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Histoire | Seine-Saint-Denis | 09/08/2022
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Le Canal de l’Ourcq, 200 ans d’histoire #1 : des radeaux aux péniches

Le Canal de l’Ourcq, 200 ans d’histoire #1 : des radeaux aux péniches

“J’ai l’intention de faire de Paris la plus belle capitale du monde. Je veux faire quelque chose de grand et d’utile pour Paris. Quelles sont vos idées ?”, demande Bonaparte. ”Donnez-lui de l’eau.”

1801. Napoléon Ier s’entretient dans son château de Rueil-Malmaison avec Chaptal, son ministre de l’Intérieur. Le Premier consul n’est pas encore empereur mais il nourrit déjà des ambitions titanesques pour la France et sa capitale. “J’ai l’intention de faire de Paris la plus belle capitale du monde. Je veux faire quelque chose de grand et d’utile pour Paris. Quelles sont vos idées ?”, demande-t-il à son ministre. ”Donnez-lui de l’eau”, répond Chaptal. “Vous n’avez aujourd’hui ni fontaines publiques, ni abreuvoirs, ni moyen de laver les rues”, argumente le conseiller qui propose deux solutions : la création de plusieurs pompes à feu ou la création d’un canal pour amener l’eau de l’Ourcq, un affluent de la Marne. “J’adopte ce dernier projet; envoyez chercher M. Gauthey (ndlr un ingénieur des points et chaussées) en rentrant chez vous et dites-lui de placer demain cinq cents hommes à la Villette pour creuser le canal.” Un échange rapporté par le ministre dans ses Souvenirs sur Napoléon. 

Inauguré en 1822, le canal de l’Ourcq fête cette année ses 200 ans. Citoyens.com revient en trois volets sur l’histoire du plus long des cours d’eau franciliens (108 km), témoin et symbole des grandes dynamiques de la région parisienne et de la Seine-Saint-Denis.
#1 : des radeaux aux péniches
#2 : de l’industrialisation à la gentrification
#3 : nouveaux arbitrages entre logements, bureaux, nature


Un an plus tard, le 19 mai 1802, Napoléon signe lui-même un décret annonçant l’ouverture d’un “canal de dérivation de la rivière d’Ourcq ; elle sera amenée à Paris à un bassin près de la Villette.” C’est le début de la construction de ce que les franciliens connaissent comme le canal de l’Ourcq, qui s’étend de Mareuil-sur-Ourcq (Oise) jusqu’à la Rotonde de La Villette à Paris (actuelle place Stalingrad dans le XIXe arrondissement), après avoir traversé la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis.

Tracé du canal de l’Ourcq.

Une idée vieille de plus 300 ans

Pourtant, Chaptal est loin d’être le premier à avoir eu l’idée de relier la rivière à la capitale. Dès 1520, François 1er signe une patente (écrit public émanant du roi qui établit un droit ou un privilège) autorisant le prévôt des marchands et les échevins de Paris à “faire curer, nettoyer et rendre navigable tant lesdits rus et rivières de Seine, Vanne, Morin et Ourcq […] et démolir tout moulin qui nuirait à la navigation”. La rivière, qui se jette dans la Marne à Mary-sur-Marne (Seine-et-Marne), sert alors principalement à charrier du bois de la forêt de Retz (Aisne), qui sert au chauffage des Parisiens ainsi qu’à la construction de leurs logements. Les bûches sont acheminées via des “trains”, sortes de radeaux poussés par le courant.

Sous l’impulsion de Catherine de Médicis, des travaux de canalisation de la rivière Ourcq sont entrepris à partir de 1529. Sans grand succès : on fait tirer le canon pour l’arrivée des premiers bateaux de l’Ourcq jusqu’à la Seine en 1562, mais un siècle plus tard, de tels trajets restent exceptionnels. Malgré les 21 portes installées sur le cours d’eau à partir de 1656, la circulation reste difficile et réservée aux petites embarcations. 

L’idée d’un canal va ensuite régulièrement refaire surface. En 1676, c’est Riquet, créateur du canal du Midi à Toulouse, qui suggère à nouveau à Louis XIV de faire dévier les eaux de l’Ourcq vers Paris. Le Roi Soleil donne son feu vert au début des travaux, qui débutent vers Poincy (Seine-et-Marne), à une trentaine de kilomètres au Sud du début du canal actuel. Mais après à peine 2 kilomètres de creusage, les travaux doivent s’arrêter à Crégy, bloqués par la roche, trop dure pour les machines de l’époque. 

Plus d’un siècle plus tard, en 1786 c’est l’ingénieur Jean-Pierre Brullée, qui a l’idée de prendre l’eau de la Beuvronne, un autre cours d’eau comparable à l’Ourcq, pour la conduire jusqu’au bassin de l’Arsenal, ainsi qu’à Saint-Denis. L’idée ressemble en tous points au tracé actuel des canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis, mais ne voit pas le jour, à cause des difficultés économiques engendrées par l’augmentation du coût de la vie et des guerres révolutionnaires. 

De l’eau pour les Parisiens, un canal pour l’industrie

La construction du canal se concrétise donc sous le règne de Napoléon, bénéficiant d’une conjoncture plus favorable. La France est en paix et dispose d’un pouvoir fort. “Surtout, l’émergence de l’industrie et le besoin d’eau des Parisiens, dont la population s’éloignait de plus en plus de la Seine du fait de l’agrandissement de la ville, rendait l’édification du canal de plus en plus pressante”, détaille Patrick Bezzolato, auteur et responsable du Conservatoire Historique d’Études et de Recherches du XIXe arrondissement. 

Mené par l’ingénieur Pierre-Simon Girard, le creusage du canal s’inscrit dans la lignée des autres grands projets de transformation de Paris de l’Empereur, comme la rue de Rivoli ou l’Arc de Triomphe. C’est d’ailleurs le seul de ses projets qu’il pourra inaugurer de son vivant – au moins partiellement. En 1808, le bassin de La Villette, dédié à l’alimentation en eau de la capitale, voit le jour.

En plus de l’approvisionnement en eau, Napoléon voit le canal comme un tremplin pour les activités industrielles : “En ce sens, le canal collait à la vision que Napoléon avait de Paris, avec un centre réservé aux embellissement et des activités industrielles expulsées hors des limites de la ville. Car à cette époque, le bassin de La Villette n’est pas encore intégré à Paris [il le sera avec le village de La Villette lors de l’agrandissement de 1860, ndlr]”, précise Patrick Bezzolato. 

Plus encore, les canaux s’inscrivent dans le projet à long terme de l’Empereur de faire de Paris la capitale de l’Europe. Napoléon souhaite les voir relier Paris aux grandes villes du Nord, comme Anvers et Rotterdam. Un projet proportionnel aux ambitions de l’empereur mais qui ne verra jamais le jour car la topographie entre Paris et la Belgique, relativement vallonnée, rend la construction d’écluses difficile et coûteuse. Surtout, l’essor du chemin de fer à la même période concurrence rapidement le projet.

Une fois achevé, le canal deviendra l’élément moteur du développement industriel de la Seine-Saint-Denis et accueillera bon nombre d’usines le long de ses berges. Mais avec la désindustrialisation entamée dans les années 1970, les usines céderont peu à peu la place à des parcs et des logements.

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