Avec 49,09%, Jean-Luc Mélenchon (LFI), qui a échoué à se qualifier au second tour de l’élection présidentielle, a fait le plein de voix dimanche en Seine-Saint-Denis. Il y devance de loin Emmanuel Macron (20,27%) et surtout tous les autres partis de gauche.
C’est un véritable tour de de force qu’a réalisé Jean-Luc Mélenchon en Seine-Saint-Denis où il a su mobiliser 266 630 électeurs sur 554 057 votants au premier tour de l’élection présidentielle. Le candidat de La France insoumise (LFI) y a même surclassé son score de 2017 de près de 15 points: il avait alors atteint 34,02% contre 49,09% dimanche dernier.
“Si la Seine-Saint-Denis était la France, nous aurions quasiment gagné au 1er tour!“, s’est exclamée lundi 11 avril sur les réseaux sociaux Sabine Rubin. La députée LFI de la 9ème circonscription de Seine-Saint-Denis se félicite “de l’élan populaire et d’une grande réconciliation avec le vote. On a fait ce que les autres n’ont pas réussi. Les jeunes et les moins jeunes des quartiers populaires sont revenus aux urnes. On a mis le peuple de gauche debout, ils peuvent nous remercier“, lance-t-elle en faisant référence aux autres partis de gauche.
En tête dans 36 communes sur 40
Dans le détail des votes comptabilisés dimanche, Jean-Luc Mélenchon ne laisse avec son Union populaire (qui est la bannière sous laquelle LFI a mené la campagne présidentielle) que quatre communes lui échapper au profit d’Emmanuel Macron sur les 40 que compte le département.
A Coubron, il arrive 3ème avec 22,44% de voix derrière le président sortant (24,95%) et Marine Le Pen (24,74%). A Gournay, il se positionne en très net retrait par rapport à Emmanuel Macron (20,22% contre 32,23%), comme au Raincy (21,36% contre 33,08%), tandis qu’à Neuilly-Plaisance les résultats ont été plus serrés (28,08% contre 30,91%).
Comme une lame de fond, Jean-Luc Mélenchon s’est placé en tête dans de nombreuses villes aujourd’hui administrées par un maire de droite ou de centre-droit comme à Dugny (avec 58,53%) ou Drancy (45,79%) où il se situe devant devant Marine Le Pen et où Valérie Pécresse n’arrive que 5ème. Même cas de figure à Bondy (53,55%), Le Blanc-Mesnil (52,88%), Les Pavillons-sous-Bois (35,48%), Livry-Gargan (35,32%) Monfermeil (41,12%) ou encore Rosny-sous-Bois (39,48%).
Le PS au plus bas
A gauche de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon laisse loin derrière ses rivaux: Yannick Jadot (EELV) avec 3,56%, Fabien Roussel (PCF) qui obtient 2,14% et Anne Hidalgo (PS) qui se contente de 1,08%, soit 5 890 voix, derrière Nicolas Dupont-Aignan 1,16%. Un résultat à comparer avec celui de Benoit Hamon en 2017 qui avait alors réuni 45 506 voix (8,41%). L’Union populaire dépasse même la barre des 60% à Saint-Denis, ville administrée par le socialiste Mathieu Hanotin depuis 2020.
“Vote utile à gauche”
“Contrairement à 2017, les électeurs de gauche ont tous revoté à gauche“, analyse Stéphane Troussel, président socialiste du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui a été porte-parole d’Anne Hidalgo pendant la campagne présidentielle. “A l’évidence, c’est le crash des partis de gauche et en particulier du parti socialiste. Les électeurs ont fait le choix du vote utile. Ça veut dire qu’ils ont finalement très bien compris la logique de la 5ème République.”
Au-delà du résultat du PS en particulier, Stéphane Troussel pointe aussi les conséquences de la désunion des partis de gauche: “Quand la gauche oublie que sa famille c’est toute la gauche, elle perd.” Une manière de renvoyer dos à dos les responsabilités de chacun, les électeurs de gauche étant maintenant appelés à départager Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
“Stop au vagabondage politique”
Reste que la déception est grande. “Je suis en colère, mais dans une colère positive“, tempère Sabine Rubin qui voit malgré tout dans l’échec de l’Union populaire à atteindre le 2ème tour, une nouvelle étape d’un processus de long terme.
Bally Bagayoko, porte-parole du programme sport de Jean-Luc Mélenchon, est lui moins tendre avec ceux qui n’ont pas fait le choix de l’union derrière son candidat. “Mais je ne suis pas un adepte des larmes de crocodiles, indique l’ancien élu de Saint-Denis où il est chef de file de LFI depuis les élections municipales de 2020. Désormais concentré sur les élections législatives, il tire ses conclusions: “La clarification s’est faite dans les urnes. Maintenant je dis stop au vagabondage politique.” C’est ce qu’il a répondu sur Twitter au député Stéphane Peu, député communiste de la 2ème circonscription de la Seine-Saint-Denis. Ce dernier avait déclaré dimanche sur le même réseau social: “Ma colère est aussi grande que l’espérance que j’ai croisée toute la journée, en particulier chez les jeunes, de mettre Macron et l’ex-droite au rancart. Comment justifier une division qui ruine cet espoir?“
Stéphane Peu avait milité au sein du PCF pour une candidature unique de Jean-Luc Mélenchon. Certains élus LFI lui est reproché de ne pas avoir mené campagne pour lui. Ce qu’a fait, en revanche, Gilles Poux, maire communiste de La Courneuve, qui estime que son parti devrait “arrêter de penser à lui et de faire des choix de boutique” s’il veut s’inscrire dans le nouvel élan impulsé par l’Union populaire. “Quand je distribuais les tracts, je sentais bien l’engouement pour Jean-Luc Mélenchon, assure-t-il. C’est une déception parce que ça ne s’est pas joué à grand-chose. C’est un vrai espoir qui s’est exprimé.”
Difficile équation d’un rassemblement à gauche
Candidat à sa succession pour les prochaines élections législatives, Stéphane Peu appelle désormais à ce que “la gauche se rassemble” pour “imposer une cohabitation” au futur président de la République.
Un rassemblement qui pourra se faire mais “sur la base de l’Union populaire” et sous certaines conditions observe Bally Bagayoko, à commencer par la présentation de candidats représentatifs du territoire.
Pour Gilles Poux, les cohérences programmatiques entre le PCF et LFI sont évidentes, de même qu’avec une partie des écologistes “qui veulent rompre avec le système libéral.” En revanche, le PS tel qu’il est aujourd’hui “n’est pas dans ce choix de rupture“, considère-t-il.
La fin du PS, et après ?
Face à la déception des électeurs de gauche, Stéphane Troussel envisage, quant à lui, la création d’une nouvelle formation. “Il y a toute une génération d’élus qui veulent changer tout. Je ne suis pas fétichiste de l’organisation. Le PS est un outil. Il faut le changer. Ce n’est pas la première fois dans notre histoire. C’est arrivé il y a 50 ans, quand le parti socialiste a été créé.”
Pour l’heure, l’enjeu immédiat n’est pas là. Pour le président du département, “l’urgence c’est de tout faire pour battre l’extrême droite et la seule solution ce sera d’utiliser le bulletin Macron et de composer avec son programme libéral.”
“Rien ne garantit que Marine Le Pen ne puisse se qualifier“, avertit également Bally Bagayoko.
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