propose d’autres pistes pour diversifier l’activité de la maternité comme la mise en place d’un service de petite chirurgie ou encore de formations à l’accouchement physiologique. “Nous sommes une institution essentielle dans le maillage de santé en Seine-Saint-Denis, affirme Corina Pallais. En dehors des naissances physiologiques, nous réalisons 900 IVG [interventions volontaires de grossesse] par an environ, soit 10% dans le département. Ils ne peuvent pas nous fermer comme ça.” Mais elle s’étonne aussi de l’absence de contrôle des dépenses excessives consacrées aux études pour la recherche d’un repreneur depuis dix ans, que ce soit par le conseil d’administration ou l’ARS.

Le projet du groupe Avec se déroulerait, quant à lui, en deux temps: “on déménagerait tout à Vauban pendant trois-quatre ans pour pouvoir reconstruire la maternité aux Lilas et s’y réinstaller“, détaille Bernard Bensaïd. Reste à trouver le terrain… et à convaincre l’ARS. Bernard Bensaïd évalue le coût de la reconstruction à 40 millions d’euros dont les 15 millions d’euros déjà provisionnés par la maternité des Lilas et qui sont mis en avant par les syndicats pour justement ne pas céder à se projet.

De son côté, la ville des Lilas, par la voix de son maire, Lionel Benharous, s’est dit prête à “contribuer à un projet d’avenir (…) aux Lilas si possible, sinon à proximité.” “Mais il faudra des garanties de l’Etat et de l’éventuel repreneur que l’ARS aura choisi, que les moyens seront débloqués pour cette reconstruction.” Rappelant que la mairie avait immobilisé un terrain pendant plusieurs années, celui-ci prévient d’ailleurs: “il faudra, un jour, pointer les responsabilités de celles et ceux qui n’ont pas alors permis cette reconstruction aboutisse.

Une nouvelle mobilisation est prévue le samedi 28 mai dans le parc Lucie Aubrac aux Lilas.

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