D’une vie broyée en Afghanistan aux Hauts-de-Seine, où il travaille dans un entrepôt : Timor a vécu le pire et traversé l’Iran à pied pour arriver en France en 2017, son “nouveau chez-lui”, obligé de fuir bien avant la reprise du pouvoir en août 2021 des talibans.
Derrière son chariot élévateur, il semble le plus heureux des hommes. Timor, 26 ans, visage rond et lumineux, cheveux de jais, a trouvé la paix parmi ces 6 000 m² de containers et rayonnages bien alignés, le ronronnement rassurant des machines qui scannent, trient, rangent.
“Je suis heureux”, dit simplement cet Afghan qui vivait à Sar-é Pol, une province du nord-ouest de l’Afghanistan, où sa “vie était en péril”. Il n’en dira pas plus. Il bénéficie désormais du statut de réfugié en France.
En 2016, quand Timor décide de quitter son pays et se lance sur les routes migratoires, les talibans contrôlent près de la moitié du territoire afghan et multiplient les attaques, y compris à Kaboul, la capitale.
Ces islamistes sunnites pourraient avoir été responsables de la mort de plus de 17 000 civils entre 2007 et fin 2015, avait chiffré en 2017 la procureure de la Cour pénale internationale.
Alors Timor, seul, paie un chauffeur pour accéder à la frontière iranienne et traverse l’immense pays voisin à pied, “durant trois semaines”. “On ne mangeait pas, on ne s’abritait pas, on buvait l’eau des rivières”, relate-t-il à l’AFP.
Il arrive en Turquie, rejoint la Grèce en bateau. En Europe, il traverse la Serbie, l’Autriche, l’Allemagne puis arrive au Danemark, où il ne se sent pas le bienvenu, et choisit finalement de s’ancrer en France, en 2017.
Après trois semaines passées dans la rue à Paris, il est pris en charge par des associations et notamment celle des “Apprentis d’Auteuil” qui l’intègre à son dispositif “Pro’Pulse”, permettant d’allier formation professionnelle et stage en alternance.
Désormais, Timor quitte sa colocation de Boulogne-Billancourt tous les matins à 05H30 pour être à l’heure au travail, sans faute, dans le vaste entrepôt de pièces détachées automobiles, à Gennevilliers dans une zone industrielle à l’ouest de Paris.
“Je n’avais pas envie d’avoir un stagiaire entre les mains”, rembobine Lahcen Mahna, 47 ans, son tuteur d’alternance et responsable de la plateforme à Gennevilliers. Mais “on a échangé quelques mots, en français et en anglais, il m’a planté le décor et son sourire”. De quoi convaincre ce responsable, rétif, de laisser sa chance au jeune homme.
De fait, à ses côtés, radieux dans sa chasuble fluo, Timor écoute d’une oreille les discours élogieux tout en scannant des pièces détachées, les enregistrant puis les rangeant soigneusement.
Lahcen Mahna songe même à lui offrir un poste en CDI à l’issue de son alternance: “Dès les premiers jours, il a fait preuve d’une adaptabilité et d’une insertion professionnelle incroyables” en plus d’avoir “une vraie expérience de vie” à tout juste 26 ans.
Il dépeint un homme volontaire, rigoureux, poli, qui a soif d’apprendre. “C’est l’employé idéal”, conclut celui qui se dit “sensible aux gens qui quittent leur pays en guerre pour trouver une meilleure vie”.
En France, les Afghans constituent le premier contingent des demandeurs d’asile (plus de 16.000 en 2021) et les expulsions vers Kaboul font l’objet d’un moratoire depuis un an et la prise de pouvoir des talibans.
par Ornella LAMBERTI
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