Justice | | 23/01/2022
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Mort pour une gifle: la fin tragique d’un travailleur au noir sur un chantier de Bondy devant la justice

Mort pour une gifle: la fin tragique d’un travailleur au noir sur un chantier de Bondy devant la justice

Il fallait laver l’affront d’une gifle et lavé il fut, au prix du sang. Dix hommes de la communauté turque sont jugé aux assises à partir de mardi pour la mort en 2018 d’un ouvrier kazakh dans une expédition punitive, sur fond de différend autour de la rémunération d’un travail au noir sur un chantier de Bondy.

Dans ce dossier où se croisent combines de l’économie souterraine, un ego blessé et une confuse scène nocturne menant au coup de couteau fatal, dix accusés de 26 à 45 ans comparaissent aux assises de Seine-et-Marne, à Melun, pour violences en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

En octobre 2018, cela fait plusieurs semaines que Ziyametdin court après Erdal. Fuyant, le chef de travaux turc n’a pas versé l’argent qu’il doit au Kazakh et à ses deux compatriotes pour leur travail au noir l’été sur un chantier à Bondy (Seine-Saint-Denis).

Arrivé en France six mois auparavant, l’ouvrier de 43 ans y travaille clandestinement et expédie de l’argent à sa femme et ses six enfants, restés en Asie centrale. Il partage un appartement en colocation avec d’autres Kazakhs à Villeparisis (Seine-et-Marne).

Le 27 octobre, Erdal finit par donner rendez-vous à Ziyametdin en fin d’après-midi sur le site du chantier de Bondy.

Le Kazakh s’y présente avec un de ses colocataires. Mais bien vite, le ton monte. Les deux bords ne s’accordent pas sur les sommes à régler, se disputent sur le nombre de jours travaillés et le travail effectué.

Excédé, Ziyametdin assène alors une claque à Erdal. Un geste qui, quelques heures plus tard, lui coûtera la vie.

L’incident passe. Sur le chantier, la tension finit par redescendre, les esprits par se calmer. Les protagonistes se rendent ensemble dans un café voisin pour régler leur litige financier autour d’un verre. Le chef de travaux donne des chèques de 2 050 euros aux Kazakhs, ces derniers s’en vont. On se quitte, cordialement. L’affaire aurait pu en rester là.

Mais resté au bar de Bondy, Erdal rumine. Le père de famille de 31 ans ne digère pas l’humiliation de la gifle. Continuant à s’alcooliser, il trépigne. Il aborde d’autres clients du bar. On cherche à l’apaiser mais il répète en boucle: “il m’a frappé, je vais le frapper”.

Enervé, il finit par ameuter une dizaine de proches pour qu’ils se portent avec lui à la rencontre de l’insolent. Il sollicite en parallèle Ziyametdin pour lui demander de le voir. La victime lui envoie son adresse.

En début de soirée, le convoi d’hommes emmené par Erdal prend la route de la Seine-et-Marne. L’ouvrier descend à leur rencontre dans la rue, avec plusieurs de ses colocataires.

Dans l’accrochage nocturne aux circonstances floues qui s’ensuit, Ziyametdin reçoit un coup de couteau de la part d’Erdal. La lame sectionne l’artère fémorale, entraînant une hémorragie. Les assaillants partent en trombe. Une heure après, Ziyametdin est déclaré mort par les secours.

Erdal et son frère, soupçonné d’avoir frappé la victime avec une batte de base-ball, s’envolent précipitamment en Turquie le lendemain matin. Ils sont interpellés à leur retour en France quinze jours plus tard. Leurs complices présumés sont arrêtés à la même période. L’un reste en fuite à ce jour.

Pour expliquer son geste, Erdal plaide la légitime défense. “Il était projeté au sol, avec son adversaire sur le ventre. Pour se dégager de cette situation, il a sorti son couteau de chantier qu’il avait dans sa poche, avec lequel il a porté un seul coup dans la cuisse de son adversaire”, soutient auprès de l’AFP son avocat Jeffrey Schinazi, blâmant l‘”extrême violence” des autres protagonistes.

Les dix accusés, dont huit comparaissent libres, encourent jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle. Le verdict est attendu le 4 février.

par Alexandre MARCHAND

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