Société | Ile-de-France | 26/01/2022
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Paris – Val-de-Marne: le projet de camp d’usagers du crack à Bercy-Charenton fait bondir les élus

Paris – Val-de-Marne: le projet de camp d’usagers du crack à Bercy-Charenton fait bondir les élus

C’est par un communiqué envoyé ce mardi soir que les maires de Paris 12 et Charenton-le-Pont ont appris officiellement la décision de la préfecture de police de Paris de déménager les usagers du crack, évacués une première fois vers la porte de la Villette en septembre 2021, sur une emprise SNCF de la zac Bercy Charenton. C’est peu dire que les maires concernés ont mal pris la surprise. Explications et rappel du contexte.

Pour rappel, l’Etat avait fait déplacer une première fois fin septembre les consommateurs de crack de la rue Riquet vers un square de la place Auguste Baron (Paris 19) en lisière de la Porte de la Villette, d’Aubervilliers et de Pantin. En parallèle, un mur de parpaing avait été construit à la hâte côté Pantin, pour éviter un déplacement des usagers vers la Seine-Saint-Denis. Un “mur de la honte” pour les riverains. Pantin et Aubervilliers avaient attaqué en justice.

Lire notre reportage : A Pantin, le mur de la honte et un sentiment d’abandon

Depuis, la situation s’est enlisée et dans un courrier adressé ce lundi 24 janvier à la maire de Paris, Anne Hidalgo, le préfet de police, Didier Lallement, annonçait “chercher un terrain qui ne relève pas de l’espace public”, “éloigné de tout quartier résidentiel”, pour accueillir les toxicomanes, demandant à la ville de s’occuper de l’accompagnement médico-social.

Une recherche qui devait être déjà très aboutie puisque la décision d’installer les usagers du crack dans la zac Bercy Charenton a été rendue publique ce mardi. D’abord en off, “c’est le premier adjoint à la maire de Paris qui ma prévenu dans l’après-midi”, confie le maire LR de Charenton-le-Pont, Hervé Gicquel. Avant un communiqué officiel de la préfecture de police ce mardi soir.

Un déménagement demandé par le ministère de l’Intérieur

“Près de cinq mois après cette installation (ndlr : le déménagement porte de la Villette), il est nécessaire d’envisager le déplacement des usagers de crack vers un autre lieu à Paris qui, cette fois, ne soit pas sur la voie publique ou un square”, motive la préfecture de police, indiquant avoir recherché un nouveau terrain sur demande du ministère de l’Intérieur.

Le choix de Bercy-Charenton

Le lieu retenu : une parcelle appartenant à la SNCF, dans la zac Bercy Charenton qui doit donner lieu à un nouveau quartier de ville offrant une meilleure transition et liaison avec sa voisine du Val-de-Marne Charenton-le-Pont, laquelle a sa propre zac, Charenton-Bercy immédiatement de l’autre côté.

Bercy Charenton et Charenton Bercy : deux projets qui se répondent
De part et d’autre du périphérique, deux nouveaux quartiers sont en gestation pour créer de la ville et amoindrir les coupures urbaines. Au programme notamment : le prolongement de la rue parisienne Baron Leroy vers Charenton alors que la frontière entre les deux villes est aujourd’hui très contrainte par le faisceau ferroviaire en plus de l’échangeur périphérique-autoroute.
Voir notre dernier article détaillé sur le projet Charenton Bercy, à Charenton-le-Pont.
Côté Paris, le projet Bercy Charenton fait l’objet d’une nouvelle réflexion. Sujet clivant entre les écologistes et les socialistes en raison notamment des tours qui y étaient prévues, il faisait partie des négociations en vue du deuxième tour. Depuis l’élection de la nouvelle maire de Paris 12, l’écologiste Emmanuelle Pierre-Marie, le projet a donc été remis à plat avec une nouvelle concertation citoyenne.

Un campement clôturé sur une emprise non publique

“Après prospective, la préfecture de Police a sollicité les services du Groupe SNCF afin de disposer d’une parcelle satisfaisant le mieux possible ces critères, située à l’intersection de deux faisceaux ferroviaires et du boulevard Poniatowski dans le 12ème arrondissement de Paris”, détaille la préfecture de police.

