L’auteur d’une fusillade mortelle à Pantin en 2019, sur fond de rivalités entre dealers, a été condamné jeudi à 15 ans de réclusion criminelle. La cour d’assises de la Seine-Saint-Denis a dû néanmoins se résoudre à acquitter son complice présumé, sorti libre avec ses secrets.
Debout dans le box, Michel Tetaert, 30 ans, est resté immobile à l’annonce du verdict. De l’autre côté de la vitre, à un mètre de lui, son complice présumé, 41 ans et emmitouflé dans une longue doudoune noire, est soulagé: la cour vient de l’acquitter, faute de preuves suffisantes pour étayer les charges qui pesaient contre lui.
Vingt-deux ans de prison avaient été requis contre les deux accusés. “La loi pénale doit être plus forte que la loi de la cité“, avait martelé Elsa Jacquemin, l’avocate générale.
Le profil de Michel Tetaert, visage émacié et allure de pauvre hère, n’est pas celui d’un caïd, avait tenté de défendre Me Servane Crosnier, son avocate. “C’est un homme à qui on donne des pull-over et des kebabs, c’est pas un tueur à gages“, avait-elle plaidé. Écorché par la vie, SDF, déjà condamné pour des “larcins“, il a tiré “comme un cow boy” sans avoir eu l’intention de tuer, avait-elle soutenu.
Il n’a pourtant pas raté sa cible: Tiky G., 27 ans, est mort d’une balle dans le thorax, et un ami avec qui il discutait a été grièvement blessé. Le drame s’est noué le 12 février 2019 quartier Scandicci à Pantin, connu pour être un point de deal.
Recruté, équipé et convoyé par au moins un complice, le tout en une seule journée, le meurtrier a affirmé avoir été forcé d’accepter cette mission car redevable d’une dette.
Mais il n’a pas agi seul. Alors avec qui ? Et surtout pour qui ? A l’issue des cinq jours d’audience, la cour d’assises est restée sans réponse face à ces deux questions centrales.
Michel Tetaert, visiblement apeuré, a préféré se taire. Unique stratégie pour “rester en vie un peu plus longtemps“, a-t-il glissé lors de son interrogatoire. Son co-accusé est apparu détaché, et très peu loquace.
“Pressions constantes”
Le commanditaire présumé avait fait appel de sa mise en accusation et obtenu un non-lieu, échappant ainsi au procès. En détention pour trafic de stupéfiants, il a été entendu comme témoin lors de l’audience, en visioconférence depuis sa prison.
“C’est un dossier sur des “on-dit”, moi j’étais pas là, je sais rien, fin de l’histoire“, s’était-il énervé. Il avait eu une violente altercation avec Tiky G. peu avant le drame.
La victime, connue aussi pour dealer sur un point de vente à quelques centaines de mètres, cherchait à reprendre son “terrain”, ce qui n’était pas du goût de son concurrent, selon l’enquête et de – rares – témoins à la barre.
La majorité des témoins n’ont pas fait le déplacement, renforçant le climat d’omerta autour de l’affaire.
Les enquêteurs de la police judiciaire n’ont d’ailleurs recueilli que des renseignements anonymes, ce qui a compliqué leur tâche. “Les gens ne veulent pas venir déposer, tout simplement parce qu’ils sont terrorisés“, a souligné l’un d’entre eux.
C’est “un dossier dans lequel la crainte et les pressions ont été constantes“, avait aussi pointé Me Jessica Belhassen, l’avocate des parties civiles.
“Le bonheur est un choix. Il [le tireur] a décidé de son avenir: qu’il assume“, avait lancé Fouta T., grièvement blessé dans cette fusillade éclair, digne, selon ses mots, “des films américains“.
Par Fanny Lattach
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