A la fois ex-épouse de la victime et sœur des trois accusés, c’est un personnage central de l’enquête qui a été entendu lundi par la cour d’assises du Val-de-Marne qui juge l’assassinat d’Amadou Ba, tué par arme à feu en 2018. Jamais poursuivie, quatre ans après, elle ressent une “responsabilité morale”.
Depuis lundi dernier, trois de ses frères et un ami de l’un d’eux sont jugés à Créteil pour l’assassinat d’Amadou Ba, champion de boxe thaï, tué par balles. Ils encourent la perpétuité.
Le 3 avril 2018, vers 22H20, après avoir dispensé un entraînement de boxe et raccompagné en voiture un élève chez lui, Amadou Ba est atteint par six balles et roué de coups avec une batte de base-ball. Le plus jeune des frères, Yazid K., a reconnu avoir tiré les coups de feu. Assis à côté de lui dans le box, Nacer K. a affirmé avoir porté des coups de batte à la victime.
Au centre de cette affaire, placée en garde à vue mais jamais mise en examen, leur sœur. Elle s’est mariée religieusement en 2004 et civilement en 2006 avec Amadou Ba, rencontré quand elle était au collège. Ils se sont séparés en 2015 et étaient toujours en instance de divorce en 2018. Ensemble, ils ont eu trois enfants en 2007, 2009 et 2011. La jeune femme, âgée aujourd’hui de 39 ans, explique avoir subi de multiples violences, physiques, psychologiques et sexuelles de la part de son mari.
“Le divorce a été très compliqué”, rappelle-t-elle, vêtue tout en noir. En outre, les relations entre les ex-époux s’étaient dégradées depuis quelques mois pour des questions d’argent et de garde d’enfants. Dans ce contexte, quelques jours avant les faits, une violente altercation oppose Amadou Ba et le troisième frère accusé, Djamel K., dans un restaurant.
“Inconsciemment, je les ai instrumentalisés”
“Après l’agression de Djamel, personne ne dort”, explique-t-elle. “J’avais peur que ça dégénère”, “qu’une bagarre éclate”. Le soir de l’agression mortelle, elle pense que ses frères vont prendre le boxeur en filature après un entrainement pour trouver son domicile. “Le danger je ne l’ai pas vu, ils sont en filature, je n’ai rien vu d’autre qu’une filature dans le but de faire une bagarre certainement ou de rechercher son adresse”, témoigne-t-elle face à la cour. “Ce n’était pas volontaire de ma part, inconsciemment je les ai instrumentalisés”, “c’est possible que je leur aie monté la tête”, reconnait cette femme lors de son audition de près de trois heures par la cour d’assises.
Interrogée par une avocate de la défense, Me Karine Bourdié, sur une qualité qu’elle retient d’Amadou Ba: “c’est un excellent entraineur. Il a abandonné ses enfants, je ne peux pas dire que c’est un bon père… je cherche mais je ne les trouve pas”.
“Vu la haine totale que vous ressentez envers Amadou Ba, éprouvez-vous un petit peu une forme de culpabilité morale a minima dans la commission des actes de vos frères?”, l’interroge l’avocat général Guillaume Portenseigne. “Je me sens responsable moralement, je n’avais pas la lucidité pour retenir mon frère, inconsciemment je l’ai chargé”, répond-elle, toujours froidement. Elle reconnait également savoir “que Yazid était en détresse” – un “enfant peluche”, selon une autre sœur, “dépressif” et “perdu” au moment des faits. “Si j’avais eu la lucidité, j’aurais pu prendre conscience du danger et lui conseiller de ne pas le prendre en filature”, regrette-t-elle.
“Vous l’avez armé, votre frère”, lui lance l’avocat de Yazid K., Frank Berton, évoquant le fait qu’elle ait dit à son jeune frère qu’elle avait subi des violences sexuelles par Amadou Ba pendant son mariage.
A l’annonce de la mort d’Amadou Ba le soir du 3 avril, elle a assuré avoir ressenti un “ascenseur émotionnel, l’empathie et la tristesse, voila les deux émotions qui me sont venues”.
Le verdict est attendu vendredi.
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