Solidarité | | 01/03/2022
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Nogent-sur-Marne: l’épicerie ukrainienne mobilise la communauté

Nogent-sur-Marne: l’épicerie ukrainienne mobilise la communauté

A La datcha de la Marne, petite épicerie d’une famille ukrainienne installée depuis quelques années dans la rue Paul Bert de Nogent-sur-Marne, en place d’une ancienne boucherie, la guerre lancée à 2 300 kilomètres de là mobilise la communauté. Il y a ceux qui reviennent d’Ukraine, épouvantés. Et ceux qui s’en vont vers la frontière polonaise chercher des proches fuyant le conflit.

Dans l’urgence, fidèles clients et inconnus viennent déposer des produits de première nécessité dans ce commerce dont l’un des gérants est parti, dimanche, secourir ceux qui se réfugient en Pologne après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes.

Samedi soir, Marian Didenko, 41 ans, casquette vissée au ras de ses yeux bleus, canalisait sa colère en entassant des sacs dans la camionnette avec laquelle il allait rallier la frontière polono-ukrainienne. 

Ce père de famille et entrepreneur en bâtiment, arrivé en France en 2003 avec sa femme Luba Kharchenko, ne s’interrompait que pour pester contre “Poutine, ce malade”. “Il nous faut l’aide des Européens”, implorait-il. 

Au bout des vingt heures de trajet jusqu’à Przemyśl, dans les Basses-Carpates, il “donnera tout, pour les gens qu'(il) ne connaît pas”. Et il récupèrera sa mère, sa belle-sœur et ses nièces et neveux qui l’attendent “près du grillage”, a-t-il expliqué en français.

Irena Lesko, elle, arrive de la frontière entre Pologne et Ukraine. Le visage poupin encadré de longs cheveux châtains de la jeune femme est marqué par l’angoisse de nuits de cauchemar. 

Le débit rapide et le souffle court, la doctorante en chimie de 25 ans raconte qu’elle était partie quelques jours en Ukraine rendre visite à son arrière-grand-mère de 95 ans et régler deux ou trois tracasseries administratives. 

Jeudi, elle y a été réveillée à 7H30 “par les sirènes”. “Je descends l’escalier et ma tante me dit : La guerre a commencé”. 

Irena a dû repartir. Pénurie d’essence, embouteillages… Elle a fini à pied les derniers cinq kilomètres jusqu’au checkpoint frontalier. 

Irena a dû laisser son arrière-grand-mère “seule, après lui avoir acheté de la nourriture sèche”, parce qu’elle est trop âgée pour voyager, dit-elle, et sa voix s’étrangle avant que les larmes ne coulent.

Elle se reprend pour expliquer qu’elle a mis au point un système pour communiquer avec elle “sans donner des informations aux mauvaises oreilles” : si elle va bien, son arrière-grand-mère lui envoie juste un point par texto.

La gérante de l’épicerie, Luba Kharchenko, sert un verre d’eau à l’étudiante tandis que dans l’entrée exiguë du commerce, des Nogentais vont et viennent pour déposer des dons.

“Ça fait huit ans qu’on est dans une guerre qu’on n’appelle pas une guerre”, soupire la mère de famille de 41 ans, son long manteau gris la protégeant du froid qui s’engouffre par la porte désormais ouverte en permanence aux bonnes volontés.

Derrière le comptoir, la télévision diffuse en continu la fureur de la guerre, qui contraste avec l’ambiance familiale de la boutique.

“C’est incroyable”, s’étonne encore Vladyslav Buchko, un étudiant de 21 ans en architecture. “J’ai eu mes amis (du temps du lycée) au téléphone il y a quatre jours, on a parlé du quotidien, et aujourd’hui, ils sont dans des caves en train de fabriquer des armes, des cocktails Molotov pour lancer sur les tanks”, narre le garçon blond, originaire de Ternopin.

Les jeunes hommes concentrent une partie des inquiétudes.

Sur Facebook et dans les médias, le ministère de la Défense ukrainien a multiplié les appels à l’enrôlement d’urgence dans les brigades de “la défense territoriale”, créées en 2015 pour suppléer l’armée régulière. Il suffit d’avoir entre 18 et 60 ans et un passeport pour y répondre.

“J’ai eu archi-peur pour mon cousin qui a 17 ans”, confie Yaroslava, 15 ans, soulagée d’apprendre que les mineurs ne peuvent en théorie s’enrôler.

La famille de son cousin – que son père Marian Didenko doit récupérer à la frontière polonaise – est partie à deux voitures du village ukrainien de Mostyska, dit-elle. Un trajet au ralenti: ils ont parcouru “huit kilomètres en douze heures” en raison des embouteillages.

Mais lundi matin, soulagement, Marian Didenko est bien parvenu à la frontière les tirer d’affaire alors qu’au même moment, la Russie revendiquait “la suprématie aérienne” dans toute l’Ukraine.

par Ornella LAMBERTI

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