Présidentielle 2022 : paroles d’électeurs #14 au centre commercial de Boissy-Saint-Léger

C’est l’heure de la sortie des classes à Boissy-Saint-Léger. Des enfants dévalent la passerelle qui surplombe la voie ferrée et mène au centre commercial. La politique, “ça ne m’intéresse pas” glisse une mère de famille. A Boissy, Jean-Luc Mélenchon a récolté 37,8% des suffrages, loin devant Emmanuel Macron (23,9%) et Marine Le Pen (15,6%).

“J’avais un réel espoir de changement”

“Forcément, je suis déçue” raconte Nadia, 29 ans, responsable des ressources humaines dans une association. Elle a voté Mélenchon au premier tour, comme en 2017. “J’avais un réel espoir de changement, notamment sur le fait de partir plus tôt à la retraite.” Pour le second tour ? Nadia soupire avant un “Je voterai Macron, ça me rappelle le souvenir d’il y a cinq ans. Il a quelques bons éléments dans son programme.” Néanmoins, ce ne sera pas un vote de conviction : “Les deux candidats, à leur manière, vont diviser la France. Mais si je vote blanc, je pense que ça fera monter Le Pen.”

Même désillusion pour Franck, 25 ans, en recherche d’emploi. Il avait voté Macron en 2017, “car il incarnait un changement. Mais il a peu tenu ses promesses” juge-t-il. À ses yeux, “Macron a créé une division à gauche en 2017, puis il fait la même chose à droite aujourd’hui. Ce n’est pas la peine de parler de Marine Le Pen. Donc il n’y a pas de solutions” déplore-t-il. M’Hamed, retraité, s’approche à pas lents en s’appuyant sur sa canne. Il touche 1000 euros par mois pour sa retraite. Il ne souhaite pas dire pour qui il a voté au premier tour, mais pour le second, il est certain de son choix : “Macron !” répète-t-il plusieurs fois en levant le pouce.

Des électeurs lassés par la politique d’Emmanuel Macron

Yanis, 18 ans, n’a pas voté au premier tour. “Si j’avais voté, peut-être que j’aurais choisi Macron. Mélenchon est intéressant aussi, il a de bonnes idées. Mais je ne m’intéresse pas assez à la politique.” Il ne votera pas non plus au second tour. Le jeune homme se veut optimiste : “Peut-être que j’irai voter dans cinq ans, quand je me sentirai plus concerné !” Dans une ville où le taux d’abstention s’élève à 29%, Yanis n’est pas le seul électeur qui prévoit de bouder les urnes dimanche prochain. “J’hésite entre voter nul ou m’abstenir. Vous voyez ce qu’on a comme cas de conscience !” sourit Jocelyne, retraitée qui a opté pour Mélenchon au premier tour. Elle reprend d’un ton plus las : “J’ai déjà fait barrage [à Marine Le Pen] en 2017, j’ai déjà donné. Macron ne me correspond absolument pas, donc pour moi, c’est tout vu.”

L’après-midi passe et les clients du centre commercial affluent. Ils sont plusieurs à se plaindre de la porte de sortie qui bloque systématiquement les roues des caddies. “Avec tout l’argent qu’ils ont, ils pourraient faire quelque chose !” lance à la volée Rachid, qui se fait appeler “Richard”. Ce retraité de “69 ans et des broutilles” qui travaillait dans la fabrication de l’inox, s’est abstenu au premier tour. Sans la nommer, il critique Marine Le Pen qui, selon lui, “juge qui est français ou non en regardant le prénom. Mais ça ne veut rien dire” poursuit Rachid, qui a des origines kabyles et possède la double nationalité française et algérienne. Il fustige aussi la politique sociale d’Emmanuel Macron, “un capitaliste. Il devrait penser un peu aux petites gens, comme les professeurs, qui sont mal payés.”

“Nous, on sait déjà. C’est aux jeunes d’aller voter maintenant !”

Franck s’est abstenu dimanche dernier et fera de même le 24 avril : “Macron n’a pas de nouveau programme, c’est la continuité de ce qu’on a vu. Par exemple, il veut supprimer la redevance télévisuelle, je trouve que c’est un très mauvaise idée.” Il se préoccupe surtout de l’inflation des prix, et estime que le gouvernement actuel “n’a pas su en gérer les conséquences.”

Rachid montre son caddie : des bouteilles d’eau, des plats en conserve, des pommes de terre, quelques légumes. “Je gagne 900 euros de retraite par mois, et j’ai un loyer de 700 euros. J’ai une femme et deux enfants. Je vis difficilement.” Il explique qu’il s’abstiendra aussi au second tour, par principe. “Nous, les retraités, on sait déjà, on a déjà vécu. C’est aux jeunes, comme mon fils Alexandre, qui a 22 ans, d’aller voter maintenant ! Pour eux, c’est très important.”