A deux jours du premier tour des élections municipales partielles qui se tiennent dimanche à Bondy, les cinq listes en lice ont jeté leurs dernières forces dans la bataille. En novembre, le conseil constitutionnel avait annulé le scrutin de juin 2020. Derrière le duel attendu entre le maire sortant Stephen Hervé (LR) et sa prédécesseure Sylvine Thomassin (PS) qui avait perdu la mairie en juin 2020, les trois autres têtes de liste comptent bien faire entendre leur voix.
Climat tendu en cette fin de campagne électorale à Bondy. Les insultes contre l’ancienne maire, Sylvine Thomassin, taguées sur la grande fresque peinte en hommage à Kylian Mbappé en sont un bon symbole. Dernier épisode en date, l’incendie de sa voiture dans la nuit de jeudi à vendredi. Aucune liste n’a été épargnée par des dérives: affiches arrachées, lancement de fausses rumeurs, insultes. “On reçoit des messages de dingue“, témoigne Sylvie Badoux, ancien maire-adjointe communiste, qui a décidé de se présenter.
Elections annulées
L’organisation de ces élections municipales partielles intervient après la décision rendue par le conseil d’Etat le 22 novembre dernier. Celui-ci avait confirmé l’annulation des résultats des élections prononcée par le tribunal administratif de Montreuil. Une victoire pour celle qui avait dirigé la mairie de Bondy depuis 2011, avant d’en perdre la direction en juin 2020 avec seulement 64 voix d’écart avec le candidat Les Républicains Stéphen Hervé. Un séisme pour ce fief du parti socialiste depuis 1945.
Pour le maire sortant, cette décision constitue une déception mais il voit aussi dans ce nouveau scrutin une opportunité d’asseoir plus largement sa légitimité. “On fait campagne sur un programme de continuité avec ce que l’on a commencé à mettre en place en début de mandat: la semaine de 4 jours d’école, la création d’une vraie police municipale avec des moyens – dont l’armement, la diversification des commerces…“ Pour porter son projet de ville, Stephen Hervé met en avant “une liste de rassemblement qui va de la droite au centre gauche“, incluant notamment Laurent Cotte, ancien adjoint PS qui avait été tête de liste LREM au 1er tour des élections de 2020.
Ouverture citoyenne
Face à lui, Sylvine Thomassin compte bien reprendre le fauteuil de maire. “Le changement de méthode que j’ai compris en écoutant les Bondynois depuis 18 mois c’est on ne fait plus rien sans les habitants. Je trouve qu’on a magnifiquement fait bouger cette ville, mais on a l’a fait à la papa parce que c’est comme ça que j’ai appris la politique.” Concrètement, elle veut créer un conseil économique, social et environnemental (CESE) et réfléchit à une ouverture de la composition des commissions d’attribution du logement et des places en crèche par exemple.
Cette ouverture à la prise de décision est aussi revendiquée par les autres candidats de gauche. Sylvie Badoux, ancien adjointe de Sylvine Thomassin, veut ainsi la création d’une “Fabrique citoyenne” qui associerait “les élus, les experts de la mairie et tout citoyen qui le voudra, pour décider ensemble.” Membre du parti communiste dont elle a été secrétaire de la section locale, elle a annoncé sa candidature au tout dernier moment mais sans le soutien de sa formation. Rappelant que plus de 40% des Bondynois n’ont pas de formation, elle veut mettre en trois structures solidaires, notamment pour encourager l’emploi local.
Créée en 2014, l’association Bondy autrement milite, quant à elle, pour mettre fin à la “monarchie locale“. A la tête de la liste qu’elle présente, Vincent Duguet, un enseignant, préconise une “démocratie réelle dans la ville autour d’un budget vraiment participatif” quitte à contourner les règles du système politique. Il défend aussi des mesures qu’il classe à gauche comme le retour en gestion publique de l’eau.
La gauche en ordre dispersée
Pour sa part, Jamal Ammouri, adjoint au maire 2008-2016, se désole du manque de transparence dans la gestion communale et de la mauvaise utilisation des deniers de la mairie. Se présentant sous la bannière de La France insoumise, il fustige par exemple “le bétonnage massif et le manque d’anticipation sur les conséquences du projet des deux gares [des stations de Bondy et Pont de Bondy qui doivent ouvrir à l’horizon 2030].” Pour lui, “la gauche est en miette. Nous voulons incarner une vraie gauche qui dit ce qu’elle fait et qui fait ce qu’elle dit.”
Une analyse que réfute Sylvine Thomassin qui, forte du soutien du parti communiste (PCF), du parti radical de gauche (PRG), de Génération.s et d’Europe écologie-Les Verts (EELV), affirme “la liste de gauche, c’est nous.“
L’abstention risque d’être la grande gagnante
Le constat que partagent en revanche tous les candidats est celui d’une abstention record lors de ce scrutin. “Si on arrive au taux de participation des élections départementales et régionales [24,80%], on aura déjà atteint un certain succès,” estime Stephen Hervé. “La campagne n’est pas facile, on est en plein hiver, en pleine crise covid“, relève d’ailleurs Jamal Ammouri.
De fait, nombre de Bondynois affiche leur indifférence à l’égard de ce scrutin. “De toute façon, les politiques ne tiennent pas leurs promesses“, clame un homme d’une quarantaine d’années qui préfère garder l’anonymat. “Je ne comprends pas pourquoi il faut voter.” Et les explications sur l’annulation du dernier scrutin ne sont pas de nature à le motiver. Aby, qui a récemment eu 18 ans, ne se déplacera pas non plus. “Je ne savais même pas qu’il y avait une élection. Qu’est-ce que ça va changer?“
Fatima, elle, se rendra bien aux urnes. Si elle ne sait pas encore pour qui voter, elle compte bien exprimer son mécontentement: “J’ai acheté à Bondy en 2002 et je paye chaque année des taxes de plus en plus élevées. Il faut que ça s’arrête. Il faut arrêter de construire pour faire du social ici.” En chemin vers le bureau de poste, un retraité regrette lui de ne pas pouvoir voter: “Ça fait 33 ans que je vis à Bondy, mais je n’ai pas la nationalité française. Je ne peux donc pas voter. “
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