Depuis que la mairie du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) a délivré le permis de construire à la Cogedim en juillet 2022, les opposants au projet d’aménagement de l’ancienne usine de salaisons Busso donnent de la voix.
“Le projet de cité-forêt avance… le permis est délivré“, annonçait le 24 juillet Clauthilde Choffrut, l’adjointe au maire du Pré-Saint-Gervais en charge de l’aménagement durable, ajoutant: “Les opposants à ce projet, principalement Alternative gervaisienne et le Pré en transition vont-ils faire un recours et prendre la responsabilité de nous priver de cette îlot de fraîcheur pendant quelques mois, voire des années?“
Manifestation et recours en justice
La réponse ne s’est pas faite attendre. “Notre pétition pour une forêt urbaine a déjà plus 3500 signatures. C’est plus du tiers du nombre d’inscrits sur les listes électorales (9 498)“, pointe Olivier Nouvian, membre du Pré en transition, une association affiliée au Mouvement des villes en transition. Samedi dernier, les opposants au projet ont appuyé leur protestation par une manifestation.
“Notre ville a besoin de cette forêt. C’est un enjeu de santé publique“, explique le militant. “C’est l’argument que nous étayons dans le cadre du recours contentieux que nous préparons contre PLU [plan local d’urbanisme].”
L’association, qui avait adressé un recours gracieux au maire (PS) de la commune, Laurent Baron, a reçu le soutien de France Nature Environnement. Parallèlement, un collectif de riverains a engagé un recours contentieux contre le permis de construire. “Pour l’instant, nous n’avons été notifiés d’aucune procédure“, assure-t-on à la mairie du Pré-Saint-Gervais.
Controverse sur le projet Busso
Située en plein centre-ville, entre la rue Gabriel Péri et la rue Danton, l’usine de salaisons Busso occupe une parcelle de 4 932 mètres carrés. En 2012, le propriétaire décide d’arrêter l’activité et de vendre. Pour éviter un projet immobilier de 140 logements comprenant un gymnase, la mairie décide de préempter la friche. Faute de fonds suffisants, elle sollicite l’établissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif) qui l’acquiert pour 9,2 millions d’euros en décembre 2017. A la faveur d’une dérogation, l’Epfif lui accorde un portage sur trois ans au lieu de deux.
C’est lors de la deuxième réunion (sur trois) de concertation publique, en février 2019, que se cristallise la controverse sur l’avenir du site. “L’atelier qui réunissait environ 150 personnes se passe mal. Le Pré en transition perturbe les débats et impose son projet, avec une surface de construction au sol de 800 mètres de carré, le reste étant réservé à une forêt“, se souvient Léopold Hourquet, devenu directeur de cabinet du maire.
Cinq promoteurs sont alors sur les rangs. “C’est le groupement emmené par Altarea Cogedim (avec l’architecte Chartier Dalix, le bureau d’études Vizea, le paysagiste Coloco) qui est sorti du lot. En fait, ils ont dessiné un projet très proche de celui défendu par le Pré en transition. Malheureusement, l’association est restée dans une démarche d’opposition. Il n’était plus question pour elle d’une cité forêt, mais d’une forêt intégrale“, déplore le bras droit de Laurent Baron.
Une forêt urbaine contre la pollution
Pour Olivier Nouvian la crise sanitaire et l’accélération du dérèglement climatique mettent en évidence la nécessité d’un projet écologique plus ambitieux.
“Le Pré-Saint-Gervais est la 3ème ville la plus dense de France avec 24 612 hab / km2, jusitifie-t-il. Or, c’est une des villes qui comptent le moins d’espaces verts en Europe, avec 0,48 m2 par habitant quand l’Organisation mondiale de la santé en préconise 10 m2. Ce n’est pas sans conséquences sanitaires.“
Il met avant la multiplication des enfants souffrant d’asthme dû à une pollution particulièrement forte avec des taux de particules fines (PM10) et au dioxyde d’azote (NO2) deux à quatre fois plus élevés que les seuils retenus par l’OMS. “La corrélation entre pollution et mortalité du covid est maintenant démontrée. Au Pré, elle a été ,3,2 fois plus élevé selon l’Agence régionale de santé. Nous avons la chance d’avoir cet espace. Une forêt urbaine participerait à la dépollution en plus de faire baisser la température“, ajoute Olivier Nouvian.
