Alors qu’un quart de la population souffre aujourd’hui d’une pathologie psychiatrique en France, le diagnostic reste trop tardif et les traitements insuffisants. Refusant de se résigner, une équipe de chercheurs de l’université Paris Est Créteil (Upec) travaille à la création d’une filière biomédicale pour proposer des thérapies personnalisées. Ce projet, Propsy, suscite beaucoup d’espoirs et vient de recevoir un bel encouragement.
Dépistage précoce, traitements personnalisés, qualité de vie améliorée, la médecine de précision a permis à la cancérologie de faire des pas de géants au cours des dernières décennies. C’est cette voie que veulent emprunter les chercheurs de l’Upec, basés sur le campus du GHU Mondor de Créteil (AP-HP), alors que la psychiatrie est aujourd’hui en grande difficulté.
6 000 suicides par an
“Il y a douze millions de personnes atteintes de maladies mentales en France. Elles sont aujourd’hui diagnostiquées avec un retard de dix à quinze ans, ce qui entrave gravement le pronostic alors même que l’on peut agir dans les cinq premières années du début des maladies. Elles entraînent en moyenne dix à quinze années de vie perdues essentiellement à cause des comorbidités somatiques qui sont peu diagnostiquées et à cause des suicides qui entraînent 6000 morts par an, principalement chez les jeunes adultes. Sur le plan économique, ces maladies sont associées à un coût considérable avec des dépenses directes et indirectes de 160 milliards d’euros par an. Et nous anticipons déjà une augmentation des troubles neuropsychiatriques liés au Covid“, brosseMarion Leboyer, directrice des départements universitaires de psychiatrie des hôpitaux Henri Mondor à Créteil.
Analyser des cohortes de patients en grand nombre
C’est dans ce contexte que la psychiatre sur un programme de médecine de précision en santé mentale baptisé Propsy, soutenu par deux organismes de recherche, le CNRS et l’Inserm. Concrètement, son équipe mène des travaux sur des cohortes de patients recensés et pris en charge depuis une dizaine d’années dans des centres experts répartis sur l’ensemble du territoire. Les chercheurs fouillent les bases de données génétiques pour identifier des sous-groupes de maladies homogènes partageant des caractéristiques, en recourant également à l’imagerie médicale. “Avec l’IRM, nous pouvons identifier des anomalies cérébrales stables et reproductives, établir le profil cognitif des patients et suivre l’évolution de la pathologie”, explique Pauline Favre neuropsychologue et chercheuse à l’Inserm. “Les échantillons de patients sont malheureusement trop petit à l’heure actuelle, nous avons besoin de moyens supplémentaires pour pouvoir scanner de plus grandes cohortes”, expose-t-elle.
Stimuler les bonnes zones du cerveau
De son côté, Charles Laidi, chef de clinique assistant au CHU Mondor, a élaboré une thérapie innovante à partir de l’imagerie médicale. “C’est une méthode non invasive qui permet de stimuler une zone précise du cerveau pour améliorer certains symptômes. L’imagerie nous permettrait de cibler les zones inflammatoires et les patients les mieux susceptibles de répondre”.
Immunologie
Ryad Famouza, immunologiste, espère aussi “pouvoir rejouer le film de la cancérologie en psychiatrie” en travaillant sur l’immunologue grâce à “une pharmacopée de drogues immunorégulatrices que l’on sait parfaitement utiliser parce que c’est codifié depuis une trentaine d’années pour le traitement d’autres maladies.”
Besoin de changer d’échelle
Des pistes prometteuses qui nécessitent d’être encouragées à plus grande échelle, c’est à dire soutenues politiquement et financées. Ce mardi, la visite de la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau (3ème ministre en deux jours à s’être invitée dans le département après le remaniement) a apporté les deux. Chercheuse elle-même, l’ancienne présidente de Paris Sud, renouvelée dans sa fonction après le remaniement ministériel, s’est rendue à l’université cristolienne – et pas les mains vides.
80 millions d’euros pour poursuivre
“Le jury international des Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) a décidé de vous attribuer une enveloppe de 80 millions d’euros pour poursuivre vos travaux. Ils ont souligné le grand intérêt et la qualité de votre projet”, a annoncé la ministre. Un signal positif envoyé à la psychiatrie pour la professeure Marion Leboyer, qui regrettait, lors de son discours d’accueil de la ministre, le faible investissement dans la recherche en psychiatrie, à savoir “30 centimes d’euros par Français et par an, entre 2 et 4% du budget de la recherche, soit, malheureusement, l’un des plus faibles efforts budgétaires en Europe“. Pour la psychiatre, les progrès de la discipline, la réduction de la stigmatisation et des fausses représentations des pathologies psychiatriques ainsi que le développement de cette nouvelle filière de bio-santé, doivent renforcer son attractivité et participer à la création d’une nouvelle génération de scientifiques et de soignants en psychiatrie.
Pour plus d’infos, on peut regarder le site de la Fondation FondaMental qui est en lien d’ailleurs avec les Centres experts dont celui de Créteil.
Une ministre de l’Enseignement supérieur elle-même enseignante-chercheuse (physicienne) et universitaire : bientôt la norme, plutôt qu’un nième énarque ? En tout cas, elle s’intéresse aussi à la biologie au sens large.
De même qu’au ministère de la Santé (2 missions : soins et comptes de la Sécu) dont Hopitaux on aurait besoin d’équilibrer pouvoir administratif/gestionnaire avec l’avis du personnel soignant.
Comme en Allemagne, où les deux négocient. En pleine crise coronavirus, cette explication a été avancée pour le nombre bien plus important de lits de réanimation outre-Rhin.
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