Education | Val-de-Marne | 06/07/2022
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Pénurie d’enseignants et fermetures de classes en Val-de-Marne: les parents mobilisés jusqu’au dernier jour d’école

Pénurie d’enseignants et fermetures de classes en Val-de-Marne: les parents mobilisés jusqu’au dernier jour d’école © Raphaël Bernard

Manifestations, pétitions, occupations d’école… Alors que les vacances démarrent ce jeudi 7 juillet au soir, parents d’élèves et enseignants multiplient les actions jusqu’au dernier jour pour faire annuler des fermetures de classe, s’assurer du nombre de professeurs présents à la rentrée et encore exiger des accompagnants d’élèves handicapés. Jeudi 30 juin, la direction académique a annulé plusieurs fermetures à l’occasion du dernier comité technique départemental.

Mégaphones et sirènes à la main, parents, professeurs, accompagnants d’élèves handicapés (AESH) et élus locaux étaient au rendez-vous pour la dernière manif départementale, mercredi 29 juin dernier, devant la direction académique du Val-de-Marne. “Pendant le Covid, les élèves ont perdu plus d’heures de cours à cause des professeurs malades non remplacés qu’à cause des fermetures de classes dans le cadre du protocole sanitaire”, chiffre Luc Bénizeau, secrétaire départemental du Snudi-FO, un des syndicats à l’origine de la mobilisation. Directeur de l’école primaire Vilar à Villejuif, il prend pour exemple un de ses professeurs, victime d’un Covid long pendant 5 semaines et remplacé seulement 2 jours. “De janvier à avril 2021, 600 classes par jour n’ont pas pu avoir cours”, estime le leader syndical.

Cherche professeurs désespéremment

En cette fin d’année scolaire, profs et parents s’inquiètent surtout pour la rentrée. Alors que le Covid continue de courir discrètement mais sûrement, la situation risque de ne pas revenir à la normale dès septembre. Par ailleurs, tous les postes de profs ne sont pas encore pourvus. Alors que l’académie doit disposer de 65 000 enseignants pour mettre en face de son million d’élèves, un concours est organisé chaque année pour former la relève de ceux qui partent. Mais cette année, le concours qui proposait 1079 places pour le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne, n’a permis de recruter que 419 candidats. Un concours externe supplémentaire a également été organisé mais le rectorat a d’ores et déjà annoncé un maximum de 300 admis pour 500 postes offerts. Le nombre de nouveaux professeurs ne dépassera donc vraisemblablement pas les 700 l’année prochaine, soit un déficit d’un peu plus de 300 professeurs.

Pour y remédier, l’académie s’est désormais lancée dans le recrutement de contractuels, sans passage par un concours et une formation préalable. Les syndicats réclamaient de lors côté la tenue d’un concours exceptionnel ouverts aux étudiants diplômés d’une licence, avec la mise en place d’une formation leur permettant à terme d’atteindre un diplôme de niveau Master.

Lire aussi : Ile-de-France : pénurie de profs en perspective à la rentrée des classes

Quadrature du cercle

Pour les syndicats, la pénurie de professeurs s’expliques avant tout par les bas salaires. “Un enseignant en début de carrière touche 1,1 fois le SMIC [1451€ pour un enseignant stagiaire contre un SMIC net mensuel de 1302€, ndlr]”, rappelle Luc Bénizeau. À cela s’ajoute un recrutement sur des critères toujours plus exigeants, avec toujours moins de formation à l’enseignement : “Avant 2011, le recrutement se faisait au niveau licence, avec une année de formation derrière. Maintenant, il faut être titulaire d’un master pour pouvoir être nommé enseignant stagiaire et débuter sa carrière [changement instauré avec la réforme Blanquer de cette année, ndlr]. Mécaniquement, cela réduit les effectifs disponibles” explique Thierry Guintrand, délégué FSU-Snuipp et ex-candidat aux législatives. C’est dans ce contexte que les syndicats réclamaient que le concours exceptionnel soit ouvert aux titulaires d’une licence.

Fermetures de classe

L’autre facteur de mobilisation est l’évolution de la carte scolaire qui fait chaque année des gagnants et des perdants. A l’échelle d’un département, ajuster le nombre de classes est une gageure car la décision se prend à parfois 1 ou 2 élèves près, et il est très difficile de prévoir un effectif de rentrée à ce niveau de détail. Les arbitrages font donc régulièrement l’objet de contrepropositions et souvent de fortes mobilisations lorsqu’ils aboutissent à des fermetures de classe. Cette année, le recteur de l’académie de Créteil, Daniel Auverlot, a annoncé 13 200 élèves de moins dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires), dont 5 300 en Val-de-Marne. Une baisse départementale anticipée de 3,56% qui ne s’est pas traduite par une baisse équivalente des enseignants, a rassuré le recteur, qui a au contraire insisté sur une augmentation prévisionnelle du ration professeur par élèves qui passerai de 5,69 à 5,82 dans le département.

Lire : Moins d’élèves mais plus de profs promet l’académie de Créteil

En attendant de vérifier ce ratio à la rentrée, la projection de la carte scolaire 2022 s’est traduite par plus de 160 fermetures de classes contre seulement une centaine d’ouvertures, suscitant la colère de nombre d’établissements qui souffriront d’une fermeture. Les parents s’y inquiètent de sureffectifs dans les classes.

