A Neuilly-Plaisance, le prolongement de la ligne 1 du métro à Val-de-Fontenay passe mal auprès des entreprises de la zone d’activité La Fontaine du Vaisseau où doit être construit le futur centre de dépannage des trains. Elles ont manifesté leur inquiétude ce jeudi 24 février à l’occasion de la dernière réunion publique organisée organisée dans le cadre de l’enquête publique qui se clôt ce mercredi 2 mars. Une réunion qui se tenait justement à Neuilly-Plaisance.
Une dernière réunion qui n’était pas prévue initialement et avait été organisée à la demande du maire de Neuilly-Plaisance, Christian Demuynck, au motif qu’une centaine de personnes n’avait pas pu accéder au gymnase Léo Lagrange de Fontenay-sous-Bois le 16 février dernier.
“Comment est-ce que vous pouvez considérer que le bilan socio-économique [du projet] est favorable alors que vous allez détruire notre groupe?” lance, dans la salle, François Lhoutellier, président d’ERI, une entreprise spécialisée dans le génie électrique, aux représentants d’Ile-de-France mobilités (IDFM), maitre d’ouvrage du projet.
Une quarantaine d’entreprises impactées
“Pour que les patrons se mobilisent, c’est qu’il y a de quoi s’inquiéter“, glisse une participante membre d’un collectif d’habitants nocéens. C’est en effet quasiment sous l’un des bâtiments d’ERI, dans la zone d’activité de La Fontaine du Vaisseau que devrait commencer à creuser un tunnelier jusqu’à la future station Val-de-Fontenay. C’est là aussi que démarrerait la construction d’un nouveau centre de dépannage des trains de la ligne 1.
Autrement dit, si le projet de prolongement de la ligne 1 est déclaré d’utilité publique, ERI n’aurait plus qu’à plier bagages. Pour François Lhoutellier, l’option retenue par IDFM est donc un “coup de tonnerre”. “Nous sommes en pleine croissance. J’ai même dû geler un plan d’investissement pour l’agrandissement du site“, assure-t-il.
Son entreprise n’est pas la seule concernée et le matin même de la réunion publique, le chef d’entreprise accueillait dans ses locaux les représentants d’autres entreprises de la zone d’activité ainsi que le maire, Christian Demuynck. “Il y a au bas mot 1 000 emplois et plus de 40 entreprises qui vont être impactés. Sans parler des nuisances pour les habitants. On est parti pour 7-8 ans de travaux au rythme de 15 camions par heure“, s’insurge l’élu.
380 millions d’économies
“Je ne remets pas question tout l’intérêt de ce projet et les avantages qu’il apportera en termes de mobilité, mais ce n’est pas ce qui était prévu au départ. On a appris en 2020 que le tracé initial avait de nouveau été modifié, rappelle le maire de Neuilly-Plaisance. On n’est plus du tout d’accord.”
Depuis la signature en 2015 du contrat de développement territorial avec le préfet de région et les maires des autres communes concernées, le tracé du prolongement de la ligne 1 a changé à deux reprises. “Si on ne revient pas au tracé de 2015, on travaille à les possibilités de faire un recours”, insiste l’édile
La raison principale du changement de projet: une économie de 380 millions d’euros, avance IDFM. “Lorsque la RATP a sorti un chiffrage à 1,8 milliard d’euros, on savait que le taux de rentabilité du projet serait faible voire négatif et donc que ça tuait le projet”, argue Gilles Fourt, chef du département projets ferroviaires et pôles chez Ile-de-France Mobilités.
“Nous sommes conscients des nuisances qu’impliquent ce projet, signale, quant à lui, Arnaud Crolais, directeur des infrastructures. Mais c’était la seule option de viable sur cette zone-là.” IDFM a en fait privilégié de minimiser l’impact sur les habitations.
“L’objectif n’est pas de détruire les emplois, rebondit-il, face aux salariés mécontents, mais d’apporter des solutions temporaires ou définitives.” Il cite l’exemple de la reconstruction de la zone d’activité du Plateau à Champigny-sur-Marne (ligne 15) où “il n’y a pas eu de destructions d’emplois.”
“Dès que le projet sera déclaré d’utilité publique, la négociation pourra s’engager, ajoute Gilles Fourt. Il reste cinq ans, de 2023 à 2028, pour préparer des stratégie de relocalisation qui peuvent être définitives ou provisoires.”
Un transfert d’activité difficile
Mais les entreprises n’envisagent pour l’instant ni relocalisation, ni même des indemnisations, estimant de 1 500 à 2 000 le nombre de postes de salariés qui devraient déménager lors du chantier. De son côté, IDF comptabilise 400 emplois. “Rien que pour Batisanté, ce sont 1 000 emplois qui seraient affectés, insiste Jean-Pierre Polèse, son directeur général.
Pour son groupe, un tel transfert poserait principalement deux problèmes: “d’une part, il faut bien se rendre compte que ce n’est pas évident de trouver des bureaux avec un espace d’entrepôts de 6 000 à 8 000 mètres carré en petite couronne. D’autre part, depuis la création de l’entreprise en 1986 à Neuilly-Plaisance, nous avons embauché de nombreux jeunes principalement de la Seine-Saint-Denis, que nous avons dû former parce que l’école ne forme pas à nos métiers. C’est un processus long. Mais est-ce qu’ils vont nous suivre? Le risque, si on devait déménager, c’est que nombre d’entre eux démissionnent et partent à la concurrence“, expose le chef d’entreprise.
Même constat chez ERI qui avance le chiffre 400 salariés travaillant dans les locaux concernés par le chantier de la ligne 1, dont 250 vivent avec leur famille à moins d’un kilomètre.
“C’est la dernière ligne droite, nous avons jusqu’à mercredi pour continuer à mobiliser les Nocéens“, fait valoir Christian Demuynck.
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