Le tribunal d’Evry a reconnu coupable mercredi la SNCF d’homicides et blessures involontaires, neuf ans après le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui avait tué sept personnes et fait plus de 400 victimes psychologiques et/ou blessés physiques.
Il a en revanche relaxé les deux autres prévenus : un ancien cadre cheminot, qui avait effectué la dernière tournée de surveillance avant le drame, et le gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France).
Seule personne physique jugée, Laurent Waton, “directeur de proximité” âgé de 24 ans au moment des faits, était poursuivi pour avoir décidé de réaliser seul la dernière tournée de surveillance de l’appareil de voie en cause, ce qui aurait pu le rendre moins vigilant. Sa relaxe, après de “très longs débats, sincères, sérieux, techniques” est “un grand soulagement”, a réagi son avocat Philippe Valent. Le conseil de SNCF Réseau, Antonin Lévy, n’a pas souhaité réagir.
Déception après la relaxe de SNCF Réseau
“Nous sommes moyennement satisfaits”, a réagi auprès de l’AFP Thierry Gomes, président de l’association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB). “Nous sommes déçus de la relaxe de la SNCF Réseau qui a une part de responsabilité aussi”, a ajouté M. Gomes, qui a perdu ses parents dans l’accident.
La Société nationale des chemins de fer français (SNCF) avait contesté tout au long du procès les quinze fautes reprochées. Le tribunal en a retenu deux, et l’a condamnée à une amende de 300 000 euros, plus lourde que les 225 000 encourus, le tribunal soulignant l’état de récidive légale en matière d’homicides involontaires (l’entreprise publique ayant déjà été condamnée 13 fois).
La présidente a pointé une “conjonction de négligences fatale”, “une carence de surveillance” de l’appareil de voie mis en cause, “doublée d’une défaillance de contrôle” qui ont abouti à l’accident, dans un contexte de “banalisation de l’urgence”.
Les huit semaines de procès ont tourné autour de débats très techniques pour déterminer si la cause du déraillement du train était prévisible, auquel cas la SNCF, héritière pénale de SNCF Infra, aurait failli à sa mission de maintenance, ou si elle ne pouvait pas l’anticiper comme le soutient l’entreprise, qui imputait l’accident à un défaut indécelable de l’acier.
Pour le conseil de la SNCF, Emmanuel Marsigny, “aucune vérité scientifique ne se dégage du jugement”. L’avocat a indiqué que la SNCF allait étudier la décision avant de se prononcer sur un éventuel appel, en soulignant “combien l’entreprise compatit à la souffrance des victimes”.
“une conjonction de négligences fatale”
Le 12 juillet 2013, le pivotement d’une éclisse, sorte de grosse agraphe joignant deux rails, avait provoqué le déraillement de l’Intercités Paris-Limoges, à Brétigny, au sud de Paris.
Ce pivotement est, selon le tribunal, la conséquence de l’évolution d’une fissure, détectée dès 2008, dans l’un des coeurs de l’appareil de voie mis en cause, mais mal suivie pendant cinq ans.
Cette avarie aurait dû être surveillée annuellement par la SNCF. “Cette négligence du suivi du coeur est en lien certain avec le déraillement”, a déclaré la présidente.
Si la SNCF avait correctement réalisé ces visites de contrôle, elle aurait “constaté l’état avarié” du coeur “et procédé à son changement”, poursuit la présidente, énonçant “une conjonction de négligences fatale”.
La magistrate a reconnu que le déraillement avait “indéniablement atteint la SNCF et ses agents, dans le cœur de la grandeur et de la mission de service public qui est la leur : assurer les transports ferroviaires en toute sécurité”.
Elle a souligné les divers “moyens humains et financiers” mis en place par la SNCF “pour porter assistance et soutien aux victimes de la catastrophe”.
Déjà 11 millions d’euros d’indemnisation
La SNCF, qui a réalisé un chiffre d’affaires de près de 35 milliards d’euros en 2021, a indiqué avoir déjà versé plus de 11 millions d’euros d’indemnisation. Mercredi, le tribunal lui a aussi demandé d’indemniser les victimes pour préjudice d’angoisse de mort imminente (40 000 euros) et pour préjudice d’attente et d’inquiétude des proches(10 000 euros).
par Clara WRIGHT / Alice LEFEBVRE
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