“La SNCF a donné son accord à l’Etat, qui l’en remercie, pour le prêt et la mise à disposition de ce terrain, vers lequel les usagers de crack pourront être orientés après la réalisation de travaux de pose d’une clôture sécurisée.”

Chacun son tour

“Déplacer les usagers de drogue ne permet pas de résoudre définitivement la problématique du crack, mais c’est un devoir vis-à-vis des riverains du 19e et du 18e qui ont trop longtemps été éprouvés par la présence des usagers de drogue. Parallèlement, l’État a continué de renforcer ses efforts en matière d’accompagnement sanitaire et médico-social, qui constitue le levier principal pour résorber durablement le phénomène du crack”, justifie la préfecture de police.

Lire aussi : Comprendre le fléau du crack en Ile-de-France

Pas de concertation

Les heureux élus à qui l’on a renvoyé le mistigri apprécient la décision différemment, d’autant que la surprise est totale. “Même la préfecture du Val-de-Marne ne semblait pas au courant ce mardi après-midi! Il n’y a eu aucune information ni concertation sur cette décision en amont”, dénonce Hervé Gicquel, le maire de Charenton, joint au téléphone. “Aux yeux de la préfecture de police, les maires sont des personnalités négligeables”, en déduit l’élu. A Paris, la maire du douzième, Emmanuelle Pierre-Marie fustige dans un communiqué une “décision unilatérale et brutale qui acte la création d’un campement clôturé.”

Eloigné des quartiers résidentiels ?

Alors que la préfecture de police défend le choix de ce lieu car les critères étaient “de retenir un site qui soit, d’une part, le plus possible éloigné des quartiers résidentiels, commerçants ou des nœuds de transport, et, d’autre part, accessible aux services sanitaires et sociaux, de façon à ce que l’accompagnement social et médical déjà mis en place puisse y être déployé”, le maire de Charenton estime le contraire. “Le site retenu est situé au pied du boulevard Poniatowski où démarre notre quartier Charenton-Bercy avec Bercy 2 mais aussi un quartier résidentiel. Il y a des milliers d’habitants et des dizaines de milliers de salariés”, reprend Hervé Gicquel pour qui cette décision est un très mauvais signal alors que le projet Charenton-Bercy est dans les starting-blocks. “J’ai une réunion de crise avec Grand Paris Aménagement ce matin”, indique encore l’élu qui se déclare prêt à actionner tous les leviers pour empêcher cette issue, du juridique à la mobilisation de la population en passant par l’appui des parlementaires. “J’ai déjà reçu des questions et alertes des habitants. Depuis hier soir, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux.”

Intramuros, Emmanuelle Pierre-Marie n’entend pas non plus laisser passer et demande à la préfecture de police “de renoncer” à ce projet. “La nécessité d’ouvrir de nouvelles structures de consommation et de soin est incontestable. Mais le transfert forcé de populations fragilisées, précarisées, dans un environnement inconnu derrière une “clôture sécurisée” est inhumain et ne saurait répondre à la “crise du crack” à l’échelle parisienne”, insiste la maire du du douzième pour qui “la gestion du campement dans le jardin Éole puis dans le jardin de la Porte de la Villette n’a pas vocation à rassurer.” Et de s’inquiéter aussi des “désaccords exprimés au sein du gouvernement sur la prise en charge et le statut des consommateurs de crack”, qui “n’est pas également faite pour nous rassurer sur la dimension plurielle, humaniste et pragmatique du dispositif qui sera déployé.”

Alors que le projet Bercy Charenton se situe sur un temps long, la mairie d’arrondissement indique toutefois ne pas s’opposer à un “urbanisme transitoire” mais selon sa propre stratégie. “Nous avons déjà commencé à travailler sur d’autres utilisations avec des opérateurs comme le Plateau urbain et Yes we camp”, explique-t-on en mairie. Comme Charenton, Paris rappelle aussi que ce secteur n’est pas vide d’habitants, mais compte au contraire des riverains fragiles avec même à proximité un centre d’hébergement d’urgence entre le site et le périphérique.

“Par ailleurs, cette volonté de choisir un lieu privé et non public pose problème car le contrôle de la situation va totalement échapper à la puissance publique, notamment en termes de santé publique”, ajoute-t-on au cabinet de la maire du 12ème.

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