Lire : Carte scolaire 2022: les ouvertures et fermetures de classe prévues en Val-de-Marne

Depuis plusieurs mois, les occupations d’écoles, nuits des écoles, pétitions, banderoles et manifestations se sont donc multipliées pour dénoncer ces fermetures de classes. Encore cette semaine, les parents de la maternelle Vaillant de Fontenay-sous-Bois organisent des séances de signature d’une pétition, également en ligne, jusqu’à ce jeudi soir, dernier jour d’école, pour réclamer la réouverture d’une classe. “Il risque d’y avoir 32 élèves par classe à la rentrée”, alerte une maman. Alors d’autres fermetures concernent d’autres écoles de la villes, les parents se sont alliés pour protester. “Ces fermetures, qui paraissent justifiées dans les discours, ne correspondent pas aux situations locales, notamment celles des écoles de Fontenay-sous-Bois où la diversité, la précarité subie par de nombreuses familles et le nombre d’élèves en difficulté nécessitent un encadrement plus soutenu afin de donner la même garantie à toutes et tous de réussir son parcours scolaire, sans discrimination sociale”, motive le collectif des parents fontenaysiens qui tenait une réunion ce mardi soir pour préparer ses actions de rentrée.

Ce mercredi 29 juin, Christel, Nathalie et Adeline sont venues manifester à Créteil au nom de l’Association des Représentants de Parents d’Élèves (ARPE) de l’école primaire du Bois Clary de Boissy-Saint-Léger. Avec une moyenne de 29,75 élèves par classe, les parents espèrent bien obtenir l’ouverture d’une nouvelle classe. “Normalement, ils ouvrent une classe à partir d’une moyenne de 27,5 élèves, mais on ne sait jamais”, doute Nathalie, présidente de l’association. “Tout dépend de la manière dont ils calculent la moyenne. En CP et CE1, les classes sont limitées à 24 élèves, donc si ils les incluent dans le calcul, la moyenne ne sera pas assez forte pour ouvrir une classe. Par ailleurs, tous les enfants qui ne seront pas encore rentrés de vacances à la rentrée risquent de ne pas être comptabilisés. Les inscriptions ne suffisent pas, il faut des attestations signifiant que les enfants sont bien scolarisés ici”, regrette Nathalie, qui dénonce une mauvaise foi de la part de l’Éducation Nationale. Depuis cette date, les parents ont eu gain de cause (voir ci-dessous).

Plusieurs annulations de fermetures de classes

De son côté, la direction académique a annulé plusieurs fermetures de classe à quelques jours de la fin d’année, annoncées lors du dernier comité technique spécial départemental (CTSD), instance de concertation entre représentants du personnel et éducation nationale. Ont ainsi été annulées les fermetures de classes à la maternelle Pasteur de Charenton-le-Pont, la maternelle Galliéni et l’école primaire Victor Hugo de Nogent-sur-Marne et la maternelle Vernaudon de Vincennes. A Gentilly, une fermeture a été annulée et même une classe ouverte à l’école Marie et Pierre Curie. Des ouvertures ont aussi été annoncées au Bois Clary à Boissy-Saint-Léger, aux Jardins parisiens à L’Haÿ-les-Roses, à l’école élémentaire Jean Moulin de Villeneuve-le-Roi, à l’école maternelle Anne Sylvestre de Villeneuve-Saint-Georges et encore à la maternelle Charles Péguy de Villiers-sur-Marne.

Chauffeur Uber en plus d’AESH pour boucler les fins de mois

Le malaise s’exprime aussi du côté des Accompagnantes des Élèves en Situation de Handicap (AESH). Au total, dans le département, ce-sont 2076 AESH qui se partagent 5500 élèves. Laurane Esseul, déléguée CGT et AESH à Vitry-sur-Seine, estime que 1300 enfants, soit 27% du total des enfants signalés par la Maison Départementale du Handicap (MDPH), ne bénéficient d’aucun accompagnement, faute d’accompagnantes disponibles.

Une pénurie qu’elles expliquent par un statut au rabais. Dans le Val-de-Marne, cette profession quasi-exclusivement féminine est assujettie à des contrats de 21h, ce qui pousse souvent les AESH à exercer d’autres petits boulots. Clarisse Poussin, du FSU-Snuipp, prend son exemple personnel : “Moi je fais AESH 6h par jour, puis je travaille à la cantine 2h, et je finis avec 1h30 d’aide aux devoirs. Avec tout ça, j’arrive à peine à 900€ par mois. J’ai des collègues qui font des ménages, d’autres qui font chauffeurs Uber au black. Mais c’est pas grave, puisqu’on aime notre métier !”, ironise-t-elle. Le 12 mai dernier, les AESH ont obtenu un rattrapage de leur grille indiciaire pour la période 2020-2021, équivalant à 300€ par AESH. Mais le complément de salaire n’avait pas été versé fin juin, comme prévu lors des négociations, affirme Clarisse Poussin.

Un manque d’AESH qui altère l’accueil des élèves handicapés

Christel, maman d’un jeune de 9 ans atteint d’un Trouble du Déficit de l’Attention et de l’Hyperactivité (TDAH), exprime son désarroi : “Mon fils a vraiment besoin d’une aide pour se concentrer. Il est aidé par une AESH, qui s’occupe de 2 élèves dans la classe. Elle est là toute la semaine, mais pas toute la journée. Dans cette situation, c’est déjà dur. Je dois appeler les mamans tous les soirs pour récupérer les devoirs qu’il n’a pas noté.” Pour Christel, obtenir une AESH relève du parcours du combattant : “À chaque rentrée, j’ai peur qu’il n’ait personne pour l’aider. L’année dernière, il n’a pu avoir aucun accompagnement. Avec une autre maman, on a envoyé des courriers au rectorat, à l’inspection, à la DSDEN, on a même fait une pétition.” Avec succès car pour la première fois, le fils de Christel a pu être suivi tout au long de l’année. “Mais ça n’est pas normal d’avoir à en arriver là ! Ça signifie aussi que beaucoup d’autres parents qui ne connaissent pas leurs droits n’ont probablement rien…”

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