Justice | Val-de-Marne | 09/01/2022
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Prostitution forcée au bois de Vincennes: l’accusé charge la recruteuse

Prostitution forcée au bois de Vincennes: l’accusé charge la recruteuse © CD

Le Nigérian Omos Wiseborn, jugé en appel à Créteil pour proxénétisme en bande organisée, a répété un nom vendredi: “Mama Blessing”. C’est elle qui recrutait des adolescentes au Nigeria et qui touchait les gains de leur prostitution en France, pas lui, a-t-il soutenu.

Omos Wiseborn, 35 ans aujourd’hui, avait été condamné en première instance à 19 ans de réclusion criminelle, en juillet 2020. Vendredi, aux assises de Créteil, il s’est défendu d’avoir eu un rôle central dans ce trafic de jeunes femmes souvent mineures, originaires de l’Etat d’Edo, au sud-ouest du Nigeria.

L’accusé l’assure, son rôle se résumait à “prendre des nouvelles” des filles lors de leur migration illégale et périlleuse du Nigeria vers la France, au cours de laquelle deux des seize victimes identifiées sont mortes noyées, puis à “gérer la prostitution”.

“C’est pas moi qui finançait les trajets ou qui les ai recrutées et c’est pas moi qui les forçait, j’étais une sorte d’intermédiaire pour Mama Blessing”, une femme au Nigeria de “50 ans, plus intelligente que nous”, déclare-t-il, lors de son interrogatoire, bras croisés dans le dos.

L’accusé présente ses excuses “aux filles”, répétant au moins une trentaine de fois qu’il est “désolé”.

– C’est un truc qui va me hanter jusqu’à la fin de mes jours, dit-il.

– Je crois qu’il y en a d’autres ici, lui répond le président de la cour.

Depuis mardi, des Nigérianes brisées ont témoigné. Juliet, qui croyait émigrer pour étudier, a raconté avoir perdu sa virginité à 14 ans en se prostituant dans le bois de Vincennes et avoir subi un avortement sauvage, ordonné par Omos Wiseborn.

Ce dernier a d’abord assuré “ne pas avoir assisté” à l’avortement, puis a reconnu, après une suspension d’audience, “être entré et avoir nettoyé la chambre”.

Comme les autres parties civiles, Juliet a aussi raconté s’être prostituée pour rembourser le coût supposé de sa migration: 35 000 euros à Omos Wiseborn.

Les adolescentes se disaient aussi soumises au “jujuman”: un homme à qui elles avaient prêté allégeance au Nigeria lors d’un rituel dont elles se souviennent avec effroi. Elles craignaient pour leur vie et leurs proches.

Mais Omos Wiseborn est formel: la menace du “jujuman”, la dette de 35 .000 euros, sont du fait de Mama Blessing, pas de lui.

Et s’il a logé en région parisienne des filles, qui savaient d’après lui avant de partir en France qu’elles devraient s’y prostituer, c’était pour rembourser sa propre dette auprès de Mama Blessing.

En 2012, alors qu’il tentait de rejoindre l’Europe, il est prisonnier d’un camp de rebelles en Libye avec sa femme. “Un Nigérian” leur donne le contact de “Mama Blessing”: elle les aidera à sortir s’ils paient 60 000 euros, raconte-t-il.

Le couple accepte et parvient en Italie. Puis en France. Là, la compagne d’Omos Wiseborne se prostitue pour s’acquitter de “sa dette”, toujours selon son récit. Mama Blessing leur aurait ensuite proposé un accord pour rembourser plus vite: “5 000 euros” pour l’hébergement d’une prostituée.

Accusé de violences, Omos Wiseborn reconnaît “des gifles”.

“J’ai fait tout ça, pas pour tirer profit, mais pour régler mes dettes”, affirme-t-il.

Le président de la cour tique : à ses yeux, il y a “très peu d’appels” entre Mama Blessing et Omos Wiseborn. 

Et le juge de citer des propos téléphoniques d’Omos Wiseborn à sa compagne en mars 2016: “Avec tout cet argent que j’ai fait, j’ai tout rangé au pays, c’est toi et moi qui avons travaillé ensemble”, dit-il à sa femme, condamnée en première instance à 20 ans de réclusion criminelle et actuellement en fuite.

– D’où vient l’argent ? lui demande le président.

– D’un contrat de musique, répond avec vigueur Omos Wiseborn, compositeur de reggae.

Trois autres accusés, condamnés en première instance à des peines de 10 à 15 ans, sont rejugés à ses côtés: le couple Blessing Ubi et Dennis Brown, accusés d’être hébergeurs et proxénètes, et la personne ayant pratiqué l’avortement sauvage, Emmanuel Aiwansosa.

Réquisitions lundi.

par Clara WRIGHT

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