Gérés par l’établissement spécialisé de Ville-Evrard, les centres médico-psychologiques (CMP) des Lilas, Bagnolet et Romainville doivent être regroupés dans une nouvelle structure en construction à Montreuil. Opposés au projet, les maires des trois communes ont écrit au ministre de la Santé et lancé une pétition.
“Nous refusons la fermeture des CMP pour les enfants de nos villes!” Dans une lettre commune, les maires de Bagnolet, des Lilas et de Romainville ont signifié au nouveau ministre de la santé, François Braun, leur opposition au regroupement de leurs centres médico-psychologiques (CMP). Gérés par l’établissement public spécialisé de Ville-Evrard, ils doivent en effet fusionner dans une nouvelle structure avec celui de Montreuil.
Lancé en 2016, le projet a été pris du retard avec la crise Covid. Mais le futur centre, qui est en cours de construction boulevard de la Boissière à Montreuil, devrait être opérationnel début 2023. Il accueillera une file active de plus de 1 000 patients.
“A l’heure où la santé mentale est plus que jamais au cœur des débats de santé publique, où chacun convient de la recrudescence des besoins en soins psychiatriques, il est impensable que des établissements de santé spécialisés ferment leurs portes sur nos territoires. Ce sont une nouvelle fois les enfants de la Seine-Saint-Denis qui en subiront les conséquences, l’ensemble du département étant déjà sous-équipé en structures médico-sociales compte-tenu de sa forte population infantile“, plaident les trois édiles.
Rupture de suivi
Pour Sania (son prénom a été modifié), les consultations au CMP de Bagnolet sont indispensables. “Mon fils est autiste et souffre de troubles de l’attention. Je vais au centre trois fois par semaine. Ça me prend beaucoup de temps et je suis tout de seule à m’en occuper“, explique-t-elle. Même si elle vit depuis peu à Montreuil, le futur CMP sera beaucoup plus éloigné pour elle que celui de Bagnolet où elle se rend à pied.
“Le CMP s’adresse à des publics modestes et fragiles. Le fait de devoir aller plus loin, et ne serait-ce que de devoir payer des tickets des métro, soulève le risque que certains parents renoncent au suivi des soins. C’est ce qui nous inquiète dans ce projet“, s’alarme Lionel Benharous, maire des Lilas.
En plus des élus, une dizaine de directeurs d’écoles et des représentants de parents d’élèves figurent parmi les signataires de la lettre au ministre de la santé. “La fermeture du CMP des Lilas va avoir des conséquences très concrètes pour les enfants qui vont en consultation durant le temps scolaire. Pour aller à Montreuil, ils devront s’absenter de classe pendant une demi journée. Pour les parents, cela signifie au mieux de poser une demi-journée. On sait que certains vont abandonner le suivi des soins“, pointe Emilie Judith, présidente de l’union de coordination locale FCPE aux Lilas. “Or, les enfants les plus pénalisés sont ceux qui sont ceux qui sont déjà bien identifiés par les Rased [ndlr, réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté] qui manquent déjà eux-mêmes de moyens“, poursuit-elle.
Une offre de soins élargie
Le docteur Bertrand Welniarz, pédopsychiatre, chef du pôle 93I03 de Ville Evrard qui couvre notamment les villes de Bagnolet, Les Lilas, Montreuil et Romainville, affirme comprendre les inquiétudes soulevées par le regroupement des CMP. “Il est certain que ça impliquera un changement, mais il n’est pas non plus insurmontable“, observe-il, faisant valoir que le nouveau centre est situé à deux pas de la nouvelle station La Dhuys, sur la ligne 11, dont la mise en service est prévue en 2023. “Nous essayons également de trouver des solutions pour garantir le suivi des soins. Nous allons d’ailleurs déjà au-devant des familles avec des unités mobiles pour adolescents et de périnatalité“, ajoute-t-il.
Le projet, déjà ancien, a été validé par l’Agence régionale de santé. “L’objectif n’est pas de faire des économies, mais d’améliorer la qualité du service aux patients que nous pourrons accueillir en plus grand nombre, et de réduire les délais de prise en charge“, résume le docteur Bertrand Welniarz qui met en avant également des praticiens en plus grand nombre et des outils plus étoffés et diversifiés.
Le futur centre de santé proposera des consultations en CMP et en centres d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP). Il abritera notamment un hôpital de jour, réservé aux enfants de 18 mois à 6 ans présentant des troubles envahissant du développement (TED) et un autre dédié aux adolescents de 12-16 ans, une unité d’hospitalisation à temps plein réservés aux 3-12 ans, une salle de balnéothérapie ou encore une salle de réunion avec les parents.
Recul des services publics de proximité
“Quand on nous dit que le déplacement à Montreuil va permettre d’étoffer l’offre globale de soins, je n’y crois pas“, considère Lionel Benharous. “Ce regroupement s’inscrit dans une politique plus globale de recul des services publics de proximité“, maintient l’édile en faisant référence à la fermeture de l’antenne lilasienne de la CPAM. “D’une manière ou d’une autre, ce sont les services publics locaux qui devront répondre aux attentes des habitants.”
Selon le maire des Lilas, la création de centres plus grands, ne permettra pas non plus pourra de recruter davantage de praticiens. “C’est une des raisons invoquées, mais la réalité c’est que des CMP regroupés coûtent moins cher. En interpellant le ministre de la santé, on lui demande de donner les moyens à cette médecine de proximité.“
Pour se faire entendre, les mairies des Lilas, de Bagnolet et de Romainville ont lancé une pétition qui a recueilli en six jours 547 signatures.
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