Justice | Ile-de-France | 11/03/2022
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Mort d’un stagiaire sur un chantier RER E du groupe Fayat à Pantin: amende record et prison avec sursis

Mort d’un stagiaire sur un chantier RER E du groupe Fayat à Pantin: amende record et prison avec sursis

Le parquet avait demandé une sanction exemplaire. Le tribunal a été au-delà de ses réquisitions avec une amende record et de la prison avec sursis. Ce mardi 9 mars, Urbaine de Travaux, filiale du groupe Fayat, a été condamnée à 240 000 euros pour homicide involontaire suite à la chute mortelle du jeune Jérémy Wasson sur un chantier du RER E à Pantin.

Les faits s’étaient déroulés en mai 2020, après le premier confinement. Jérémy Wasson, élève de première année de l’École spéciale des travaux publics (ESTP), effectuait un stage sur le chantier du centre de commandement unifié (CCU) des lignes SNCF de l’Est parisien, notamment du RER E (Eole). Un bâtiment qui a ouvert début 2022 entre la Cité fertile et la gare RER de Pantin.

Dès le premier soir, l’étudiant, pourtant enthousiaste à la perspective de cette expérience de terrain, était rentré chez lui un peu perplexe, confiant à ses parents qu’il ne semblait pas attendu, que les gens du chantier étaient visiblement surpris de le voir arriver et qu’ils n’avaient pas défini ce qu’ils allaient lui demander de faire.

C’est le quatrième jour que le jeune homme fait une chute mortelle de 5 mètres depuis le toit du centre. Son corps est retrouvé à 13h44 le 28 mai. Il décédera deux jours plus tard. Selon le rapport de l’inspection du travail, énoncé par la présidente du tribunal, Jérémy a chuté d’une trémie de désenfumage. Son corps a été retrouvé à l’aplomb de cette trémie. La cheminée, mesurant 60 x 60 cm, était “recouverte d’un platelage, un assemblage d’éléments en bois, qui n’était pas fixé, en violation du code du travail.” Une cause fréquente d’accidents a relevé l’inspectrice lors de l’audience.

Des faits que l’ingénieure des travaux principale ayant délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, Sarah C, a remis en question, expliquant ne pas comprendre comment cela était possible car Jérémy n’était pas censé se situer à cet endroit.

Un fait attesté par les photos prises du haut de la grue, est en tout cas que le stagiaire était sans surveillance sur le toit. Un point largement rappelé lors du procès. “Vous trouvez ça normal que, sur le toit, le stagiaire soit à 15-20 mètres de la personne qui est en charge de lui alors qu’il y a des trous partout?”, a ainsi demandé la procureure à l’ingénieure.

Lors du procès qui s’est tenu au Tribunal correctionnel début février, l’encadrement flottant du stagiaire et son insuffisance de formation par rapport à la situation de risque dans laquelle il se trouvait ont également été au cœur des échanges. Des facteurs qui ont donné lieu à de lourdes réquisitions du parquet réclamant une sanction exemplaire “pour convaincre la société de changer, pour marquer la gravité des faits”.

Ce mardi 9 mars, le Tribunal de Bobigny a été au-delà, condamnant l’entreprise, en tant que personne morale, à 200 000 euros plus 20 000 euros par faute, à savoir l’absence de sécurisation de la trémie et l’absence de formation, soit 240 000 euros au total (contre 140 000 euros dans les réquisitions). L’entreprise est aussi condamnée à publier sa condamnation durant deux mois dans deux journaux (Le Parisien et Le Moniteur des travaux publics) et à concourir aux frais d’avocats de la famille. L’ingénieure principale des travaux ayant délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, seule représentante de l’entreprise à s’être rendue au tribunal pour le verdict, a pour sa part été condamnée à deux ans de prison avec sursis avec inscription sur son casier judiciaire (B2) ainsi qu’à 2 fois 5 000 euros. Les condamnés ont 10 jours pour faire appel.

“Cette condamnation ne fera pas revenir mon fils mais c’est un soulagement pour nous de voir l’entreprise lourdement sanctionnée. Nous espérons que cela va les faire réfléchir”, réagit le père de Jérémy qui regrette en revanche que l’école “continue à envoyer des étudiants en stage dans ce groupe.”

Pour Urbaine de Travaux, la séquence judiciaire de ce tragique accident n’est pas terminée. Le procès au civil se tient le 17 octobre. “Nous avons demandé une somme importante, prévient l’avocate de la famille, Juliette Pappo. C’est cela qui parle à l’entreprise.” Un autre procès attend également le groupe au tribunal de Pontoise à l’automne, concernant la mort d’un ouvrier.

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