Quatre mois après avoir été parqués dans un square à Paris en lisière de la Seine-Saint-Denis, plusieurs dizaines de toxicomanes survivent toujours dans des conditions précaires malgré le froid hivernal, ont dénoncé lundi les riverains réclamant une solution pérenne.
Drôle de réveil pour les toxicomanes du square Forceval à Porte de la Villette ce lundi matin: vers 8H00, sur ordre de la préfecture de police de Paris, des pelleteuses ont détruit les abris en dur où vivotaient ces accros au crack, dérivé fumable, bon marché et très addictif de la cocaïne, a constaté une journaliste de l’AFP.
La quarantaine de baraquements identifiés abritaient des échoppes souterraines avec vente de boissons et de produits d’hygiène à d’autres activités plus douteuses comme de la prostitution.
“Depuis mi-décembre, les opérations de ménage, comme il y en avait trois fois par semaine, étaient arrêtées. Elles ont repris aujourd’hui pour éviter que des constructions en dur et le trafic s’installent”, a indiqué sur place la préfecture de police à l’AFP, précisant que les équipes de la mairie de Paris se chargeaient du nettoyage.
“Il n’y a pas d’évacuation”, a souligné la préfecture, quatre mois jour pour jour après avoir décidé d’expulser les toxicomanes du quartier des jardins d’Éole, dans le nord-est de la capitale, pour les repousser sur ce site en bordure du périphérique.
Construit dans la foulée pour obstruer un tunnel et ainsi censé empêcher le passage des usagers du crack vers la banlieue, le mur – baptisé “mur de la honte” par ses détracteurs – reste érigé.
De l’autre côté, dans le quartier pauvre des Quatre-Chemins, à cheval sur les villes de Pantin et Aubervilliers, des toxicomanes continuent pourtant d’errer sous le regard de riverains désabusés face à cette situation qui perdure.
“Cette opération est violente, le peu de confort qu’ils avaient réussi à créer a été détruit en deux heures. Cela permettait de les abriter par ce froid hivernal”, déplore Stéphanie Besnoit, habitante d’Aubervilliers qui fait partie du collectif anti-crack 93.
En combien d’actes le drame du crack va-t-il se jouer ? Quelques heures, quelques jours, qui durent depuis 3 mois à La Villette après quelques mois qui durent depuis des décennies de Stalingrad à La Chapelle en passant par Gare de St Denis et Porte d’Aubervilliers… ⬇️ pic.twitter.com/boYEKiSczE
— SOS Quatre-Chemins (@SOS4Chemins) January 26, 2022
A l’appel de ce collectif de riverains, et comme à maintes reprises depuis quatre mois, une centaine de riverains ont manifesté lundi soir pour demander qu’une solution pérenne soit trouvée pour mettre à l’abri ces toxicomanes que plusieurs d’entre eux comparent à des “zombies”.
“J’aimerais qu’on prenne soin d’eux, qu’on les dispatche un peu partout et qu’on les soigne”, insiste Abdel Azzoug, employé de 52 ans qui décrit un quotidien “catastrophique” depuis l’arrivée des toxicomanes et le sentiment grandissant d’insécurité.
“Laisser des personnes dans le froid, la boue, la pluie c’est pas la bonne solution pour les soigner. Ça s’enlise complètement et chacun se renvoie la balle…Et qui trinquent ? Les habitants de la Seine-Saint-Denis”, fustige Karine Franclet, la maire UDI d’Aubervilliers.
Cela fait 4 mois que nous demandons à l’Etat la prise en charge médicale, sanitaire et sociale des personnes souffrant de toxicomanie, installées place Auguste Baron.
— Karine Franclet (@francletkarine) January 25, 2022
4 mois que nous demandons des actions concrètes.
4 mois que la République se déshonore.
4 mois de mépris. pic.twitter.com/TrAE87xiHM
“Il ne faut pas croire que les gens du square Forceval sont à la rue, c’est très marginal, les associations considèrent qu’une trentaine de personnes sur place n’a pas d’hébergement”, nuance de son côté François Dagnaud, maire PS du 19e arrondissement de Paris.
“450 personnes” ont été mises à l’abri dans le cadre du plan anti-crack lancé en 2019 entre la ville de Paris et divers services de l’État, précise-t-il.
Dans un courrier adressé lundi à Anne Hidalgo et que l’AFP a consulté, le préfet de police de Paris a reconnu que la situation ne pouvait avoir “vocation à se pérenniser”.
Faute “d’information sur ces solutions alternatives” prônées par la mairie de Paris, Didier Lallement a annoncé “chercher un terrain qui ne relève pas de l’espace public”, “éloigné de tout quartier résidentiel”, pour accueillir les toxicomanes et demande à la ville de s’occuper de l’accompagnement médico-social.
par Wafaa ESSALHI / Pierrick YVON / Fanny LATTACH
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