Justice | | 20/11/2022
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Mort de Théo : un état psychiatrique incompatible avec ses conditions de détention à la prison de Fresnes

Mort de Théo : un état psychiatrique incompatible avec ses conditions de détention à la prison de Fresnes © CD

Théo a été retrouvé mort le 11 janvier au matin à Fresnes. Recroquevillé au sol, dénudé, dans une cellule jonchée de déchets. Après la publication d’un rapport accablant sur “la gestion” de ce détenu, de nouvelles investigations ont été lancées pour déterminer s’il y a eu non-assistance à personne en péril.

Une succession de “défaillances” et de “négligences” ont “abouti au délaissement puis à l’abandon du détenu”, âgé de 28 ans, fustige le rapport de fonctionnement de l’Inspection générale de la justice (IGJ) rendu en mai, récemment révélé par Marianne et consulté par l’AFP.

A la suite de cette mission, un signalement, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale -qui oblige toute autorité à signaler des faits délictueux dont elle aurait connaissance-, a été transmis au parquet de Créteil début juin. 

Ce signalement relève “des faits susceptibles de constituer une omission de porter secours à personne en danger”, a indiqué le parquet. 

Les investigations ont été dépaysées à Paris. L’instruction sur les recherches des causes de la mort est, elle, toujours en cours à Créteil.

La “perte de contact direct” entre Théo et le personnel pénitentiaire “semble avoir entraîné une dégradation inquiétante et rapide” de sa santé, estime le rapport.

Théo, avec six mentions sur son casier judiciaire notamment pour vols, recel et escroquerie, suivait un traitement médical pour des problèmes cardiaques et était suivi par le psychiatre de la prison. Sur ses 41 jours de détention à Fresnes, il a fait l’objet de 25 consultations médicales, dont cinq psychiatriques.

Mais son état “physique” et “psychique” s’est “rapidement dégradé sans provoquer de réaction de la part des personnels”, poursuivent les inspecteurs.

Alors que son profil aurait nécessité une “réaction individuelle ou collective de prise en charge adaptée” et non une “gestion déshumanisée, ostensiblement distanciée et inadaptée”, Théo n’avait en face de lui “que des personnels en tenue d’intervention, camouflés derrière un bouclier”.

“Impressionnant physiquement”, il vivait “dénudé”, “urinant et déféquant sur ses effets personnels” et pouvait manger à même le sol ou parfois sous son lit, “vociférant ou produisant des bruits, notamment d’animaux”.

Lors d’entretiens durant la mission, les agents se sont dit “démunis”, “perdus” ou “déroutés”, face à ce comportement, le décrivant comme “possédé”.

Écroué le 2 décembre 2021, il devait être jugé en comparution immédiate le 11 janvier, le jour de sa mort, pour non-respect d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance. 

C’est lors de cette audience que sa mère a appris son décès.

“Chaîne de dysfonctionnements”

Venue l’extraire de sa cellule pour le conduire au tribunal de Créteil, l’équipe a découvert son corps sans vie. Le décès “survient dans un contexte de syndrome asphyxique aspécifique” selon l’autopsie.

La nuit de sa mort, sur les onze surveillants qui devaient contrôler sa cellule, six ne l’ont pas fait et les cinq autres ont effectué un “contrôle œilleton”, selon les inspecteurs.

Ils ont également relevé que l’agent en poste le matin du décès, qui n’a pas fait de vérification, “a clairement manqué à ses obligations professionnelles” en ne “s’assurant pas de l’intégrité physique” de Théo, déjà passé par cinq secteurs différents de la prison.

Il a été notamment dans une zone réservée aux détenus radicaux car considéré à tort comme “détenu terroriste islamiste”.

“Cette chaîne de dysfonctionnements a très largement aggravé la situation de Theo. Ses conditions de détention étaient tout à fait inadaptées à son profil et son état psychiatrique dont personne ne semblait avoir pris la mesure”, ont déclaré l’AFP ses avocats Sidra Salim et Antoine Ory.

Les agents mis en cause ont été sanctionnés en conseil de discipline national, selon le ministère de la Justice.

Des sanctions de quelques jours ont été prises à l’encontre de trois agents, a précisé une source proche du dossier.

Dans son rapport, l’IGJ fait plusieurs recommandations au directeur de Fresnes, lui demandant d’assurer par exemple un “contrôle hiérarchique” ou de “renforcer l’accompagnement des jeunes” agents.  

Fresnes, la deuxième plus grande prison de France mais aussi l’une des plus vétustes, a été plusieurs fois épinglée pour ses conditions de détention jugées indignes.

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