Solidarité | | 18/02/2022
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Saint-Maurice: mobilisation solidaire pour une famille albanaise menacée d’expulsion

Saint-Maurice: mobilisation solidaire pour une famille albanaise menacée d’expulsion © Louan Deniel

Arrivée en France il y a huit ans, la famille Bakiasi a reçu en décembre 2021 une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Les trois enfants, nés en France, sont scolarisés à Saint-Maurice. Ce jeudi, un rassemblement de près de cent personnes s’est tenu sur l’esplanade Delacroix, à l’appel de la FCPE 94 (parents d’élèves) et du Réseau d’Éducation Sans Frontières (RESF). Objectif : faire annuler l’OQTF et obliger la préfecture à délivrer un titre de séjour aux Bakiasi.

“La famille Bakiasi, ta place est ici !” C’est une petite foule qui donne de la voix sur l’esplanade Delacroix de Saint-Maurice en cette fin d’après-midi. On croise des jeunes Mauritiennes, âgées de 20 à 22 ans, qui sont “présentes car on habite la ville et ce sont des causes qui nous touchent, parce que le droit à l’école est important !” insiste Sarah. “Il y a le droit d’asile aussi !” s’exclame une autre. Les Bakiasi sont originaires d’Albanie, qui n’est pas un pays en guerre, et n’ont donc pu bénéficier du droit d’asile. Les parents d’élèves, des mères surtout, sont venus en nombre pour les soutenir. “J’ai pris ma demi-journée pour venir ici, témoigne Maud, assistante sociale. Je suis venue me renseigner sur leur situation car en principe, ils ont seulement droit aux aides médicales d’État.”

“Pourquoi il n’y a pas de place pour nous ?”

La situation est complexe. Mme Bakiasi s’est mariée à M. Bakiasi contre l’avis de sa famille. Le couple a fui le pays et demande un titre de séjour à son arrivée en France, en 2014. La demande est rejetée, et une première OQTF est émise par la préfecture. Une application “très stricte” de la circulaire Valls de 2012 selon Pablo Krasnopolsky, en charge du dossier pour RESF. “Cette circulaire implique que pour toute demande rejetée, une OQTF est automatiquement prononcée. Mais cette circulaire est non-contraignante !”

Les Bakiasi vont alors d’un hébergement à l’autre, proposé par le 115. “J’ai consulté des dizaines d’associations de psychologues qui m’ont aidée pour cela, mais c’était très difficile, raconte Mme Bakiasi. Elle souligne les conditions déplorables d’hébergement, avec “des souris dès qu’on soulève un drap.” La situation économique est précaire. Son mari aide à faire des déménagements de nuit. Elle, est bénévole depuis plusieurs années à Charenton-le-Pont, d’abord à Emmaüs et aujourd’hui à l’épicerie solidaire Le Petit Plus, et est récompensée par des denrées alimentaires. Parfois, pour “payer les frais de cantine, ou quand on a un problème de santé”, elle effectue des aides au ménage supplémentaires pour rentrer dans les frais. “Pourquoi il n’y a pas de place pour nous ?” lui demande régulièrement son aînée de huit ans. “Je me pose la même question, j’essaie de lui expliquer mais je n’ai pas de réponse”, soupire la mère.

© Louan Deniel
Mme Bakiasi avec ses trois enfants, lors de la mobilisation du 17 février.

“Ils ont une vraie dignité humaine”

“J’ai eu des échos par ma fille, qui est dans la même classe que l’aînée. Elle se plaint régulièrement d’être fatiguée, car [la famille] est beaucoup déplacé[e]. C’est ça qui m’a poussé à me mobiliser”, explique Arcadie, membre de la FCPE, qui souligne que les enfants sont affectés.

“Je connais la famille depuis quatre ans, et je m’accroche à eux car ils ont une vraie dignité humaine”, défend Annie, bénévole au Petit Plus, qui s’implique aussi dans le soutien scolaire des enfants Bakiasi. Elle regrette ce système qui oblige la famille à changer très fréquemment d’hébergement. “Cela fait des années qu’ils font énormément d’efforts, les enfants travaillent bien. Aujourd’hui, tout le monde est dans l’incompréhension”, insiste-t-elle. : “Il n’y a pas de problème avec les enfants ni avec la famille” relève Cécile, directrice d’école. “Les enfants sont très bien intégrés !” ajoute sa collègue de l’école du Centre.

Procédure toujours en cours

Les Bakiasi ne perdent pas espoir. Les parents, présents en France depuis plus de cinq ans, et leurs trois enfants, Serda, Méridion, et Réni, âgés respectivement de huit, sept, et six ans, sont nés en France et scolarisés depuis plus de trois ans. Des critères qui peuvent permettre à la famille “de prétendre logiquement à l’AES” selon Gérard Colo, de RESF. L’AES, pour “Admission Exceptionnelle au Séjour”, permet en effet de bénéficier temporairement d’un titre de séjour en attendant une régularisation définitive. Problème : les demandeurs doivent aussi justifier d’une activité professionnelle, ou du moins d’un engagement.

Or, le bénévolat de Mme Bakiasi n’est pas reconnu, et ses liens avec la France pas suffisamment explicites au regard de l’administration. La seconde OQTF, émise fin d’année 2021, relève “d’un coup d’humeur de la Préfecture”, estime Pablo Krasnopolsky. La famille a pu recourir à un avocat et émettre un recours gracieux qui suspend l’expulsion. Si celui-ci n’aboutit pas, RESF promet de porter l’affaire devant le Tribunal administratif.

© Louan Deniel

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