La mairie du Pré-Saint-Gervais défend de son côté “une transformation du site très importante” qui permettra à la ville de gagner 2986 mètres carrés d’espace public dont 2 541 en pleine terre, sans compter 200 mètres carrés d’espace privé. “Soit un total de 60% en pleine terre alors que seul 23 mètres carrés le sont actuellement“, souligne Léopold Hourquet. “Et cela pour un coût dérisoire pour la ville alors que l’aménagement de cette parcelle représente un coût de 15 millions d’euros, dont 2 millions d’euros de dépollution, l’équivalent pour la reconstruction, et 1 à 2 millions pour la réalisation d’espaces verts de qualité. Comment une ville comme la nôtre, dont le budget est de 28 millions d’euros, pourrait-elle s’engager dans une telle opération, alors qu’il faudrait aussi qu’elle acquiert la parcelle [ndlr, de 9,2 millions d’euros]. Dans le contexte des finances contraintes que nous connaissons, c’est compliqué“, explique-t-il. Par ailleurs, la mairie met en avant les investissements consacrés à la création de nouveaux espaces verts.
Besoin de logements
Cinq nouveaux immeubles, dont une tour de 29 mètres doivent sortir de terre pour accueillir 97 logements. Tout comme Le Pré en transition, Alternative gervaisienne, principale force d’opposition au conseil municipal avec cinq élus, dénonce ce projet. “C’est du greenwashing. Si la mairie le voulait vraiment, elle pourrait recourir aux subventions du département, de l’Etat ou même de l’Union européenne. La réalité c’est que c’est encore du bétonnage, alors que l’on ferait mieux de réhabiliter l’existant. Le maire prétend répondre au besoin de logement mais seulement 6 seront attribués à des Gervaisiens“, fustige Grégoire Roger, tête de liste lors des élections municipales partielles fin 2021.
Un argument que réfute la mairie. “Nous comptons bien défendre les dossiers des Gervaisiens qui doivent être relogés sur les autres contingents, à commencer par celui de la préfecture de Seine-Saint-Denis comme nous l’avons déjà fait avec succès dans d’autres cas, indique Léopold Hourquet. Nous avons 1 300 ménages mal logés sur près de 8 000, soit parce que leur logement est trop petit, trop cher ou insalubre. Sur trois ans, nous avons rénové un quart du parc et nous continuons. Nous devons bien trouver des solutions pour reloger les gens quand nous réhabilitons des logements. ”
Le projet Busso prévoit également 40% en accession sociale à la propriété par le biais du bail réel solidaire porté par Habitat et Humanisme, un mécanisme dont veut aussi se servir la mairie pour inciter les locataires désireux de devenir propriétaire à libérer leur logement sociaux, et 30% de logements vendus en accession libre.
Remarquable article. Vous résumez fort bien toute l’absurdité de la politique urbaine telle que menée par un grand nombre de municipalités qui n’ont aucun respect pour l’environnement en raison de plusieurs facteurs: la nécessité de se procurer des revenus budgétaires en raison des financements et subventions moindres accordés par le pouvoir central mais aussi le besoin d’acquérir un “brin supplémentaire” de respectabilité par le biais de réalisations architecturales sensées générer du prestige. On est dans une inflation de “com”… La densification du tissu urbain fait de nos banlieues des endroits hostiles et je pense que l’un des objectifs du Grand Paris est en réalité de “massacrer” les populations les moins favorisée en faveur des ménages friqués et même bobos… Les nouveaux arrivants n’ont pas tant besoin d’arbres que cela car ils peuvent s’aérer les bronches par le biais d’escapades le week-end et de vacances à gogo. En tout cas, les politiciens de tout bord, qui vont pêcher tant de voix parmi les citoyens les plus en proie à des difficultés, sont enclins à la trahison permanente. Je vis à Gennevilliers et je puis vous assurer que dans cette ville nous sommes en proie aux mêmes problématiques!
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