Suite à une rixe entre élèves survenue vendredi 14 octobre au lycée Mozart au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), parents d’élèves et professeurs manifestent depuis mardi pour demander la démission du proviseur accusé de ne pas avoir géré l’incident.
Depuis trois jours, une scène insolite se produit devant le lycée Mozart du Blanc-Mesnil. Chaque matin, devant les grilles, ce ne sont pas les élèves, mais leurs parents et leurs professeurs qui se rassemblent pour les inciter à ne pas aller en cours. D’une seule voix, ils sont plus d’une cinquantaine à réclamer la démission du proviseur. Ils l’accusent de n’avoir pas réagi après une grave altercation survenue dans une salle de classe vendredi dernier.
C’est dans la classe d’Amélie, professeure de lettres qui préfère ne pas donner son nom de famille, que l’échauffourée a débuté. “C’était après la récréation, les élèves étaient en train de s’installer dans la salle. Quatre garçons de terminale sont arrivés et ont demandé à un de mes élèves de sortir. Il a refusé, et c’est là qu’ils se sont jetés sur lui en le rouant de coups au sol. C’était d’une violence inouïe. Je n’avais jamais vu ça dans une salle de cours”, relate-t-elle.
Les coupables sont ensuite appréhendés et entendus par le proviseur. Selon plusieurs témoignages d’élèves et de professeurs, le chef d’établissement aurait alors décidé de relâcher les participants à la rixe, sans appeler la police, ni les pompiers, ni les parents. Une décision prise alors même que les concernés auraient prévenu le proviseur que des représailles les attendaient à l’extérieur du lycée. Une fois les grilles passées, ils sont accueillis par un groupe armé de matraques télescopiques, gazeuses et gants coqués, selon ces mêmes témoignages. Deux élèves finiront à l’hôpital.
Conseil de discipline
C’est cette décision que les manifestants reprochent au chef d’établissement. “J’ai dû forcer le proviseur à regarder les vidéos des bagarres que les élèves avaient prises. Il ne voulait pas les regarder”, insiste Amélie, qui dénonce une attitude globalement “négligeante” de son proviseur. “Même les policiers que nous avons appelés nous ont dit que c’était n’importe quoi”, souligne Alexandre, professeur de mathématiques. Dans la foulée, plusieurs dizaines d’enseignants font valoir leur droit de retrait. Certains se mettent en grève, ajoutant leurs revendications à celles du mouvement interprofessionnel de mardi dernier.
Pour le rectorat de Créteil, le chef d’établissement a pris toutes ses responsabilités. “Il a réuni le CHS (comité hygiène et sécurité), le jour même en fin d’après-midi. Selon le rapport qu’il a rendu, aucun danger grave et imminent n’a été identifié, ce qui a conduit à rejeter le droit de retrait qu’ont demandé à exercer les enseignants. Cela n’enlève rien au caractère grave et inacceptable de l’incident“, explique-t-on au cabinet du recteur.
La direction du lycée a en revanche pris acte du débrayage et le lycée a envoyé un SMS aux parents, les prévenant de la fin prématurée des cours suite à un “incident sans gravité“. Une explication un peu légère pour les parents.
Plainte contre le proviseur
“Quand on a vu la violence des vidéos, c’était deux mondes différents. C’est impossible de qualifier ce qui s’est passé de “sans gravité“, raconte Nassira*, parent d’élève élue, postée devant les grilles avec une quinzaine d’autres parents – toutes des mamans. “Clairement, pour moi, c’est un mensonge“, renchérit une autre mère d’élève, par ailleurs enseignante dans un collège de la ville. “On ne peut pas lui faire confiance sur ce qui se passe dans cet établissement. Donc la seule solution, c’est qu’il s‘en aille“, insiste-t-elle catégorique.
Sur la même longueur d’onde, l’association de parents d’élèves et six professeurs ont d’ores et déjà déposé plainte contre le proviseur pour “mise en danger de la vie d’autrui“. Jeudi, les manifestants ont essayé en vain d’être reçu par le rectorat à Créteil. “La règle c’est de faire une demande pour être reçus. Or, là, ils sont venus manifester devant le rectorat“, souligne l’institution. Une enquête étant déclenchée depuis la plainte, le rectorat a aussi promis de recevoir les parents dans les prochaines semaines.
Face l’incompréhension suscitée par la gestion de l’agression, le rectorat rappelle que “l’établissement a l’obligation de vérifier les faits” et que les quatre élèves mis en cause “font l’objet de mesures conservatoires [c’est-à-dire qu’ils sont exclus de l’établissement] jusqu’à la tenue d’un conseil de discipline.
Ce vendredi, veille de départ en vacances, les professeurs avaient arrêté leur grève, de peur que le chef d’établissement invoque l’arrêt Omont, qui permet de compter les jours non travaillés comme des jours de grève – et donc d’opérer des déductions de salaire. Mais le mouvement était encore en cours, avec une chaîne humaine organisée par les mères à l’ouverture du lycée, ainsi qu’un blocus organisé par les élèves. “Le blocus est redoutablement efficace. Sur mes trois classes du matin, je n’ai eu que huit élèves” confiait un jeune professeur d’histoire à la mi-journée.
Présent devant le lycée, le proviseur n’a pas souhaité répondre à nos questions. Il a en revanche reçu le “soutien indéfectible” du SNPDEN-UNSA 93, syndicat de chefs d’établissements, qui estime qu’il “a fait le nécessaire afin de séparer les protagonistes et mettre en sécurité les élèves.”
*le prénom a été changé, à la demande du parent d’élève
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.