Condamnés à 7 ans de prison pour avoir violé en réunion une touriste canadienne dans l’ancien siège de la police judiciaire de Paris, deux policiers sont rejugés en appel par la cour d’assises du Val-de-Marne depuis le 5 avril. Ce jeudi, l’avocat général a requis la confirmation de la peine.
“La décision qui a été rendue il y a trois ans” lorsque les deux accusés avaient été condamnés en première instance à Paris à sept ans de prison, “était équilibrée”, a estimé l’avocat général Christophe Auger dans son réquisitoire.
Lors de la soirée du 22 avril 2014, Emily Spanton, touriste canadienne, fait la rencontre de plusieurs policiers de la BRI, la Brigade de recherche et d’intervention, dans un pub irlandais situé en face du célèbre 36, quai des Orfèvres. Les agents proposent ensuite une visite de leurs locaux à la jeune femme, très alcoolisée ce soir-là. Elle en ressort en état de choc, en dénonçant un viol en réunion. “Est-ce que ces rapprochements au pub, initiés par les accusés, signifient qu’elle serait d’accord pour monter au ’36’ pour avoir des rapports sexuels? Parce qu’une femme a une jupe courte ou des shorts, elle voudrait forcément avoir des rapports sexuels?”, s’est indigné l’avocat général, fustigeant des idées “d’une autre époque”.
Les policiers nient les faits
Lors de l’instruction, la plaignante avait identifié les deux accusés, Antoine Quirin et Nicolas Redouane, comme faisant partie des “trois ou quatre hommes” qui l’ont violée. Ces deux hommes ont fait appel de leur condamnation en 2019 et clament toujours leur innocence.
L’ADN d’Antoine Quirin a pourtant été retrouvé à l’intérieur du vagin de la plaignante. Mais il l’a expliqué par une pénétration digitale consentie dans la voiture qu’il avait utilisée pour l’amener au “36” depuis le pub où ils s’étaient rencontrés. “Hautement improbable”, a rétorqué l’avocat général Christophe Auger, l’ADN ayant été retrouvé au fond du vagin.
Nicolas Redouane a lui raconté avoir eu une fellation, consentie, de la part de la plaignante. Elément à charge contre lui : le texto “C’est une touseuse (partouzeuse, NDLR). Dépêche”, envoyé à un autre policier, un temps placé sous le statut de témoin assisté dans ce dossier.
“Lorsqu’ils étaient au pub, ils ne voulaient pas violer Emily Spanton”, a défendu Christophe Auger dans son réquisitoire.
Un fort traumatisme psychologique pour la victime
“Ils pensaient pouvoir avoir une relation sexuelle consentie avec elle. Mais elle ne veut pas. Alors on lui sert un verre de whisky pour forcer son consentement”. L’avocat général s’est notamment appuyé sur “l’éclairage” apporté par le premier psychiatre à avoir vu Emily Spanton, 48 heures après les faits, alors qu’elle était “en état de stress aigu”.
Entendu au cours des débats, qui durent depuis plus de deux semaines, ce psychiatre a indiqué que les “troubles psychotraumatiques” qu’elle présentait alors “correspondaient aux faits qu’elle dénonce”.
“C’est une tournante, difficile de savoir précisément qui fait quoi“
“Il y a des incohérences et des choses imprécises dans son discours, mais aucune tentative de manipulation”, a-t-il expliqué. “C’est une tournante, difficile de savoir précisément qui fait quoi (…) Ils étaient trois ou quatre, elle en a reconnu deux qui sont devant vous”, a rappelé mercredi matin lors de sa plaidoirie Me Mario Stasi, l’un des avocats de la partie civile.
L’autre avocat d’Emily Stanton, Me Sophie Obadia, a défendu sa cliente contre les attaques qu’elle a pu subir de la part de la défense concernant son mode de vie ou ses habitudes sexuelles, elle qui avait fait des préliminaires avec un touriste américain à Paris quelques jours avant les faits. Sa cliente “n’est pas du tout celle qu’on nous a présentée, une Marie-couche-toi-là ou une chaudasse”, a plaidé Me Obadia. “Elle a une sexualité mature et libre”. Son histoire, a-t-elle ajouté, “est l’archétype du parcours de la combattante d’une victime de viol: elle a dû inventer des petits mensonges pour être crue. Mais elle n’est pas folle, ce n’est pas une affabulatrice”.
“Rendre à Emily Spanton sa dignité de femme”
“Je dis comme avocate qu’on n’a pas à aller travailler à ce point la vie intime d’une plaignante”, a-t-elle déclaré, avant de conclure qu’elle espérait “rendre à Emily Spanton sa dignité de femme”.
La parole sera donnée jeudi à la défense. Le verdict sera rendu vendredi, huit ans jour pour jour après les faits.
Léo Mouren
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